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Baisse des cours du coton : « Les subventions américaines ne sont pas responsables » (Woody Anderson)

Publié le lundi 28 juin 2004 à 08h23min

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Woody Anderson

Plus de trois cents participants venus d’horizons divers ont pris part à la conférence ministérielle internationale sur la science et la technologie agricole qu’a abritée Ouaga les 21, 22 et 23 juin 2004.

Parmi eux, une forte délégation américaine dont le président du Conseil national du coton des USA (NCC), Woody Anderson, et la directrice exécutive du Partenariat contre la faim et la pauvreté en Afrique, Julie Howard.

A la clôture, nous avons approché ces deux personnalités qui nous ont confié leurs sentiments sur les subventions du coton américain. Il y a également l’appréciation de la conférence par le directeur de l’Agriculture et de l’Hydraulique, Diène Faye.

Quel est l’objet de votre séjour au Burkina Faso ?

• Nous avons eu des échanges en début 2004 avec une délégation malienne pour parler de domaines d’intérêt communs. Nous avons eu également des rencontres avec les producteurs de coton de ce pays dans le but de les aider à améliorer leurs productions et leurs revenus. La conférence ministérielle de Ouagadougou à laquelle nous avons participé a été donc une opportunité pour nous de poursuivre ce dialogue aussi bien avec le Burkina Faso qui l’abrite mais aussi avec les pays de la sous région.

C’est dans ce cadre d’ailleurs que je fais partie d’une délégation qui se rend à Bobo-Dioulasso ce week-end (NDLR : le 25 juin 2004) pour rencontrer les responsables de la SOFITEX afin de discuter avec eux dans des domaines d’intérêt communs. En juillet 2004 nous envisageons inviter quatre ministres des pays producteurs de coton d’Afrique aux USA pour qu’ils puissent toucher du doigt nos réalités. Nous revisiterons l’Afrique une seconde fois en septembre ou en octobre prochain.

La suspension de la subvention aux producteurs de coton américains ne constituerait-elle pas une bouffée d’oxygène pour les cotonculteurs d’Afrique ? • L’industrie de coton des USA a connu un changement tant sur le marché qu’au niveau de ses clients dans les cinq dernières années. 30% de notre industrie se sont retrouvés à l’extérieur. Nous sommes amenés à exporter actuellement 60% de ce que nous produisons aux USA. Ce changement spectaculaire au niveau des résultats obtenus est dû à l’influence importante de l’industrie cotonnière de la Chine sur les USA.

Entre-temps nous avions assisté à la baisse de la production du coton. Et nous envisageons produire un million à un million et demi de bales. Nous, producteurs de coton aux USA, avons réellement du mal à comprendre comment on peut accuser les subventions accordées aux producteurs de coton américain d’être responsables du faible prix du coton au niveau mondial pendant que la production chinoise est estimée à 29 à 30 millions de bales.

Est-ce vrai que le gouvernement américain envisage de supprimer les subventions ?

• Je tiens à vous rassurer que notre gouvernement et l’industrie du coton des USA sont prêts à appuyer toute discussion relative à la suppression des subventions aux producteurs de coton, pourvu que ce soit sous les auspices de l’OMC. En tous cas, si l’Union européenne, le Japon, la Chine et bien d’autres structures mondiales acceptent que le problème soit posé sur la table de discussion dans le cadre de l’OMC, dans un cadre plus large concernant l’agriculture, nous n’y voyons aucun inconvénient.

Julie Howard (Directrice exécutive du Partenariat contre la faim et la pauvreté en Afrique) : « Il faut joindre l’acte à la parole »

Pouvez-vous nous présenter votre organisation et ses objectifs ?

• Nous sommes une coalition Etats-Unis d’Amérique - Afrique contre la faim et la pauvreté en Afrique. Nous collaborions déjà avec les gouvernements du Mali, du Ghana, de l’Ouganda, du Mozambique dans le but de mettre à leur disposition la technologie pour l’amélioration de leur production. Nous avons deux objectifs. Le premier, c’est le partenariat en vue d’accroître l’investissement public et privé dans les pays africains. Le second, c’est d’accroître l’assistance que les USA apportent aux pays africains pour l’augmentation de leur productivité.

Pour être plus efficace dans notre mission, nous envisageons l’élargissement de la coalition à la fois aux USA que dans les pays africains. Nous travaillons étroitement avec les pays dont j’ai énuméré les noms plus haut ainsi qu’avec leurs chefs d’Etat. Nous facilitons au niveau des Etats-Unis d’Amérique le contact entre les responsables de ces pays non seulement avec la presse, pour qu’ils puissent discuter des questions relatives au coton, mais aussi avec le président du Conseil national du coton des USA. Pour ce qui concerne le Burkina Faso, nous collaborons beaucoup avec son ambassadeur aux USA, en l’occurrence Tertius Zongo.

Les subventions aux producteurs du coton américain ne freinent-elles pas l’émergence de ceux d’Afrique ?

• Je suis d’accord que cela a un impact négatif sur les producteurs de coton d’Afrique. Mais cette question de la suppression de la subvention au coton américain est un problème dont la résolution demande un partenariat entre tous les pays concernés dont le Japon, la Chine, l’Afrique, les USA et l’Union européenne.

Que pensez-vous de cette rencontre ?

• Cela n’a pas été une rencontre inutile. Nous ne regrettons pas d’avoir fait le déplacement pour cette rencontre d’échanges de Ouagadougou parce que nous y avons beaucoup appris. Des étapes positives ont été franchies. Seulement, à mon avis, ce qui est important, c’est l’action et non la parole. Il faudrait parvenir à améliorer sur le plan scientifique et technique la production agricole en renforçant les capacités en matière de commercialisation et de recherche. Il est aussi indispensable que les responsables politiques, les experts en technologie, les organisations internationales et celles de la société civile, ayant pris part à cette conférence, parlent le même langage.

Diène Faye (Sénégal) : « Mieux vaut avoir à manger en abondance que d’avoir des problèmes d’écoulement »

Quelle est votre appréciation sur le thème de cette conférence sur la science et la technologie agricole ?

• Le thème qui a été abordé ici est très pertinent. Il faut le voir dans un aspect perspectif ; avec l’accroissement de la population, il faut développer des moyens pour accroître la production, fortement tributaire de la pluviométrie dans les pays sahéliens comme les nôtres. De nouvelles technologies agricoles doivent être nécessairement mises en application en tenant compte des problèmes d’écoulement auxquels nos producteurs feront face. Il est préférable, à mon avis, d’avoir une production suffisante pour l’alimentation que de rencontrer éventuellement des problèmes d’écoulement que d’en être dépourvu surtout pour nos paysans qui sont en général de petits exploitants confrontés à des pénuries alimentaires.

Quel partenariat faut-il pour nos pays pour développer le marché ?

• Il est important que les pays du Sud de la même région géographique développent d’abord un partenariat en matière d’échanges de produits alimentaires. Ensuite, il faut à mon avis que des organisations internationales et les pays développés appuient l’agriculture dans nos pays. Je pense que la conférence de Bamako permettra de prendre des décisions sérieuses aussi bien au niveau des OGM qu’au niveau du partenariat qui doit être développé de part et d’autre.

L’Afrique a-t-elle besoin de la haute technologie pour développer son agriculture ?

• Bien sûr ! Le problème reste de lever les équivoques avant de s’y lancer pleinement. S’assurer d’abord que les produits à mettre à la disposition des populations n’ont aucune conséquence sur leur santé ; ensuite veiller à ne pas être définitivement dépendant technologiquement. Il faut donc des mesures d’accompagnement comme l’élaboration d’un programme de transfert de technologie. Erreur monumentale que de soutenir qu’aujourd’hui nous n’avons pas besoin de cette technologie. Ce serait mettre le continent en retard.

Propos recueillis par Hamidou Ouédraogo (Interprétation des propos des Américains par Sanfo Daouda)
Le Pays

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