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REPRISE DES RELATIONS TCHAD-SOUDAN : En attendant la prochaine attaque rebelle

Publié le jeudi 18 septembre 2008 à 01h36min

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Le Soudan tend la main au Tchad. Le président Omar-el-Béchir a saisi l’opportunité de la réunion du groupe de contact pour l’annoncer, il y a quelques jours à Dakar. Il propose une reprise des relations diplomatiques rompues en mai dernier. Excellente nouvelle pour les deux pays. Mais on se demande aussi ce que laisse entrevoir une telle initiative, quelles en sont les réelles motivations et surtout quelle suite lui réservera le tchadien Deby.

Curieux tout de même, que ces deux hommes qui présentent tant et tant de similitudes, entretiennent en même temps comme une haine viscérale réciproque que rien ne semble pouvoir altérer. Des ennemis intimes en somme. Tous deux militaires, installés au pouvoir depuis belle lurette, gouvernent deux pays aux frontières mitoyennes ; tous deux ont dans leurs placards des dossiers sérieux de mal gouvernance, de droits de l’homme foulés aux pieds. Leurs deux pays sont pauvres mais disposent de pétrole. De la proposition soudanaise, le Tchad s’est contenté de prendre acte. Il la qualifie positivement, mais avance un préalable à son accomplissement : l’engagement du Soudan à "mettre fin à la déstabilisation du Tchad". Et c’est là, précisément, que réside le noeud du problème : la question des rebelles a, ces dernières années, empoisonné les relations entre les deux pays, chacun accusant l’autre de constituer une base-arrière abritant des rebelles ennemis qu’il instrumentalise et dont il use pour déstabiliser le voisin d’en face.

On se rappelle d’ailleurs que ce fut à la suite d’une violente offensive commise par des rebelles du Darfour contre la ville d’Omdurman, cité jumelle de Khartoum, que le Soudan avait souverainement rompu ses relations diplomatiques avec le Tchad qui, à l’époque, avait nié une quelconque implication dans les événements dont l’accusait son voisin. L’histoire de ces deux pays tourne autour d’accusations et de dénégations à propos de rebelles ennemis installés en territoires amis, opérant de part et d’autre des frontières, pour les uns et contre les autres. Pour tout dire, ils s’affrontent depuis 2005, par groupes rebelles interposés et chaque avancée rebelle tchadienne ou soudanaise provoque un regain de tension diplomatique entre les deux pays.

A supposer que la main tendue de Omar-el-Béchir procède d’une réelle volonté de faire la paix avec son voisin ennemi, tout le mérite lui en reviendrait et les deux pays ne s’en porteraient que mieux. Mais, coïncidence troublante, elle intervient après que le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno Ocampo, a lancé contre le président soudanais un mandat d’arrêt pour génocide, crimes de guerre et crime contre l’humanité. El-Béchir ressent-il le besoin de présenter quelque gage de bonne volonté à l’Union africaine qui a pris sur elle de demander que la CPI diffère les possibles poursuites à son encontre ? Cette main tendue est-elle au contraire une feinte savamment esquissée, dans le but d’endormir l’ennemi et ainsi de mieux le prendre par surprise ? La saison des pluies rend quasiment impossible une quelconque attaque de rebelles, qui se sont accordé une trêve, terrains impraticables obligent. Alors, la main tendue d’El-Béchir, manifestation d’un réel désir de paix, ou trivial baiser de Judas ?

Tchad comme Soudan ont cependant mieux à faire que de se vouer une haine éternelle réciproque. Pays pauvres tous les deux, ils devraient pouvoir "décoller" grâce au pétrole. Il reste à souhaiter que Deby et El-Béchir fassent preuve de sagesse et sachent dépasser les querelles de personnes pour le bien de leurs deux nations. L’Union africaine devra elle aussi faire preuve de persévérance dans ce conflit, pour obtenir, à défaut d’une co-existence pacifique, une honnête paix des braves. Si, à la fin de l’hivernage on ne déplore aucun nouvel incident aux frontières, on aura peut-être trouvé un début de solution au problème tchado-soudanais. D’ici-là, on retient son souffle et on croise les doigts.

Jean-Claude KONGO

Le Pays

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