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Réparation des torts de la colonisation : La mauvaise conscience de la France

Publié le jeudi 4 septembre 2008 à 03h43min

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Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy refuse d’assumer le passé colonial de son pays. Comme si l’histoire de la France ne commence qu’avec son accession au pouvoir, le président Sarkozy semble vouloir effacer d’un coup de baguette magique cette page sombre pour les pays africains victimes d’une prétendue mission civilisatrice. Mais il est impossible d’écrire l’histoire selon ses humeurs.

Celle de la colonisation est là, têtue. L’Italie de Silvio Berlusconi aurait pu avancer les mêmes arguments que la France, à savoir qu’elle n’est en rien responsable du fait colonial, pour refuser l’arrangement conclu avec la Libye. Mais parce que les dirigeants actuels à Rome ont le sens de la continuité de l’Etat, ils ont pris leur courage à deux mains pour réparer les torts commis par leurs prédécesseurs.

Comme rongée par une sorte de remords, la France s’est empressée de minimiser l’acte posé par l’Italie. Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères, a en effet affirmé que le geste de l’Italie n’est "ni un précédent, ni une référence". On comprend cette frilosité de la France quand il s’agit de son passé colonial. Si le pays en était arrivé à vouloir adopter une loi vantant le "rôle positif" de la colonisation, c’est qu’il renie son passé douloureux.

Les Français sont-ils également prêts à rejeter, dans les poubelles de la mémoire, les grands penseurs qui ont fait sa gloire ? Autant les valeurs d’humanisme portées par les philosophes du siècle des Lumières sont bonnes à vanter dans les universités les plus prestigieuses et brandies comme un héritage glorieux de la France, autant la période coloniale doit être assumée. Ce sont les deux faces d’une même médaille.

La rupture sarkozienne aurait pu cependant s’exprimer positivement dans ce dossier. Au lieu de continuer à vouloir cacher le soleil avec la main, en excluant l’idée même de repentance, la France serait rentrée dans l’histoire si elle reconnaissait le drame de son entreprise coloniale. Aimé césaire, le poète martiniquais, devrait d’ailleurs être relu par les tenants du discours sur la non-repentance, pour se rafraîchir la mémoire et, peut-être, envisager d’expier ce grand péché qui entache la France des droits de l’Homme. L’équation de Césaire est simple : colonisation = chosification.

Si donc, il est indécent de continuer à parler de "bienfaits" de la colonisation, il apparaît nécessaire de faire son introspection et d’en tirer les conclusions. Car il s’agit d’un fait grave, d’une "machine exploiteuse d’hommes et déshumanisante", selon les mots de Césaire. Que faire alors pour réparer cet incommensurable tort porté contre des peuples qui, depuis lors, ont du mal à s’en relever ? L’Algérie, qui est à la pointe du combat pour une reconnaissance de la barbarie de la colonisation, a jusque-là demandé la repentance.

Occupée pendant plus de 130 ans, elle n’a dû son indépendance, en 1962, qu’à une guerre de libération très féroce. Elle sait donc ce que la colonisation lui a coûté. Mais même ce geste symbolique, la France rechigne à le faire, Nicolas Sarkozy ayant exclu toute idée de repentance. Elle préfère traîner avec elle la mauvaise conscience du drame colonial plutôt que d’y mettre fin par un acte fort.

Par Mahorou KANAZOE

Le Pays

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