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Forum média et développement : La presse occidentale appelée à changer de regard sur l’Afrique

Publié le lundi 15 septembre 2008 à 13h28min

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Ouagadougou a accueilli du 11 au 13 septembre 2008, le premier forum international sur « Média et développement ». Cette une initiative conjointe de l’Union africaine et de l’Union européenne a regroupé des professionnels du journalisme, des représentants de la société civile et des décideurs politiques venus des continents africain et européen. Elle a pour objectif principal, de faire avancer la réflexion sur la corrélation entre les média et le développement.

L’ouverture de cette rencontre de haut niveau a été présidée par le président du Faso, Blaise Compaoré qui avait à ses côtés, le Premier ministre, Tertius Zongo et les membres du gouvernement. Les travaux ont été dirigés au plus haut niveau, par le président de la Commission de l’Union africaine, Jean Ping et le Commissaire européen en charge du développement et de l’Aide humanitaire, Louis Michel.

Le forum « Média et développement » tenu les 11, 12 et 13 septembre 2008 à Ouagadougou est l’une des premières retombées positives du partenariat stratégique conjoint entre l’Union européenne et l’Union africaine, scellé en décembre 2007 lors du sommet Europe – Afrique de Lisbonne. Le Président de la Commission africaine, Jean Ping, et le Commissaire européen en charge du développement et de l’Aide humanitaire, Louis Michel se sont mis d’accord sur le fait que « les médias sont un élément essentiel pour rendre le monde intelligible, à savoir, apporter l’information, la connaissance, développer le sens critique et surtout faire vivre la démocratie nécessaire à un développement à la fois plus rapide et plus durable de nos sociétés ». La rencontre internationale tenue à Ouagadougou sous l’égide de la Commission européenne et de la Commission de l’Union africaine se présente donc comme la première pierre d’une nouvelle dynamique d’analyse et de proposition sur la mise en exergue de cet atout que constituent les médias. L’organisation de ce forum s’est fait en partenariat avec l’Organisation internationale de la Francophonie, le Commonwealth et la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP).

A l’ouverture officielle de la rencontre intervenue le 12 septembre dans une salle des banquets de Ouaga-2000 archi comblée, le maire de Ouagadougou a traduit la reconnaissance de la « cité des empereurs mossé » pour avoir été retenue pour abriter les travaux de ce forum dont il a insisté sur l’importance. Simon Compaoré a, par la même occasion, salué le « printemps des médias au Burkina », à la faveur de la démocratie, tout en faisant un clin d’œil sur la Radio municipale de Ouaga (RMO). Le commissaire européen chargé du développement et de l’aide humanitaire, Louis Michel,a situé l’importance du forum sur Média et Développement en ce qu’il devrait permettre, d’après lui, de « faire avancer

la réflexion sur la corrélation entre les médias et le développement, d’échanger les bonnes pratiques, les idées et surtout d’identifier des propositions concrètes réalisables à court et moyen terme ». L’Afrique avance, foi de Louis Michel, qui prend l’exemple sur le Burkina. Et les médias devraient contribuer à former une population apte à dialoguer, à discuter, voire à s’opposer sans tabou. Mais comment organiser et garantir la pluralité de la presse ? Comment déterminer un cadre juridique pour garantir la liberté de la presse ? ... Ce sont autant de questions auxquelles il faudra impérativement trouver réponse, selon le commissaire européen qui a proposé l’élaboration d’une charte commune qui puisse guider la liberté de la presse.

Arrêter l’afro pessimisme !

Jean Ping, président de la Commission de l’Union africaine a, dans une allocution qui aura duré plus d’une quinzaine de minutes, rendu hommage aux professionnels de l’information et de la communication pour le rôle qu’ils jouent dans la transformation des vies. Les médias pour lui, constituent un maillon essentiel dans le processus de développement des pays. C’est pourquoi, a-t-il indiqué, l’Union africaine a inscrit dans son programme, la prise en charge de la formation (en 24 mois) de journalistes africains (2 par pays) en vue de donner un coup de pouce aux processus de développement des Etats d’Afrique. Jean Ping connaît les problèmes essentiels des médias africains : pauvreté des consommateurs, insuffisances des financements, fracture numérique entre le nord et le sud. Il connaît aussi l’influence « négative » des médias du nord sur l’Afrique : « les images diffusées par les médias du nord renforcent le pessimisme en Afrique et découragent les investisseurs. Or l’Afrique bouge, peut-être pas assez, mais elle bouge tout de même, avec certes, le soutien des pays occidentaux ». Pour illustrer ce mouvement positif de l’Afrique, Jean Ping a pris l’exemple sur les 16 conflits africains qui, selon un rapport de l’ONU publiée en 1994, ont été responsables de la moitié des décès dus aux conflits dans le monde, et dont la plus part, (à l’exception de ceux du Darfour et de la Somalie qui perdurent toujours), ont été réglés par les africains eux-mêmes. « Nous sommes un continent qui souhaite vivre comme les autres, c’est-à-dire à l’abri de la peur », a dit le président de la Commission de l’union africaine qui pense, optimiste, que le forum de Ouagadougou va contribuer à l’atteinte de cet objectif.

« Liberté de la presse, une réalité vivante au Burkina »

Le Président du Faso, Blaise Compaoré qui a présidé l’ouverture du forum Média et développement a indiqué que cette rencontre « est une nouvelle illustration de la volonté de l’Afrique et de l’Europe de cheminer ensemble ». La récurrence du thème « média et développement » dans de nombreuses réflexions est la preuve, selon Blaise Compaoré, qu’il est loin d’être épuisé. L’importance et l’opportunité du forum de Ouagadougou réside, pour lui, dans l’impérieuse nécessité de susciter des actions concrètes au bénéfice des médias d’Afrique, vecteurs potentiels de progrès. Toutefois, a fait remarquer le président du Faso, « la qualité des possibilités qu’offrent les médias est parfois différente, car il arrive que des médias soient associés à des situations peu glorieuses quand ils servent de canaux à des causes éloignées de l’intérêt général, ou lorsque les journalistes abdiquent leur responsabilités. (…). L’’histoire fourmille d’exemples où les dérives médiatiques ont provoqué bien de drames aux quatre coins du monde ».

Corriger tous ces maux constitue un grand défi aujourd’hui, de l’avis du président Compaoré qui propose que l’Afrique se dote de média suffisamment professionnels pour renforcer la démocratie, soutenir le développement et suffisamment performants pour affronter la concurrence. Le chef de l’Etat burkinabè a déclaré que la pluralité et la diversité des journaux, des stations de radio et de télévision dans son pays, attestent que la liberté de la presse y est une réalité vivante. Mieux, a-t-il fait remarqué, « tous les procès intentés à des médias pour diffamation l’ont été par des citoyens ou des entités privées, mais jamais par l’Etat ». Il a émis le vœu que les travaux du forum de Ouaga inspirent des actions pouvant concourir au renforcement des médias, à la réhabilitation de l’image de l’Afrique et à une meilleure perception de l’Europe.

En attendant les journées européennes du développement

A la clôture des travaux, le 13 septembre, le Premier ministre burkinabè s’est dit convaincu de la pertinence de la communication comme « source d’enrichissement intellectuel, mais aussi et surtout, comme adjuvant du développement ». Les Journées européennes du développement prévues pour se tenir à Strasbourg en novembre prochain vont offrir une tribune, selon Tertius Zongo, pour apprécier les résultats du forum de Ouaga et envisager leur mise en œuvre concrète. Il a déjà traduit l’engagement du Burkina Faso à défendre les recommandations issues de ce forum lors de ces journées européennes. Mais en attendant cette rencontre de Strasbourg, les conclusions du forum « Media et développement » constituent désormais, a dit le chef du gouvernement burkinabè, « la boussole qui doit guider nos Etats vers des actions concertées entre l’Afrique et l’Europe, sur la problématique des médias.

Jean Ping et Louis Michel ont parlé le même langage lors du point de presse qui a clos les travaux de ce premier forum « Média et développement ». Le président de la Commission de l’Union africaine et le Commissaire européen au développement et à l’aide humanitaire se sont formellement mis d’accord sur le fait que les médias sont des acteurs essentiels à la réussite du développement et à la construction d’Etats démocratiques. Les deux hommes ont reconnu que jusqu’aujourd’hui, les conceptions ne sont pas parfaitement superposables dans le domaine des médias et que le journaliste a le droit d’être impliqué dans une affaire quelconque ou d’avoir sa propre opinion. Mais, ont-ils convenu, il faut aller au-delà de tout cela et aider les professionnels de l’information et de la communication, à forger la vraie démocratie pour un changement positif des vies.

Dans notre édition de demain nous reviendrons sur d’autres aspects importants du Forum.

Arrêt sur les feuilles de routes

Le Forum Média et Développement qui s’est achevé samedi dernier à Ouagadougou a adopté un certain nombre de feuilles de routes. Celles-ci visent pour l’essentiel à mettre les média en adéquation avec le rôle qu’ils doivent jouer dans le processus de développement des Etats. Nous vous proposons ici les principales recommandations issues de cette grand-messe des médias tenues du 11 au 13 septembre 2008 dans la salle des banquets de Ouaga-2000.


Acte 1 d’un processus dynamique entre médias et développement

Le Forum Media et Développement entend être la première étape d’un processus dynamique entre les médias et le développement. Les médias sont des acteurs essentiels à la réussite du développement et à la construction d’Etats démocratiques. Ce Forum a débattu de toutes les grandes questions qui sont liées à cette thématique. Comment garantir l’indépendance des médias face aux intérêts économiques ou politiques. Comment protéger juridiquement les organes de presse et les journalistes ? Comment financer une presse pluraliste ? Comment organiser une formation adéquate des journalistes aux techniques d’investigation et à la recherche de la vérité ? Comment définir les droits et obligations de la presse ? Comment faire contribuer les médias à des politiques de développement efficaces ?

Comment lutter contre les stéréotypes véhiculés sur l’Afrique en Europe et sur l’Europe en Afrique ? Comment favoriser l’émergence de médias de qualité à l’échelle locale, nationale et internationale ? etc. Le Forum Media et Développement a dégagé des positions communes quant au rôle de médias libres et incontournables pour construire des Etats justes et impartiaux fondés sur des élections libres et justes, un système administratif, politique, judiciaire et économique garantissant l’accès égal à tous les citoyens, à une démocratie vivante et à une prospérité équitablement partagée.

Le Forum Media et Développement, organisé par la Commission de l’Union africaine et la Commission

européenne en association avec l’Organisation Internationale de la Francophonie, le Commonwealth et la Communauté des pays de langue portugaises (Comunidade dos Países de Língua Portuguesa), réuni à Ouagadougou du 11 au 13 septembre 2008, propose, entres autres, aux Etats :

- de mettre en place le cadre institutionnel garantissant aux médias leurs droits et devoirs, leur indépendance et leur liberté d’expression

- de garantir le débat public, l’égal accès des partis politiques, associations et représentants de la société civile aux médias publics et privés

- de garantir aux journalistes l’accès aux sources d’information, le secret de leurs sources ainsi qu’une protection juridique leur permettant l’exercice de leur profession de manière indépendante et impartiale ;

- de mettre en oeuvre des programmes de formation à l’attention des professionnels de la presse fondés sur un code déontologique et sur une information traitée avec probité ;

- de favoriser la création de sociétés de rédacteurs.

- d’imposer aux opérateurs des médias, notamment audiovisuels, le respect du principe d’égalité de traitement, de pluralisme et de non-discrimination

- de créer des instances de régulation indépendantes dotées des moyens nécessaires et qui garantissent les droits et devoirs des médias.

- d’encourager la création de médias audiovisuels et écrits de proximité afin qu’ils soutiennent l’appropriation, la cohésion sociale, qu’ils aident à l’émergence d’une société civile vigilante.

- de financer par des budgets publics et/ou privés, des organes de presse pour assurer la liberté et la pluralité des opinions ;

- d’encourager le développement d’entreprises audiovisuelles indépendantes

- de favoriser les échanges de programmes entre médias d’information Afrique/Afrique et Afrique/Europe

ENCADRE 2

Propositions aux responsables et représentants de la presse

Le Forum Media et Développement propose également aux responsables et représentants de la presse :

- de lutter contre les stéréotypes et rendre compte des réalités africaines de manière objective et équilibrée

- le respect scrupuleux d’une recherche systématique de la vérité en s’abstenant de relayer des rumeurs

non vérifiées ou non fondées.

- de ne pas sélectionner ou occulter de manière partisane des informations essentielles

- de ne pas altérer le sens des textes et des documents

- de s’interdire toute forme d’exaltation partisane qui viserait à inciter à la violence ou à sa banalisation

- de les inciter à ne pratiquer aucune censure directe ou indirecte

Le Forum propose, entres autres, d’engager immédiatement les actions suivantes :

- Financer des programmes de formation multiformes pour préparer au journalisme, mais aussi aux nouveaux métiers, aux nouvelles techniques, à l’investigation, à la gestion d’entreprises de médias. La remise à niveau des centres de formation de journalistes au niveau régional ainsi que des programmes de formation continue qui seraient donnés sur le terrain en Afrique

- Orienter une partie des financements liés à la gouvernance vers les médias au vu de leur rôle de contrepouvoir dans une société démocratique - Lancer des projets pilotes de médias de proximité et d’échanges entre médias au niveau africain dans un esprit de mutualisation des moyens humains, financiers et matériels

- Lancer un Forum Media et Développement permanent pour des échanges continus sur les médias aux niveaux africain, européen, panafricain, paneuropéen et Afrique-Europe, afin de poursuivre le travail engagé et rassembler d’autres propositions ou commentaires sur le sujet.

- Aider aux jumelages, aux mises en synergies et aux échanges entre écoles de journalisme ou entre médias européens et africains dans une convergence multisupports.

- Organiser le suivi de la mise en place des recommandations sous les formes et mécanismes les plus appropriées (événement annuel, utilisation du portail, rencontres périodiques)

- Agir pour l’éducation des plus jeunes et de toutes les parties prenantes à l’importance des médias notamment les décideurs des différentes pouvoirs.

- Soutenir les associations et organisations des médias et de journalistes qui contribuent à défendre leur intérêt et la liberté de la presse

- Financer des infrastructures d’accès aux Nouvelles Technologies de l’information et de la communication.

- Créer des plateformes d’échanges entre médias et ONG pour que la société civile et les populations défavorisées et rurales puissent faire davantage entendre leur voix.


Objectifs dans le court terme

Le Forum se fixe à court terme :

- l’élaboration d’une charte fixant les droits et devoirs des médias

- la création, la mise en place et l’actualisation d’un portail panafricain de tous les médias qui permettrait de dresser un Etat des lieux de l’existant tout en constituant une vitrine locale et internationale qui fédère l’Afrique médiatique.

- la mise en place d’un observatoire panafricain des médias composé de personnalités éminentes reconnues pour leur indépendance dans leur secteur de compétences, et chargées d’accueillir les doléances et les demandes de recours avec, pour objectif, de régler les contentieux en premier lieu par la médiation. Cet observatoire pourrait avoir le statut juridique d’un médiateur. Au terme de ce forum, les travaux doivent continuer, avec, comme prochain rendez-vous, les Journées européennes du développement et l’ambition conjointe de faire aboutir tous ces projets concrets entre nos deux institutions.


Moussa Kaka au forum

Le forum « Média et développement » s’est tenu à un moment où des journalistes africains sont en prison. L’exemple le plus en vu est celui du journaliste nigérien, Moussa Kaka, enfermé à la prison civile de Niamey depuis bientôt un an. Jean Ping qui a été interpellé sur ce cas précis lors de la conférence de presse a dit que la Commission de l’Union africaine avait, conformément à ses positions et principes, écrit aux autorités nigériennes, « pour voir dans quelles mesures Moussa Kaka pourrait être libéré ». En réponse à cette aspiration de l’UA, le gouvernement nigérien aurait rétorqué que la gravité des accusations qui pèsent contre le journaliste l’oblige à le garder en prison. Et cela, d’autant plus que Moussa Kaka n’est pas un citoyen nigérien extraordinaire. Par la même occasion, Niamey aurait demandé à l’UA de « laisser d’abord la justice dire le droit » puis, quelque soit la faute qui sera retenue contre M. Kaka (si faute il y a), il sera libéré. Et Jean Ping a traduit l’engagement de la Commission de l’UA de « tout faire » pour obtenir la libération du journaliste nigérien, tout comme le font depuis ses confrères, « ne serait-ce qu’en comptant les jours de sa détention ».


"C’est le printemps de la presse", dixit Filippe Savadogo

« Je dois dire que l’Afrique et l’Union européenne sont comblées parce qu’on a atteint des résultats inespérés. Et je crois que c’est le printemps de la presse en Afrique et en Europe. Je crois que la volonté d’aider les journalistes qui, habituellement sont l’objet d’ostracisme, devrait conduire en tout cas, cette nouvelle vision de l’Union africaine à concrétiser toutes les aspirations des gens de presse, de communication, qui ont toujours voulu informer, renseigner, mais avec des moyens et une logistique appréciable ».

Par Paul-Miki ROAMBA

Le Pays

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