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Videoclubs à Ouaga : Entre débrouillardise, clandestinité, films porno...

Publié le vendredi 29 août 2008 à 09h25min

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C’est une activité qui a pris de l’ampleur ces dernière années. Les vidéoclubs se rencontrent partout à Ouaga un peu comme les télécentres. Comment fonctionnent-ils ? les gains sont-ils importants ? quels sont les films préférés ? Ce sont autant de questions auxquelles des gérants de vidéoclubs ont accepté de répondre. Même si dans le milieu beaucoup exercent dans la clandestinité.

Dans le quartier Silmissin, Seydou est connu comme le loup blanc. Voilà 20 ans qu’il tient son affaire. "Quand je me suis installé ici il n’y avait pas de goudron. Devant nous, c’était le vide puisqu’il n’y avait pas le mur de l’aéroport", raconte-t-il.

L’histoire de son vidéoclub situé sur la rue des Arts, commence quand celui-ci revient au Burkina après ses études islamiques en Syrie et aux Emirats arabes unis. Il frappe alors à toutes les portes pour décrocher un job mais la chance ne lui sourit pas. Il se décide alors à créer un vidéoclub pour, dit-il, ne pas mourir de faim. Et le pari dure depuis bientôt 20 ans. Devant son business, l’animation ne manque pas, la nuit tombée.

Des jeunes devisent tranquillement. A côté, il y a des restaurants "par terre" et des boutiques. A l’intérieur de la cour nous découvrons les cinéphiles de la première séance, assis sur des bancs. Apparemment, c’est un film d’action qui passe. Pour Seydou, le respect de la loi est capital : pas de film politique , de film violent ni pornographique. Il essaie donc de la respecter scrupuleusement. A l’affiche, on retrouve, à l’entendre, des films européens, des films hindous, etc.

"Et les films africains dans tout ça ?" En notre présence, un habitué des lieux pose la question à Seydou. Sa réponse est lapidaire : il faut payer trop cher pour les avoir. Allusion aux taxes du Bureau burkinabè du droit d’auteur (B.B.D.A). A ce niveau, le propriétaire des lieux estime que ce qu’il paye actuellement (35 000 F CFA) est un peu trop élevé. "Avant, on payait 15 000 F CFA. Maintenant, les gens du BBDA ont voulu s’aligner sur les tarifs des Impôts", croit savoir Seydou. Qu’à cela ne tienne, l’homme affirme tirer ses marrons du feu après avoir payé sa facture d’électricité, les impôts et les taxes du BBDA.

Mais, on se demande ce que peut constituer la recette journalière dans ce vidéoclub où le ticket d’entrée coûte ... 25 FCFA. La réponse de Seydou est sibylline. "Même si tu gagnes 2000 F CFA par jour, il faut savoir économiser pour faire face à tes obligations", confie-t-il, en précisant que c’est la condition nécessaire pour pouvoir nourrir sa famille. L’homme n’hésite pas non plus à négocier dur pour louer à 250 F CFA (quelques fois à 200 F CFA) des DVD intéressants pour accrocher son public.

Ce que Seydou ne connaît pas, c’est la ponctualité. "Si à 19h30 , il n’y a pas beaucoup de personnes, nous attendons 20h pour montrer le journal de la Télévision nationale et après, le film peut commencer", précise-t-il. Il n’y a pas également les matches de football des championnats européens. Trop cher pour l’abonnement. C’est pourtant l’un des points forts de Ibrahim Yonli. Ce jeune homme officie depuis un an non loin de la Brigade des sapeurs-pompiers de Bogodogo. Son vidéoclub ne désemplit pas.

L’abonnement à Canal + lui permet d’attirer un monde fou pour les derbys des championnats français, anglais, espagnol allemand etc. "Ça marche, un peu surtout quand des équipes comme Barcelone, le Real Madrid, Chelsea et Manchester jouent", confie le jeune homme qui précise que l’entrée coûte 100 F CFA. Mais, l’ambition de Ibrahim qui loue à côté des DVD, c’est de prendre d’autres abonnements comme Canal horizons et DSTV pour avoir le maximum des matches importants. Sinon, la projection des films ne donne presque rien (souvent 1000 F CFA par jour), continue-t-il.

Quels publics pour les vidéoclubs ?

Ce sont en majorité des jeunes, mais aussi des adultes qui fréquentent les vidéo- clubs. Pour Seydou, s’ils n’existaient pas, il fallait les créer. En effet, c’est un lieu de distraction pour les jeunes et cela leur permet de se défouler. "Sans cela, je pense qu’il y aurait plus de vols dans les quartiers", relève Seydou. C’est le même son de cloche chez Ibrahim Yonli. "En tout cas, les jeunes aiment le vidéoclub. Cela leur permet de se retrouver pour causer et s’amuser un peu", croit-il savoir.

Mais notre interlocuteur est-il au courant des vidéoclubs où il y a des films pornographiques au programme. ?"Moi, je suis en règle. Je pays mes impôts. Je ne peux donc pas faire ça", martèle-t-il. Seydou, le vétéran", a une réponse bien à lui. "Allez dans les six-métres des quartiers. Vous verrez des vidéoclubs clandestins qui présentent des mauvais films pour les enfants", s’indigne-t-il. Il précise que ce genre de pratiques est à bannir. A l’entendre, comme il faut simplement un poste téléviseur et un lecteur DVD, c’est facile pour certaines personnes de se faire de l’argent sans respecter aucune règle et sans s’acquitter de ses obligations vis-à-vis de la loi.


Ce que les exploitants de vidéoclubs payent aux Impôts

- Zone A : Ouagadougou et Bobo Dioulasso : 160 000 F CFA/an

- Zone B : Koudougou, Banfora, Ouahigouya, Koupéla, Fada N’Gourma, Tenkodogo Kaya, Pô, Gaoua, Dédougou, Pouytenga : 120 000 CFA par an

- Zone C : autres chefs-lieux de provinces et autres communes urbaines : 84 000 F CFA/an

- Zone D : autres localités : 36 000 FCFA/an

D.P.S

Source : loi de finances 2008


Qu’en-est-il des obligations du Bureau burkinabè des droits d’auteur (BBDA) ?

Selon le directeur de l’exploitation, de la perception et du contentieux, Léonard Sanon, c’est l’arrêté N°2003/142/ MCAT/SG/BBDA du 10 mars 2003 portant tarification des droits d’exploitation des oeuvres littéraires et artistiques protégées au Burkina Faso, qui régit les tarifs à payer par les exploitants. Dans la définition, le texte précise que le "tarif concerne l’utilisation de la musique de film et d’entracte dans les salles de protection vidéo". Le BBDA, selon Léonard Sanon, a sa méthode à lui, qui privilégie la sensibilisation. Ainsi, des agents de terrain, chargés de la prospection, ont pour tâche d’identifier ceux qui exploitent le repertoire général des oeuvres protégées par le droit d’auteur. Ce sont eux qui rencontrent les projectionnistes dans les quartiers. En cas d’absence du gérant, il lui est laissé une convocation pour qu’il vienne comprendre les contraintes de son activité. Pour les entreprises plus structurées, il y a des rencontres avec les directeurs pour expliquer la règlementation sous la coupe de laquelle tombent leurs activités. A l’issue de l’entretien, un contrat sera élaboré pour fixer le montant des droits à payer. Selon la réglementation, les droits devraient être payés avant l’exploitation. Mais le BBDA accorde des facilités de paiement sur toute l’année (soit mensuellement, trimestriellement ou par semestre). Au niveau des exploitants de vidéoclubs, c’est la tarification forfaitaire qui est appliquée. Pour la zone 1 (Ouaga et Bobo Dioulasso), le montant à payer par an est de 37 500F CFA. Pour la zone 2 (Koudougou, Ouahigouya, Koupéla, Fada N’Gourma, Tenkodogo, Kaya, Pouytenga, Dori) le tarif est de 30 000 F CFA. Les projectionnistes de la zone 3 (toutes les autres localités) eux doivent s’acquitter de la somme annuelle de 15 000 F CFA.

D.P.S

Par Dayang-ne-Wendé P. SILGA
Le Pays

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