LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Taxis de Ouagadougou : Allez, on pousse !

Publié le mercredi 20 août 2008 à 10h57min

PARTAGER :                          

Dans la capitale burkinabè, Ouagadougou, le taxi est le principal moyen de transport, après les engins à deux roues. Pourtant, en circulation, être dans un taxi ou rouler à ses côtés, c’est côtoyer le danger, tellement leur état laisse à désirer. A qui la faute ? Pour leurs promoteurs, les taxis sont tout simplement adaptés aux infrastructures routières de la ville. Reportage...

A Ouagadougou, les taxis constituent le moyen de transport en commun par excellence. Cependant, ce sont général des véhicules de fortune, sans confort ni Sécurité pour les passagers. En effet, nombreux sont les Ouagavillois qui se plaignent du nombre très élevé des vieux taxis et de la conduite des chauffeurs de taxi dans la ville. A propos de l’état desdits engins, les clients font des griefs : les caresseries de certains taxis sont tellement pourries, que de l’intérieur on aperçoit, sous ses pieds, la chaussée, d’autant que les chauffeurs ne se donnent pas la peine de poser un tapis à l’intérieur.

La chaleur, les odeurs nauséabondes, les nids d’araignée, les sièges délabrés obligeant le client à s’asseoir sur les ressorts, au risque même de contracter le tétanos, après s’être fait piquer les fesses par la ferraille, sont aussi le lot des taxis. Sans oublier la surcharge (6 à 7 passagers à la fois dans le même véhicule), souvent au grand dam des policiers. Ce sont les chauffeurs de taxis qui circulent mal. Si cela n’est pas dû à l’imprudence du chauffeur (certains n’ont même pas leur permis de conduire), c’est que la direction ou les roues sont défectueuses ou bien il n’y a même pas de frein. 80% des taxis à Ouagadougou ne vont pas à la visite technique, et, par conséquent ne sont pas assurés. Ne soyez pas surpris si dans un taxi, le moteur s’arrête et que le chauffeur vous demande de descendre pour pousser. S’il pleut, ne soyez pas non plus surpris d’être mouillé, ainsi que de voir le chauffeur de temps en temps sortir la main pour nettoyer, à l’aide d’un chiffon, la pare-brise, à moitié cassée.

Faites très attention au choix du taxi si toutefois vous êtes pressé pour un rendez-vous très important, car en empruntant une guimbarde, vous avez mille chances de ne pas arriver à temps, non pas toujours à cause de la lenteur du véhicule, mais à cause d’une panne d’essence. En pleine circulation, le chauffeur garera et prendra son bidon que toujours il garde à l’intérieur, pour aller chercher du carburant à la station la plus proche (encore faut-il qu’il y ait une station service à côté !). Il y a aussi des taxis dont le réservoir est complètement hors d’état, carrément rouillé, si fait que l’alternative pour le conducteur c’est de le remplacer par un bidon directement relié au moteur, sous le capot.

Un vrai parcours de combattant

Mais les taximen (les chauffeurs de taxi) ont-ils le choix ? Pas vraiment, d’autant qu’eux aussi sont obligés de jongler ainsi pour avoir leur pitance. A la gare de taxis, à côté du marché central, nous avons appris que les conducteurs de taxis s’appellent entre eux "guerriers", tout simplement parce qu’ils se disent que le combat pour se nourrir est plus rude à leur niveau qu’au sein de tout autre secteur. Abdel Aziz Sidik Koné dit "Abou" est un de ces guerriers avec qui nous avons discuté des conditions de travail des taximen. Selon lui, l’entretien des véhicules n’incombe nullement aux chauffeurs. Ce sont, dit-il, les propriétaires qui refusent de sortir l’argent pour l’entretien de leur taxi. Ils veulent que le véhicule fasse entrer l’argent, mais ne veulent pas entendre dire que le véhicule est en panne. Face à une telle situation, le chauffeur qui cherche son pain est obligé de faire avec, c’est-à-dire caracoler, bricoler pour que le véhicule tienne la route. Ainsi, plus les jours passent, plus le taxi se dégrade et finit par devenir un cercueil ambulant à la recherche de "kamikazes."

Quant à la surcharge, Abou explique : "Vu le prix du carburant qui ne cesse de grimper et comme pour l’instant nous ne pouvons pas augmenter le prix du taxi, nous sommes obligés de faire la surcharge pour nous en sortir." Selon lui, l’alternative possible pour cesser la surcharge, c’est que les propriétaires des taxis diminuent le prix de la location. Soulignons que le prix de location journalière imposé par les propriétaires aux chauffeurs de taxi varient souvent entre 10 000 et 7 000 F CFA. Pourtant, explique Abou, "ce n’est pas tous les jours que nous pouvons gagner les 8 000 F CFA, il y a des jours où ça va et des jours où ça ne va pas du tout. Il y a des jours où le taximan peut mettre 20 000 F CFA de carburant et ne gagner que 25 000 F CFA en tout. Comment dans ce cas, à part les frais dépensés pour le carburant, payer l’argent de la location et avoir quelque chose pour soi-même à la fois ? (ndlr, le litre d’essence tourne autour de 700 F CFA)".

Les rapports avec les propriétaires de taxis ne sont pas pour autant plus conflictuels que ceux avec les clients qui souvent ignorent les difficultés que vivent les conducteurs de taxi. Car, hormis les indélicatesses objectives (surcharge, pannes, mauvaises conduites, par exemple) qu’ils peuvent reprocher aux chauffeurs de taxis, il y a aussi que certains clients abusent. Par exemple, ils imposent aux taximen de prolonger le trajet jusqu’à aller les déposer devant leur concession. Pourtant tout le monde sait qu’à Ouagadougou, les taxis n’entrent pas dans les labyrinthes (les six-mètres). Ils empruntent des trajets bien connus de tous les usagers.

Le trajet le plus long de la ville, c’est celui qui part du grand marché au carrefour du quartier Pissy (9 km environ), puis vient celui qui va à Tampouy (7 km). Pour chaque tronçon, le client doit débourser la somme de 200 F CFA. Il paiera plus s’il veut que le taxi l’emmène plus loin, ou s’il a des bagages assez lourds. Déposer un client devant sa porte suppose qu’il a payé 1 500 F CFA, et cela voudrait dire qu’il n’a pas de bagage. Si les taximen n’acceptent pas d’aller jusque dans les six-mètres, c’est parce que très souvent les voies ne sont pas bonnes. Argument du reste invoqué par les propriétaires des taxis pour justifier l’état desdits véhicules.

L’état des routes y est-il pour quelque chose ?

Telles rues, telle ville, tels taxis, pourrait-on dire, à entendre parler les propriétaires des taxis. Selon ces derniers, il serait risqué pour un promoteur de mettre en circulation un véhicule neuf en guise de taxi, dans la ville de Ouagadougou. Six mois suffiraient pour que le véhicule s’amortisse complètement, et au finish, le propriétaire aura fait une mauvaise affaire, dira le président du Syndicat national des taximen du Burkina (SYNTAB), El hadj Amadou Kaboré. Même son de cloche également de son vice-président, Oumarou Kiéma, par ailleurs président de la Fédération nationale des taximen et des travailleurs du secteur des transports du Burkina (FNTT/STB) : "Les gens ont raison de dire qu’il y a trop de vieux taxis à Ouagadougou. Mais il faut qu’ils comprennent que les infrastructures routières ne sont pas du tout adaptées. Si l’on veut qu’il y ait des taxis à l’état neuf, il faut que l’Etat fasse en sorte qu’il y ait du goudron sur les voies que nous, taximen, empruntons, étant entendu que les gens qui vont à Ouaga 2000 et qui passent sous l’échangeur qui mène à ce quartier chic n’ont pas besoin de taxi. Nous, nos clients sont ceux qui habitent dans les zones comme celle du cimetière de Tabtinga et autres quartiers démunis."

Du reste, en ce qui concerne l’entretien et les contrôles techniques des véhicules, le président du syndicat affirme que des efforts sont faits à ce niveau. Si auparavant, les défaillances étaient liées aux montants des factures ainsi qu’aux différentes taxes (patente et frais de stationnement), depuis un certain temps, des efforts sont faits, en accord avec le ministère de l’Economie et des finances, la mairie, la police municipale, le Centre de contrôle des véhicules automobiles (CCVA), ainsi qu’avec les compagnies d’assurances, pour l’organisation de contrôles, chaque trimestre. Selon El hadj Kaboré, les négociations entre les autorités administratives, un assureur et les syndicats des taximen ont permis une diminution de la patente et des frais de stationnement qui sont passés de 80 000 F CFA à 40 000 F CFA, tandis que l’assurance elle ne coûte plus que 39 000 F CFA pour trois mois, toute chose qui permet finalement aux promoteurs de taxis de se mettre en règle.

Encore la vie chère

Cependant, contrairement aux affirmations de certains taximen concernant les frais de location journalière du taxi auprès du propriétaire, le SYNTAB, lui, assure que tous ses membres sont au courant que, vu le contexte de la vie chère, l’augmentation du prix des hydrocarbures, les frais de location journalière d’un taxi par son propriétaire au chauffeur ne devraient pas excéder la somme de 7 500 F CFA. Mais, le syndicat déplore qu’ils y ait des patrons qui continuent d’imposer à leur chauffeur des sommes allant de 8 000 à 10 000 F CFA.

Il faut reconnaître que malgré tout, le secteur du taxi dans la ville de Ouagadougou nourrit son homme, tant le conducteur que le propriétaire. Abou, lui, avoue qu’il aime son métier et que c’est grâce à ce travail qu’il arrive à subvenir aux besoins de toute sa famille. Mais, dans le secteur on déplore une concurrence déloyale et c’est du reste de cela que viennent tous les noms d’oiseau attribués aux taximen, selon le vice-président du SYNTAB. "N’importe qui peut acheter un véhicule, mettre la couleur verte dessus et se dire propriétaire de taxi !", s’offusque aussi Abou le guerrier. Selon ce dernier, certaines personnes ont des taxis qui circulent en ville, mais qui pourtant ne respectent pas la réglementation, ne paient aucune taxe. C’est, du reste, ces personnes qui recrutent des chauffeurs sans permis de conduire. C’est pourquoi, Abou souhaite qu’il y ait plus d’ordre dans le secteur. A cet effet, il invite les chauffeurs de taxi à créer leur propre structure.

Par Lassina Fabrice SANOU

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina : Une économie en hausse en février 2024 (Rapport)