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Opérations mains propres dans la filière cacao : Les risques calculés de Gbagbo

Publié le mardi 19 août 2008 à 11h43min

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Les opérations "mains propres" ne sont pas l’apanage du seul Cameroun où le président Paul Biya a marqué les esprits en menant une chasse sans concession aux prédateurs de la République. La Côte d’Ivoire s’y est mise aussi depuis quelque temps, avec les actions judiciaires entreprises dans la filière café-cacao. Contre toute attente, des barons de la filière ont été jetés en prison, suspectés qu’ils sont d’avoir détourné d’importantes sommes d’argent.

Laurent Gbagbo peut savourer les effets politiques de cette opération. Le chef de l’Etat ivoirien, en effet, se présente sous un nouveau jour, celui de la lutte sans merci contre les détournements et la corruption. Sitôt sorti de la guerre civile, il ouvre un nouveau front contre la prévarication. Comment ne pas voir en lui un homme très courageux, qui se montre soucieux des intérêts de son pays ? Le petit peuple est sensible à ce type d’action d’éclat où les gros bonnets, accusés d’affamer les populations pour mieux s’enrichir, sont emprisonnés. A quelques mois d’une élection présidentielle cruciale, le gain politique est encore plus précieux.

Si le courage politique qui soustend cette opération "mains propres" est évident, il ne faut cependant pas être dupe. Le pouvoir a dû lâcher les dirigeants de la filière café cacao sous la pression conjuguée des producteurs et des bailleurs de fonds. Aurait-il agi avec une telle fermeté si une fronde ne s’était pas organisée contre les malversations dans la filière ? Un précédent existe, où le pouvoir a protégé ses proches, contre vents et marées. Dans l’affaire de pollution du Probo Koala, par exemple, le patron du port d’Abidjan n’a jamais été inquiété, malgré l’avis contraire du premier ministre d’alors, Charles Konan Banny.

Dans le dossier café cacao, il est légitime de s’interroger sur la détermination du pouvoir à remonter le fil de l’affaire jusqu’aux commanditaires. Parce qu’il faut se rendre à l’évidence que les "prisonniers du chocolat", comme on surnomme les responsables détenus, ne sont que des exécutants. Avec l’audition de cinq ministres par la justice, la chaîne de responsabilité est certes montée d’un cran. Mais ils n’ont comparu qu’en témoins. Jusqu’où Gbagbo laissera-t-il la justice porter la lumière de la vérité ? Certainement qu’une barrière de sécurité a été érigée entre les accusés et le président de la république, afin que ce dernier ne soit nullement éclaboussé par cette affaire. Mais si des ministres doivent tomber pour que le président demeure ce justicier au secours des peuples tel qu’il veut apparaître, Gbagbo n’hésitera sans doute pas.

En tout état de cause, Laurent Gbagbo, en stratège politique très fin, a pris des risques calculés. Il contrôle l’action de la justice, pour qu’elle ne s’emballe et ne lui échappe. De cette façon, il continue de donner l’impression de nettoyer les écuries d’Augias, tout en se prémunissant lui-même de toute suspicion. Défenseur de la veuve et de l’orphelin : un beau slogan qui porte en politique. Les partisans du pouvoir coupent de ce fait l’herbe sous les pieds de l’opposition, en prenant les devants dans la lutte contre la corruption. Encore une fois, on pourrait dire que Gbagbo a joué et gagné.

Par Mahorou KANAZOE

Le Pays

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