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ATTENTATS TERRORISTES EN MAURITANIE : Al-Qaida défie la junte

Publié le mercredi 17 septembre 2008 à 03h48min

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L’attaque d’une patrouille de l’armée mauritanienne, la nuit de dimanche à lundi, qui s’est soldée par la mort de 12 militaires, a tout d’un providentiel pain bénit pour la junte au pouvoir, en même temps qu’elle traduit la ferme intention de la branche armée d’al-Qaida d’en découdre avec les nouvelles autorités en place à Nouakchott. Arrivée au pouvoir à la faveur d’un coup d’Etat qui renversa un président démocratiquement élu, elle ne pouvait pas s’attendre à un vibrant accueil de la part de la communauté internationale.

De fait, la condamnation fut unanime et les réprobations fusèrent de toutes parts. Union européenne, Union africaine et Organisation internationale de la Francophonie se mirent ensemble, et d’une même voix, réclamèrent et la libération immédiate du président Abdallah et le retour à un fonctionnement normal des institutions. Objet de condamnation quasi unanime de la communauté internationale et subissant des pressions de toutes parts, les militaires de la junte avaient multiplié les gestes de bonne volonté ; mais elle trouvera là, sans doute, l’occasion rêvée pour justifier et son accession au pouvoir et son éventuelle envie d’y rester.

Car dès qu’on parle d’al-Qaida, même les plus farouches partisans de la démocratie et des droits de l’homme, à défaut de se raviser, tempèrent quelque peu leurs ardeurs. Il est fort à parier que les USA, l’UE, l’UA, l’OIF et autres, à défaut de coopérer, se feront de moins en moins les chantres de la ligne dure à l’encontre des nouvelles autorités mauritaniennes. Lorsqu’il y a plus urgent à faire, on ne s’occupe pas de broutilles.

Tout comme on peut penser qu’à l’intérieur du pays, les Mauritaniens (partisans comme opposants de la junte) approuveront et appelleront de leurs voeux un régime fort qui sache enrayer les offensives d’un adversaire aussi puissant qu’al-Qaida. Autant d’éléments qui indiquent que la junte bénéficiera, à court ou moyen terme, d’une certaine absolution. La Mauritanie semble alors engagée pour une longue période de transition.

La feuille de route adoptée par l’Assemblée nationale, il y a seulement quelques jours, prévoyait une élection présidentielle dans une période de 12 à 14 mois et interdisait la candidature des militaires en activité. On s’en doute, toutes ces décisions risquent fort de se révéler caduques, le plus urgent étant désormais de trouver les voies et moyens pour assurer la sécurité du territoire national. Que deviendront alors dans un tel contexte, les concepts de démocratie et de droits de l’homme ? Mystère et boule de gomme. Ou, avec plus d’optimisme, il faudra attendre pour voir.

L’Occident, on peut oser le dire, ne pipera mot ou alors, se contentera d’une désapprobation du bout des lèvres. La Mauritanie ne paie-t-elle pas pour son rapprochement avec Israël, et à travers l’Etat hébreu, l’Occident tout entier ? On risque de voir naître comme une sainte alliance "ad hoc" visant à abattre l’ennemi du moment. Raison majeure à laquelle tout le reste cède le pas.

Mais la situation qui se crée en Mauritanie est également un défi pour la junte en place qui va avoir fort à faire, face à un adversaire aussi déterminé qu’insaisissable. Déterminé ? Assurément. L’attaque de la nuit de dimanche survient exactement six semaines après son arrivée au pouvoir. On se rappelle aussi que, peu de temps après sa prise du pouvoir, le chef de la junte s’était engagé à livrer une "lutte sans merci contre le terrorisme sous toutes ses formes".

Les assaillants ont, de toute évidence, décidé d’engager le bras de fer, sans accorder aucun répit à leurs nouveaux ennemis. Pays pourtant réputé calme, la Mauritanie s’est trouvée fragilisée tout d’abord par l’attaque d’il y a trois ans, en juin 2005, puis par trois autres, toutes aussi terroristes, fin 2007 et début 2008 (en période démocratique), auxquelles vient s’ajouter la toute dernière. Elles sont, à n’en point douter, le signe de la détermination de la branche armée d’al-Qaida, d’en découdre avec le régime politique en place, quel qu’il soit. La détermination se lit aussi à travers le choix du site visé : la région de Zouérate, ville minière, capitale du fer mauritanien, poumon du pays. Al-Qaida aurait voulu frapper fort là où ça fait mal qu’elle n’aurait pas pu trouver meilleur endroit.

Des interrogations cependant demeurent. Mais qui fait porter la responsabilité des attaques terroristes à la branche armée d’al-Qaida. Agit-elle seule ? A quel degré se mesure sa responsabilité réelle dans ce qui se passe ? Ne peut-on pas légitimement soupçonner qu’elle bénéficie d’alliés et de partisans à l’intérieur tout comme à l’extérieur de la Mauritanie ? Et puis, toutes les responsabilités sont-elles dites lorsqu’on affirme que la tristement célèbre organisation est à l’origine de tout et du reste ?

On en doute. L’opposition elle-même, est-elle, peu ou prou impliquée, avec quelque secret espoir de décrédibiliser un peu plus le pouvoir en place ? Interrogations qui méritent toutes, d’être prises en compte, d’autant plus qu’il se trouve des voix qui opposent à la thèse d’attaques terroristes, celle d’un montage de toutes pièces ourdi par les maîtres actuels de Nouakchott.

On assisterait alors à une manoeuvre tacticienne de la junte pour se purifier du péché originel qu’elle a apporté avec elle en s’installant au pouvoir de la manière la plus anti-démocratique que tout le monde sait. Autant d’interrogations et de supputations pour lesquelles il n’existe pas de réponses sûres pour le moment. Il faudra attendre que les jours à venir instruisent davantage. Ce dont on est certain cependant, dès à présent, c’est que la Mauritanie n’avait vraiment pas besoin de ces troubles qui sont de réelles et sérieuses difficultés pour le pays tout entier. Et elle aura sans doute besoin de toute la clairvoyance de ses fils pour franchir ce difficile cap de son histoire.

"Le Pays"

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