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Justice : En attendant le crépuscule des juges pourris

Publié le lundi 18 août 2008 à 12h58min

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Zakalia Koté, ministre de la Justice

Les juges doivent avoir beaucoup de soucis à se faire pour redorer leur blason. Apparemment, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et le ministère de la Justice sont devenus si sensibles aux maux et au discrédit qui pèsent sur l’appareil judiciaire qu’ils ne ratent plus d’occasion de donner de la voix. En plus de la lenteur dont on accuse la Justice, la question récurrente de la corruption constitue une vilaine plaie dont les mauvaises odeurs dérangent au plus haut sommet de l’Etat. Le CSM est d’ailleurs très attendu sur le remède définitif à apporter.

« Une commission d’enquête sur les cas de corruption commis dans les juridictions a été mise en place » à l’issue de la dernière session qu’il a tenue le 25 juillet dernier sous la présidence du Blaiso himself. Zaky deux Koté, le sinistre de la Justice, a même demandé expressément aux populations de dénoncer les juges pourris. Cela a peut-être fait sourire plus d’un, y compris les magistrats eux-mêmes. Les sceptiques ont dû certainement rire sous cape et pour cause. La corruption serait-elle si ancrée dans le système qu’il serait impossible de l’en expurger ?

Force est de reconnaître que l’image de la Justice a été durement éprouvée ces dernières années. Son incapacité, ou plutôt son impuissance à gérer les grands dossiers pendants, qui ont mis la république à rude épreuve, n’a pas moins terni le système. La considération qu’on avait de la Justice a sérieusement pris un coup. En plus, dans leur rapport quotidien avec l’administration judiciaire, plusieurs citoyens en sont venus à la conclusion qu’il y a une sorte de « deux poids, deux mesures » et que la balance ne penche que du côté de ceux qui ont les moyens de faire pencher le juge de leur côté. Le juge pourri, c’est justement celui qui accepte de jouer ce jeu, contre l’éthique de son serment.

Que le Conseil supérieur de la magistrature et le ministère de la Justice s’engagent aujourd’hui à mettre de l’ordre dans la basse-cour, cela paraît tout à fait légitime. Les usagers ne demandent pas mieux. C’est le moins qu’on devrait exiger, dans un Etat qui se veut de droit. Mais entre la profession de foi et la réalité, le fossé semble toujours grand. Les moyens dont dispose le gouvernement pour faire advenir cette « justice juste » dont rêvent les populations est souvent en deçà des ambitions affichées. On a même l’impression qu’on se hâte lentement pour éradiquer un mal qui saute pourtant aux yeux de certains. Aussi, en demandant aux citoyens de dénoncer les juges pourris, le sinistre deux Koté fait peut-être de la provocation.

Mais c’est de bonne guerre.
Mais on ne saurait occulter le fait qu’on ne dénonce pas aussi facilement un juge qu’on le fait de n’importe quel policier racketteur à un carrefour. Là encore, ce n’est pas aussi évident. N’achète pas un juge qui veut. Ceux qui le font ne le font pas savoir au grand jour au point qu’on ne peut en fournir la preuve sans se fourvoyer soi-même. C’est donc une illusion de croire que les gens iront faire de bruyantes confidences à faire plaisir à Zaky deux Koté. Ce serait trop facile. Ce qu’on attend, c’est surtout l’impartialité dans la célérité. Aussi longtemps que les populations auront l’impression que certains dossiers pendent parce que quelqu’un a mis la main dessus ou que les juges ont peur de dire le droit, il sera difficile de ne pas céder à la suspicion.

C’est, du moins, ce qui semblait transparaître du dossier des « fausses exonérations douanières » dans lequel le directeur général des Douanes apparaissait comme un gros poisson que la Justice laissait s’échapper de sa nasse. La façon rocambolesque avec laquelle ce haut commis de l’Etat a échappé à un mandat de dépôt à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (Maco), en décembre dernier, a fait couler beaucoup d’encre et de salive. A tort ou à raison, nombreux sont les Burkinabè qui ont vite fait de voir dans cet incident une main invisible pour sauver le sieur Ousmane Guiro des griffes de la Justice.

D’autres n’ont pas hésité à accuser le sinistre de la Justice lui-même d’avoir fait entrave à l’appareil judiciaire dans ce dossier. Toutes choses qui ont réveillé les vieux démons et apporté de l’eau au moulin des sceptiques de son impartialité. L’orage est peut-être passé, mais des interrogations demeurent. Comme on le dit dans le jargon, « le dossier suit son cours », mais l’on ne se satisfait plus de cette rhétorique qui a longtemps servi de parade au gouvernement dans des dossiers sensibles qui dorment désormais dans les tiroirs.

Zaky deux Koté a-t-il les coudées franches pour renverser la tendance ? C’est le moins qu’on puisse lui souhaiter. Cela ne contribuerait qu’à reconquérir la confiance des citoyens. Vivement le crépuscule des juges acquis et autres juges pourris qui entachent l’honorabilité de leurs toges.

A. Houédraogo

Journal du jeudi

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