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SENEGAL-FRANCE : Vers une ère de la réciprocité

Publié le lundi 22 septembre 2008 à 23h51min

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L’Etat sénégalais n’est pas du genre à se laisser ridiculiser. Il a répondu du tic au tac aux mandats d’arrêt internationaux lancés par un juge français contre certaines hautes personnalités dans l’affaire du Joola.

Un pool d’avocats a ainsi été commis par le Sénégal pour engager des poursuites à l’encontre de ce juge pour "forfaiture et discrédit" portés à ses institutions. On sait que l’affaire du Joola, du nom de ce bateau dont le naufrage a provoqué près de 2000 morts en 2002, a été classée sans suite par la justice sénégalaise, qui estimait que le commandant noyé était "seul responsable" du drame.

L’Etat sénégalais n’est pas du genre à se laisser ridiculiser. Il a répondu du tic au tac aux mandats d’arrêt internationaux lancés par un juge français contre certaines hautes personnalités dans l’affaire du Joola. Un pool d’avocats a ainsi été commis par le Sénégal pour engager des poursuites à l’encontre de ce juge pour "forfaiture et discrédit" portés à ses institutions.

On sait que l’affaire du Joola, du nom de ce bateau dont le naufrage a provoqué près de 2000 morts en 2002, a été classée sans suite par la justice sénégalaise, qui estimait que le commandant noyé était "seul responsable" du drame. Des indemnisations ont été octroyées aux ayant-droits des victimes, et diverses autres actions ont été menées pour honorer leur mémoire.

Le gouvernement sénégalais considérait donc avoir fait son devoir et estimait que la page judiciaire de ce triste épisode était fermée. Mais le juge français a non seulement décidé de la rouvrir, mais en plus, il incrimine des personnalités de premier plan aux affaires lors du péril du Titanic africain. Autant dire que c’est la responsabilité de l’Etat sénégalais qui est ainsi mise en cause. Le Sénégal pouvait-il rester sans réagir ? En d’autres temps, peut-être aurait-on eu droit à quelques protestations et à des arrangements de coulisses pour ramener ce juge impertinent à la raison.

Mais depuis quelques années, les pays africains victimes d’attaques de juges français utilisent la même arme, celle des procédures judiciaires, sans ancun complexe. C’est le temps de la réciprocité. Le Sénégal n’est d’ailleurs pas à sa première mesure de rétorsion contre la France. Il a déjà appliqué la réciprocité en matière d’immigration, en renvoyant des Français sans-papiers chez eux.

D’autres pays africains se sont illustrés par leur refus de subir le diktat de la justice française. Pour eux, cette justice hexagonale n’a pas le monopole du droit. Les cas rwandais et ivoirien sont illustratifs de cette nouvelle Afrique que des juges d’un pays tiers, fût-il une grande puissance, ne peuvent plus, ni influencer, ni intimider, encore moins mystifier.

Quand le juge Jean-Louis Bruguière s’est avisé de mettre l’origine du génocide rwandais sur le dos du président Paul Kagamé, la France a eu droit à une réplique cinglante : rupture des relations diplomatiques, mise en place d’une "commission d’enquête citoyenne pour la vérité sur l’implication française dans l’extermination des Tutsis", incrimination de personnalités françaises, etc. Qui s’y frotte s’y pique donc. Le même adage est valable dans les relations houleuses franco-ivoiriennes de ces dernières années.

La convocation envoyée à Simone Gbagbo pour être entendue, en qualité de témoin sur l’affaire Guy-André Kieffer, a indigné au plus haut point, bien des Ivoiriens. Pour toute réponse, on a vu quelque temps après, le procureur de la république de Côte d’Ivoire évoquer une piste française et demander l’inculpation de quatre ressortissants français. Réponse du berger à la bergère, pour dire que la Côte d’Ivoire peut aussi se passer des considérations diplomatiques lorsqu’elle se sent victime d’une agression judiciaire. Sénégal, Rwanda , Côte d’Ivoire, c’est la tête de proue des pays exigeant des relations judiciaires d’égal à égal avec l’ex-puissance coloniale.

Ce souverainisme est certainement de nature à réjouir tous les Africains partisans d’un nouveau type de rapports entre l’Afrique et l’Occident. Mais les pays africains, s’ils veulent définitivement éviter les ingérences extérieures, ont intérêt à renforcer leurs propres justices, à les rendre performantes et indépendantes, et donc crédibles aux yeux des autres sytèmes judiciaires.

Par Mahorou KANAZOE

Le Pays

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