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Mauritanie : L’U.A. a fini par sortir le mégaphone

Publié le jeudi 25 septembre 2008 à 23h43min

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le Général Ould Abdel Aziz

Il y a exactement 50 jours, Ould Abdel Aziz perpétrait un des coups d’Etat les plus iconoclastes du continent. Un putsch du dimanche, entrecoupé de séances de pause- café, comme l’avait laissé entendre un de nos hommes politiques les plus percutants. Et en ce qui concerne le décryptage de cette prise du pouvoir par la force, pas de doute, il y aura du boulot pour les politistes.

En matière de coups d’Etat cocasses en Afrique, le cas mauritanien fera sans doute école, en prenant une place de choix dans le célèbre livre Guinness des records. Rarement, de mémoire d’homme de média ou d’observateur de la scène politique, il aura été donné de vivre une si singulière situation que celle de la Mauritanie.

En effet, de la multitude de putschs perpétrés en Afrique, on retiendra une constante : lorsqu’ils réussissent, leur coup d’Etat, les nouveaux maîtres se dépêchent de mettre hors d’état de nuire leurs devanciers dans la gestion de la chose publique, de suspendre la Constitution, de parler d’un éventuel retour à une vie constitutionnelle normale pour rassurer les partenaires internationaux, bref de tenter d’être rassurants pour être mieux compris et acceptés par l’opinion nationale et internationale.

Rien, ou presque rien de tout cela en ce qui concerne ces putschistes du dimanche à Nouakchott, qui poussent le ridicule jusqu’à déclarer urbi et orbi n’avoir pas été préparés à commettre le fameux coup d’Etat. En un mot, comme en mille, le renversement du premier président démocratiquement élu de Mauritanie aurait donc été perpétré sans aucune réflexion pour voir d’abord ce qu’on fera de ce pouvoir, nouvellement conquis, et surtout comment convaincre l’opinion publique nationale et surtout internationale de l’opportunité de son usurpation.

C’est, disons, sur un simple coup de tête, pour avoir été démis de leurs fonctions qu’Ould Abdel Aziz et ses quelques frères d’armes, qui avaient naguère pour rôle de veiller à la protection du chef d’Etat, ont décidé, sous un prétexte falacieux, de ravir le pouvoir à Sidi Ould Abdallahi. Mais s’emparer du pouvoir d’Etat est une chose, le gérer au bonheur du peuple pour lequel on l’a conquis, quelquefois au péril de sa vie, reste une autre paire de manches.

C’est la nouvelle croisade de la junte au pouvoir à Nouakchott. Et si en Mauritanie il s’en trouve des gens pour avaliser cette forfaiture, en apportant leur blanc seing à ce coup de force, il en est tout autrement de la communauté internationale, qui, dès le mercredi 06 août, avait donné le ton, en condamnant avec la dernière énergie cette usurpation du pouvoir d’Etat.

En effet, en dépit de la nomination, en début septembre, d’un diplomate rompu aux négociations difficiles et doté d’un carnet d’adresses suffisamment étoffé en la personne de Ould Mohamed Lagdaf, précédemment ambassadeur auprès de l’Union européenne, au poste de Premier ministre, les partenaires de la Mauritanie campent toujours sur leur position initiale, qui consiste à exiger un retour immédiat et sans concession à une vie constitutionnelle normale. Ainsi, au beau milieu du gué, ces putschistes du dimanche ne peuvent ni avancer, ni opérer facilement un repli stratégique, sous peine, au mieux, de finir leurs jours en prison.

Et comme si un malheur ne vient jamais seul, l’Union africaine, qui, pourtant, semblait très accommodante vis-à-vis des nouveaux maîtres de Nouakchott, est entrée dans la danse pour emboucher la même trompette que les Européens.

En effet, pas plus tard que hier jeudi 25 septembre, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine a donné aux putschistes mauritaniens un delai allant jusqu’au 6 octobre 2008 pour rétablir l’ordre constitutionnel dans le pays, notamment en réintégrant dans ses fonctions le président déchu. Cet ultimatum, rendu public par la Commission de l’Union africaine à Addis- Abeba, a été pris lors d’une réunion au niveau ministériel, à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, qui s’est penchée sur la situation actuelle en République islamique de Mauritanie.

Pis est, le CPS a déclaré nulles les mesures de nature constitutionnelle, institutionnelle et législative prises par les autorités militaires au lendemain du coup d’Etat. Et si cet ultimatum court jusqu’au 6 octobre prochain, ce n’est pas une date choisie au hasard, car, d’ici là, les putschistes de Nouakchott auront fait deux mois, jour pour jour, au pouvoir.

Après avoir fait pendant plus d’un mois usage de la carotte, l’Union, qui ne fait plus dans les circonlocutions diplomatiques, s’est équipée désormais d’un mégaphone pour crier sur tous les toits le fond de sa pensée, et s’est munie d’un gros bâton pour corriger sévèrement les nouvelles autorités de la Mauritanie ; c’est dire que les pions utilisés par le général Ould Abdel Aziz pour faire passer la pilule du coup d’Etat se sont avérés inefficaces.

Cet ultimatum sonne sans aucun doute aussi comme un désaveu pour le président sénégalais, Me Abdoulaye Wade, qui, ici encore, a manqué l’idoine occasion de se taire en déclarant, le 10 septembre dernier, sur le perron de L’Elysée, alors qu’il venait de finir une entrevue avec le président Nicolas Sarkozy, que « la junte est sur la bonne voie pour organiser des élections » et que « l’Union africaine se doit d’être aux côtés de la Mauritanie pour l’aider à réussir des élections libres, transparentes et démocratiques », avant de conclure : « Le calme qui règne aujourd’hui dans le pays est la réponse du peuple au coup d’Etat ».

Pour la junte, la messe est dite ; et en dépit de ses prestigieux titres en droit et de son gros carnet d’adresses, cet argumentaire résonne comme dans le désert ; et l’avocat Abdoulaye Wade ne pourrait absolument rien faire pour sauver la tête de son client, le général Abdel Aziz.

A dire vrai, le choix offert à la junte pour effectuer une bien piteuse marche-arrière, en se déculottant pour réhabiliter le président Ould Abdallahi dans un délai de dix jours dans tous ses attributs de chef d’Etat, ou à s’arc-bouter au pouvoir en tenant tête à l’Organisation continentale au risque de subir les pires sanctions, reste des plus cornéliens.

Tout laisse penser que la junte risque de boire la coupe jusqu’à la lie, car la communauté internationale semble s’être donné le mot pour la coincer, sans aucun répit, jusque dans ses derniers retranchements.

En effet, pour mettre à exécution leurs mesures de rétorsion, Bruxelles, Paris Washington, New York, bref tout ce qu’il est convenu d’appeler communauté internationale, a décidé de fermer leurs portes, au propre comme au figuré, aux nouvelles autorités de Mauritanie.

Ainsi en est-il du Premier, Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, ancien expert scientifique auprès de la Commission européenne à Bruxelles et grand connaisseur de l’Europe, qui s’est vu déclaré persona non grata sur le vieux continent, pour avoir accepté sa charge dans le régime des généraux putschistes.

Il en est de même pour Mohamed Mahmoud Ould Mohamed, l’actuel ministre des Affaires étrangères, qui, en dépit de ses précédentes fonctions de professeur à la pretigieuse université de Harvard, s’est vu refuser un visa pour se rendre aux USA en vue de prendre part à l’Assemblée générale de l’ONU.

C’est dire que ce ne sont pas seulement les crève-la-faim à la recherche d’un éventuel eldorado qui sont refoulés aux portes occidentales. Et pour la junte au pouvoir à Nouakchott, rarement l’expression avoir du pain sur la planche aura été aussi assourdissante !

Boureima Diallo

L’Observateur Paalga

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