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Afrique : Il faut créer un comité de défense de la démocratie

Publié le mardi 9 septembre 2008 à 02h04min

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Contrairement à l’Asie et à l’Amérique latine, la démocratie se porte mal en Afrique. Les incongruités dans l’exercice du pouvoir sur le continent sont telles qu’on se demande s’il n’est pas nécessaire de créer un comité panafricain de défense de la démocratie. L’expérience inaboutie des multiples tentatives de démocratisation confirme que le temps est venu de disposer d’une structure du genre. Elle pourrait, à défaut de légiférer, apprécier et même, évaluer les performances sur le terrain, tant le contenu du concept de démocratie a été galvaudé. Et ce, jusque dans nos parlements devenus des caisses de résonance du pouvoir.

Ces derniers temps, en effet, des faits aussi burlesques que révoltants, amènent sérieusement à s’interroger. Ainsi, il aura fallu une trentaine d’années de gestion pour que le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) consente à donner aux Angolais le droit d’aller aux élections ; au Swaziland, un roi digne des anciens royaumes, continue de règner ; au Zimbabwe, l’opposant Tsvangirai et le Vieux Mugabe jouent encore à « Toto tire Nama » ; au Sénégal et au Niger la presse subit une répression sans précédent.

C’est bien une réalité : les Occidentaux continuent de juger la démocratie en Afrique en fonction exclusivement de leurs intérêts, convaincus sans doute que les Africains sont incapables de mener de telles expériences jusqu’au bout. Plus l’Afrique piétine, plus cela semble les arranger. Pire, il y a ce silence des démocrates africains, de ces élites qui auraient dû, après avoir été à l’école du Blanc, aider leurs frères et sœurs à sortir de la misère. Assagis, ils sont plutôt intéressés par l’appât du gain et soucieux de préserver et d’augmenter leurs acquis.

Il est nécessaire de doter le continent d’une structure qui pourrait fédérer les nombreuses organisations de la société civile. En dépit de leur dynamisme et de leur combativité, celles-ci sont en effet empêtrées dans des luttes disparates : droits humains, sécurité alimentaire, transparence électorale ou financière. Certes, ces préoccupations sont en rapport plus ou moins étroit avec la bonne ou la mal gouvernance. Il reste que la démocratie est bien souvent diluée dans ces foras où les questions existentielles l’emportent bien plus souvent sur tout le reste. En outre, la société civile africaine, à l’image de plusieurs structures du même type, est financièrement dépendante de l’extérieur. En tant que tel, l’indépendance de son jugement reste problématique. Car, parfois ses prises de position sont alignées sur celles de ses principaux bailleurs de fonds.

L’inexistence de structures indépendantes et assurant leur propre financement se fait de plus en plus sentir. Pourquoi donc ne pas fédérer les structures actuelles de la société civile africaine, du moins leurs composantes s’occupant exclusivement des questions de démocratie ? Au plan national, un comité national pourrait alors gérer le dossier avec un meilleur suivi. Une telle structure exclusivement consacrée à l’avancée de la démocratie sur le continent, pourrait favoriser l’alternance et le départ en paix de dirigeants avec une retraite bien assurée.

Mais quelle source de financement pour une organisation faîtière crédible ? Le bénévolat devrait-il être favorisé ? Le FMI et la Banque mondiale « new look » sont-ils des créneaux possibles à explorer ? Certes, il s’agit de banques. Généralement elles ont pour souci la rentabilité dans les opérations. Il n’est toutefois pas exclu de prendre des dispositions, le cas échéant, pour inclure le volet démocratie en bonne place de leurs actions. Pourquoi le continent ne devrait-il pas enfin chercher à s’assumer ? On le constate, malgré ses énormes richesses, l’Afrique ne s’en sort toujours pas. Toutes ses organisations appliquent le schéma occidental, et nous voilà pris dans le cercle vicieux de l’aide au développement. De quoi se demander où vont tous ces fonds qui entrent annuellement dans les pays africains au nom du développement ? Et bien entendu, ce qui sort des coffres du continent pour les paradis fiscaux etc. ?

Mais quelle viabilité pour une telle structure si la volonté politique est inexistante ? Car, si l’alternance, la démocratie sont possible en Occident, c’est bien parce du citoyen au premier responsable, chacun accepte de se plier devant la loi et de jouer son rôle. En Afrique, on ne compte plus ces dirigeants qui ont pratiquement intériorisé et développé la culture de l’incurie et de l’impunité au point que le continent se trouve aujourd’hui à la dérive. Bien entendu, ils bénéficient pour cela de la complicité de leur entourage et d’élites irresponsables, toujours disposées à les entraîner vers le précipice si cela fait leur affaire.

Par ailleurs, les hommes politiques semblent se satisfaire d’une telle situation. Au sein de la classe politique, toutes tendances confondues, le dépassement de soi ne semble plus de mise. Les élites du continent semblent se résigner face à des expériences sans queue ni tête, et qui font naître le désespoir dans des pays déjà accablés par la misère. Parce que pour la plupart, les uns et les autres ont abdiqué. Face à l’appât du gain, beaucoup préfèrent en effet démissionner de leur responsabilité morale, politique et intellectuelle. Ils errent désormais sans idéal, avec des visions étriquées du pouvoir, de la démocratie et du développement.

Il faut œuvrer à rattraper le grand retard de l’Afrique par rapport aux autres continents. Le cas de l’Amérique latine est à ce point, édifiant. Elle était pourtant en proie, il y a quelques années seulement, à des guérillas, à des combats opposant forces gouvernementales, narco- trafiquants et escadrons de la mort.

Vivement que se mette en place un comité panafricain, crédible, doté d’une force de dénonciation et de propositions pour assurer la défense de la démocratie. Il permettra très certainement de relancer les débats démocratiques afin qu’émerge une nouvelle classe de leaders plus responsables et soucieux de l’avenir du continent.

"Le Pays"

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