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OBAMA-BIDEN : Atouts et faiblesses de l’attelage démocrate

Publié le mardi 26 août 2008 à 10h58min

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Barack Obama

La convention du parti démocrate, aux dires des spécialistes, devrait permettre à Barack Obama d’éradiquer les divisions existant au sein de ladite formation et de se repositionner plus fortement contre son rival républicain John Mac Cain, dans la course à la présidence des Etats-Unis d’Amérique. Au cours du week-end dernier, la foule des démocrates découvrait et acclamait à Springfield celui qu’Obama a choisi comme colistier et qui devrait lui être d’un apport plus que précieux dans la course à la Maison-Blanche : Joseph Biden, 65 ans et sénateur de l’Etat de Delaware.

Ce choix est d’une importance primordiale dans la famille démocrate de même qu’il constitue un tournant non moins capital dans la course à l’investiture du 4 novembre prochain. Si le consensus est fait autour de la décision de Barack Obama, c’est que Joe Biden est loin d’avoir été élu dans le plus pur des hasards. Bien au contraire. L’homme est là en raison de choix politiques et tactiques bien calculés et assurément la famille démocrate attend de lui qu’il fasse définitivement peser la balance du coeur des électeurs en sa faveur ; car des atouts, l’homme n’en manque pas.

Le choix du sénateur comme candidat au poste de vice-président est intervenu après une semaine de dégringolade dans les sondages du candidat démocrate. Comme il est de coutume, des noms avaient circulé ; parmi lesquels celui de Hillary Clinton dont on comprend aisément qu’elle se soit désistée ; par convenance ou par amour-propre.

Dans la plupart des sondages, Barack Obama avait perdu l’avance de 5 à 7 points qu’il avait engrangés sur son rival républicain Mc Cain. Le léger avantage qu’Obama est supposé avoir se confondant avec la très probable marge d’erreur que présentent les études d’opinion, cela signifie en clair que les deux candidats sont statistiquement à égalité auprès de l’opinion publique. Et c’est là qu’intervient la nouvelle donne du parti démocrate. Les spécialistes de la chose politique ne s’y sont pas trompés : d’origine modeste, nanti d’une expérience de 36 ans au congrès américain, pourvu d’une stature de ténor de la politique intérieure et étrangère, Joe Biden renferme en lui les caractéristiques du colistier idéal pour Barack Obama.

Le "Los Angeles Times" d’il y a quelques jours rapportait que 17% des personnes interviewées estimaient que le "pays n’est pas prêt pour avoir un président noir". Assurément le chiffre est énorme. Et si l’on tient compte du fait que les électeurs ne disent pas la stricte vérité aux sondages sur des questions raciales, on découvre bien vite que la réalité est bien pire ; les démocrates n’ont pas manqué de remarquer que la majorité de ceux qui refusent Obama à cause de la couleur de sa peau se recrutent dans les couches ouvrières blanches. Or il se trouve que Joe Biden est lui-même issu de ladite classe ouvrière. En le choisissant, Barack Obama se dote d’un outil de campagne destiné à limiter les dégâts chez les ouvriers.

Autre argument de poids : gagner les Etats cibles à la cause démocrate. Biden peut aider à remonter la pente auprès des ouvriers blancs habitant les Etats clés dominés par cette classe sociale : la Pennsylvanie, l’Ohio et le Michigan.

De plus, Biden est catholique pratiquant, et sans doute, cela est d’importance dans une Amérique qui compte plusieurs ethnies catholiques issues de l’immigration du XIXe siècle, qui constituent aujourd’hui la majorité des classes ouvrières blanches dans des régions comme l’Ohio et la Pennsylvanie.

Autre fait digne d’intérêt : les attaques de Mc Cain, violentes, répétitives ; elles ont porté, des semaines durant, sur les projets politiques de Barack Obama dans le domaine des affaires étrangères, et ont fini par susciter interprétations diverses et questionnements quant aux objectifs du candidat démocrate accusé au sujet de l’Irak, de "vouloir perdre une guerre pour gagner une élection". Dans ce contexte difficile pour le parti démocrate, le choix de Biden est destiné à renforcer le patriotisme de son jeune colistier et à combler son soi-disant manque d’expérience.

Reste à savoir si le tandem Obama-Biden sera suffisamment puissant pour remporter la course qui mène à la Maison-Blanche.

L’un des faits militant en sa faveur est sans conteste le sentiment de lassitude ressenti par plus d’un au moment où s’achève l’ère Bush. Pour beaucoup d’Américains, elle aura été celle des bruits de bottes, de l’interventionnisme américain ayant provoqué la perte en nombreuses vies humaines de citoyens américains. On peut croire que plus d’un aspire à un successeur qui ait d’autres visées plus réalistes et plus pacifistes.

Un autre fait est que rarement aux Etats-Unis, le même parti politique a remporté successivement des élections trois fois de suite. Roosevelt est à ce jour le dernier exemple dont on se souvient . Lui en a bénéficié de façon exceptionnelle en raison de la situation de guerre. George Bush est à la fin de son second mandat et John Mac Cain est républicain. Obama a-t-il de ce fait eu raison de choisir Joe Biden ? L’énergie nouvelle qu’apporte celui-ci sera-t-elle suffisante pour mettre le turbo au moteur démocrate ? Le tandem Obama-Biden sera-t-il en mesure de franchir la ligne d’arrivée au soir du 4 novembre ? Ces questions, même si on se les pose, n’ont pas de réponses déjà faites. Et c’est peut-être ce qui fait le charme de l’enjeu : rien n’est jamais joué à l’avance dans une Amérique fière, héritière de son background puritain, une Amérique permissive, mais qui ne tolère aucun écart de conduite de la part de ceux qui la gouvernent, enfin une Amérique aux sondages qui font et défont l’opinion, une Amérique où un rien peut à son tour, faire mentir tous les sondages.

Mais que peut tirer l’Afrique comme enseignement de ces élections américaines ? Beaucoup de leçons sans doute, et toutes pouvant tenir peut-être dans une petite formule lapidaire : tout se passe si différemment là-bas ; au regard de ce qui se passe sur le continent noir, tout est vraiment différent chez eux.

On ne saurait manquer de remarquer l’énergie, l’engagement qu’impose la course à la présidence à ceux qui se mettent sur la ligne de départ ; il faut vraiment être solide pour se soumettre à une vaste campagne qui vous fait parcourir un pays couvert par six fuseaux horaires, à un rythme d’enfer, sans se permettre la moindre faute intellectuelle, le moindre écart de langage, le moindre lapsus. Car autrement, on vous le fait payer cash. Tout comme on ferait payer cash l’éventuel candidat qui traînerait quelque immoralité ou crime (de quelque nature qu’il soit) dans ses baskets. Il serait immédiatement renvoyé comme un malpropre.

Il est tout à fait remarquable de voir comment le républicain Mc Cain se bat, lui aussi, dans cette présidentielle. Lui pourtant, républicain, cherchant à hériter du siège d’un autre républicain qui aura passé huit années à la magistrature suprême. Sous d’autres cieux, on envisagerait un simple passage de témoin, une transition plus ou moins en douceur. Et tant pis pour ce qui en découlera. On pourra toujours "gérer".

Qu’on se le rappelle : quelqu’un du continent africain a bien pu dire qu’on n’organisait pas des élections pour les perdre. C’est peut-être, hélas, vrai en Afrique. Mais, pas en Amérique.

"Le Pays"

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