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Présidentielle américaine : Obama, notre "frère noir"

Publié le vendredi 29 août 2008 à 10h03min

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Depuis lundi s’écrit au pied des Rocheuses une page importante de l’histoire des Etats-Unis. C’est, en effet, à Denver que se tient la 25e Convention du parti démocrate, qui a officiellement investi hier le vainqueur des primaires, ce métis sorti de nulle part qui a envoyé dans les choux Hillary Rodham Clinton.

Mais la bataille féroce que se sont livré, pendant des mois et des mois, les deux postulants à l’investiture démocrate est maintenant derrière nous. Finies les piques assassines, les allusions perfides voire racistes, les coups en dessous de la ceinture, comme savent en réserver les campagnes américaines.

L’ex-first lady a renouvelé son entier soutien à Barack Obama, de même que son mari, Bill, le pourfendeur devenu encenseur, ainsi que le ban et l’arrière-ban du parti démocrate, au premier rang desquels le patriarche Ted Kennedy.

La victoire, l’entrée dans l’histoire, sont à ce prix, au "serrage" des coudes, car, pour la première fois, un Noir a des chances réelles d’accéder à la Maison... Blanche. Et pour de nombreux analystes, à l’issue du scrutin du mardi 4 novembre, il devrait y être en janvier 2009. Les grands électeurs de l’Amérique profonde sont-ils prêts à faire ce grand saut, qui les honorerait ?

Difficile, en réalité, d’en être sûr à cent pour cent, car les Etats-Unis, ce ne sont pas nos démocraties bananières, où les élections sont souvent courues d’avance, et les campagnes, très longues, y réservent quelquefois des surprises jusqu’au dernier moment.

Déjà, l’écart dans les intentions de vote entre le champion des démocrates et son adversaire républicain, John Mc Cain, qui était abyssal il y a quelques mois au point que certains ont pu penser que le second ne parviendrait pas à refaire son handicap, s’est plutôt rétréci ces dernières semaines. Les sondages, ce ne sont jamais que des sondages, mais ça peut toujours donner des indications.

Certes, en choisissant Joe Biden comme colistier, le sénateur de l’Illinois a su trouver sa bonne caution internationale et s’insuffler, au passage, le supplément d’expérience, qui lui manquerait tant. Mais il lui faut maintenant prier tous les dieux pour que sa carte maîtresse, grand gaffeur devant l’Eternel, ne fasse pas, d’ici le fatidique 4-Novembre, l’une de ces bourdes monumentales, dont il a le secret.

En attendant, croisons les doigts et rêvons. Comme cette semaine dans le Colorado, où l’ombre de Martin Luther King n’a cessé de planer dans l’immense salle de la Convention avec cette affaire de projet d’assassinat, déjoué.

Comme pour rappeler le sort qui fut celui du pasteur baptiste, abattu le 4 avril 1968 par James Earl Ray à Memphis en pleine gloire et au paroxysme de la lutte des Noirs-Américains pour les droits civiques.

Et si les choses se passaient comme beaucoup l’espèrent, on pourrait écrire : après que "King l’a rêvé, Obama l’a fait". Ce rêve, qu’il caressait le 28 août 1963 dans son célèbre discours "I have a dream", dont c’était, hier, le 45e anniversaire. Vous parlez d’un symbole !

Oui, c’est possible ! Pour une fois, le rêve est vraiment permis, et les Africains en tireraient une légitime fierté. Si l’Europe, où il a rassemblé quelque 200 000 fans en délire lors de l’escale berlinoise de sa tournée sur le Vieux Continent, et, bien sûr, l’Afrique votaient, sûr que l’affaire aurait été pliée en moins de deux.

Il se trouve que ce sont les Yankees qui élisent leur président, et ils sont surtout préoccupés par leur pouvoir d’achat (prix du carburant, subprimes, etc.), autrement dit, par des questions d’économie domestique (on les comprend). Les problèmes internationaux viennent après.

Et quand on dit "internationaux", il faut qu’on se comprenne, car il s’agit d’abord et avant tout des bourbiers israélo-palestinien, afghan et irakien (à quand le retour des boys à la maison) et, dans une moindre mesure, l’Europe avec l’OTAN et ce vent de nouvelle guerre froide, qui souffle dans le Caucase. L’Afrique ?

Connaît pas. La preuve, comme d’habitude, elle est (presque) totalement absente de la campagne pour la conquête du 1 600 Pennsylvania avenue, même si l’Oncle Sam continuera toujours de s’y intéresser, ne serait-ce que pour le pétrole (du golfe de Guinée notamment) et pour Africom, guerre mondiale contre le terrorisme oblige. Pour le reste...

Si fait que cette obamania, qui déferle sur le continent, a quelque chose de juvénile à l’image de teen-agers, embarqués dans un phénomène de mode par ce métèque à la belle frimousse, qui sait y faire avec les foules, comme il en a encore fait hier la démonstration.

Bien sûr, dans cet océan de misère, où nos cœurs battent le plus souvent à gauche, on serait heureux qu’un négro, même un peu mélangé, accède à la tête de l’Etat le plus puissant du monde.

Ce serait bon pour l’histoire de l’Amérique et de l’humanité, dans laquelle il rentrerait. Ce serait aussi un point décisif dans la longue lutte pour les droits civiques aux USA, même si les nègres de Harlem continuent de croupir dans une misère crasse.

Mais pour le reste, ça ne va pas changer grand-chose aux rapports, faits d’injustice et de "raison du plus fort", que Washington entretient avec le "reste du monde", dont l’Afrique.

Pensez-vous que parce que sa grand-mère paternelle fume la pipe quelque part au fin fond du Kenya, ce pays recevra un dollar de plus d’aide s’il venait à s’installer dans le bureau ovale ? Non ! Pour faire badin, cet Obama, il n’est pas mon "frère noir", il est Américain, un point un trait.

Il sera donc obligé, s’il y parvenait, de faire avec les contingences de la politique états-unienne, de composer avec le Congrès, le lobby juif américain, le complexe militaro-industriel et tous ces centres de pouvoir qui font souvent de l’homme le plus puissant du monde un otage d’"Air Force one".

On aurait donc tort de prendre notre "communauté de couleur" pour une communauté de destin. Tant qu’à faire d’ailleurs, autant être déçu par un Blanc que par un "frère noir". C’est bien connu, celui qui n’attend rien ne sera pas déçu.

Ousséni Ilboudo

L’Observateur Paalga

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