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Reporters sans frontières : Ménard va nous manquer

Publié le lundi 29 septembre 2008 à 00h45min

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Ce week-end, par le canal de différents médias, nous avons appris que demain Robert Ménard va rendre officielle sa démission du secrétariat général de Reporters sans frontières (RSF) après 23 ans de bons et loyaux services. Cette démission, « par envie de faire autre chose », est un événement majeur dans le paysage médiatique mondial tant cet homme a incarné ces deux dernières décennies la défense des journalistes et la liberté d’expression dans les quatre coins du globe.

Cette ONG a été portée sur les fonts baptismaux au milieu des années 80, plus précisément en 1985, au moment où le bloc de l’Est commençait à montrer des fissures et où les questions de démocratie et de droits de l’homme prenaient de l’ampleur.

Autant dire qu’il y avait une fenêtre d’opportunités pour ces croisés de la liberté de la presse. Jusque-là, en effet, on pouvait jeter en prison un journaliste pour un oui ou pour un non. On pouvait le torturer à souhait. On pouvait même se payer le luxe d’incendier des sièges d’organes de presse sans que ça émeuve grand monde.

Puis arriva Zorro, ou si vous préférez Ménard. Aujourd’hui, cela fait 23 ans que, sabre au clair, il bataille sur tous les champs médiatiques pour l’amélioration des conditions de travail des pisse-copies et mène la vie dure à tous les prédateurs de la liberté de la presse.

Il y a sans doute du gauchiste et du révolutionnaire dans ce tribun hors pair connu pour ses envolées lyriques, ses coups d’éclat et ses coups de gueule et dont l’impertinence frise quelquefois l’irrévérence. Certains ont pu dire que ce Ménard ne respectait rien ni personne.

Et ce ne sont pas Blaise et François Compaoré qui diront le contraire, tout comme d’ailleurs le procureur général, Abdoulaye Barry, ou l’ex-ministre de la Sécurité, Djbrill Bassolé à qui il a donné du fil à retordre après l’assassinat du journaliste Norbert Zongo le 13 décembre 1998 dans les environs de la localité de Sapouy au Burkina.

C’est d’ailleurs véritablement à ce moment que le commun des Burkinabè a appris à connaître celui qui sera expulsé plusieurs fois du territoire national. On peut parfois contester ses méthodes, on peut déplorer ses excès, mais Ménard ne serait pas Ménard sans ça.

Et il faut reconnaître qu’il a au moins été l’ardent défenseur de la cause médiatique dont on a toujours besoin un jour ou l’autre. En effet, il est le véritable poil à gratter des liberticides, la mauvaise conscience des despotes de tout acabit, et Dieu sait si sur le continent africain il en existe. De ce point de vue, Bob va nous manquer surtout que l’histoire de RSF se confond intimement à la sienne.

A coup sûr, l’organisation sera orpheline de sa mascotte et on peut raisonnablement se demander si le jeune Jean François Julliard, qui va lui succéder, pourra remplir tout le vide qu’il va laisser. Mais au moins, on ne pourra pas dire que Ménard est assis sur son article 37(1) surtout que ce ne sont pas les chantiers qui manquent, les espaces de libertés à conquérir et des causes à défendre.

Mais l’homme ne voulait pas passer toute sa vie à RSF qu’il va quitter définitivement. On pourrait le retrouver dans une rédaction ou dans l’édition et pourquoi pas dans l’arène politique.

On en sera situé d’ici là. Force cependant est de noter qu’il jette l’éponge alors que Moussa Kaka vient de passer une année dans les geôles de Mamadou Tandja au Niger et à quelque deux mois et demi du 10e anniversaire du drame de Sapouy qui aura été l’un de ses principaux dossiers. Kaka est toujours en prison et justice n’est pas encore rendue à Zongo.

Une chose est sûre, cette démission fera l’effet d’une onde de choc en Afrique où Ménard a toujours été pour dénoncer les injustices et les violations contre les droits des journalistes.

C’est donc la mort dans l’âme que les journalistes du continent voient s’éclipser cet homme qui a été un véritable gendarme des persécuteurs de la liberté de presse sous nos tropiques. Reste à Jean François Julliard et à son équipe de relever le défi car il n’est pas facile de succéder à un coriace comme Robert Ménard qui a su marquer de son empreinte indélébile cette organisation de défense des journalistes et de la liberté d’expression.

San Evariste Barro

L’Observateur Paalga

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