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Visite du dalaï Lama en France : Le faux bond de Sarkozy

Publié le jeudi 14 août 2008 à 11h13min

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Le Dalaï Lama est aux bouddhistes ce qu’est le Pape aux catholiques : un chef religieux charismatique. Il est donc normal que ses déplacements fassent l’objet d’une grande médiatisation, comme c’est le cas actuellement en France. Mais ce voyage du chef du bouddhisme tibétain revêt un caractère particulier.

La polémique entretenue depuis quelques semaines sur la participation de Nicolas Sarkozy à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et la rencontre qu’il devait avoir avec le Dalaï Lama, a mis cette visite sous les feux de la rampe. Et tout se confirme, quant à l’incapacité du président français de tenir tête à la Chine. Longtemps hésitant à l’idée de cautionner le régime chinois en se rendant aux JO, Sarkozy a dû céder aux menaces de représailles (forcément économiques) des Chinois. Alors que les dirigeants occidentaux les plus influents (George Bush, Gordon Brown, Angela Merkel) ont reçu le religieux tibétain, Sarkozy, après une valse-hésitation, a finalement fait faux bond à son honorable hôte. Une personnalité de son rang, passer une dizaine de jours dans un pays sans être reçu par le président, il faut avouer que cela relève de l’incongruité. Pourtant, recevoir le Dalaï Lama n’est pas un crime, comme l’ont montré d’autres dirigeants. L’homme prêche la non-violence, soutient l’organisation des JO en Chine et prône tout sauf l’indépendance du Tibet.

En définitive, Sarkozy, en voulant ménager la susceptibilité des Chinois, afin de bénéficier de leur immense marché, s’est fait plus royaliste que le roi. Il est allé au-delà des espérances chinoises en faisant profil bas à la limite de l’humiliation. Grand ami du monde des affaires, obsédé par les indicateurs économiques de son pays, le président français a rangé les grandes idées qu’il brassait avant son élection. Devenu chef de l’Etat, il préfère les chèques de Pékin aux bénédictions du Dalaï Lama. Mais le président d’un pays comme la France peut-il se permettre de déplaire à la Chine ? Certes, le pays semble plus vulnérable que l’Allemagne , les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne ? Mais n’est-ce pas justement cette politique de soumission de Sarkozy qui a affaibli le pays face à la Chine ? Car il s’agit bien de la même France qui a refusé de suivre George W. Bush dans son aventure irakienne. La différence tient au fait que le pays était alors dirigé par Jacques Chirac, un homme très à cheval sur les principes gaulliens de la non-compromission.

Nicolas Sarkozy jurait pourtant de mieux faire que son prédécesseur avec sa fameuse doctrine de la rupture. Très attendu sur les dossiers des droits humains, de l’affirmation de la personnalité de la France et des relations avec l’Afrique, Nicolas Sarkozy a plutôt brillé par le manque de lisibilité de son action. Obsédé par le désir de faire la politique autrement, il a sans doute péché parfois par précipitation et manque de coordination. Tant et si bien que les dissonnances à la tête de l’Etat ont plutôt brouillé la visibilité que pouvait avoir son action. Même ses ministres en étaient arrivés à ne pas comprendre la démarche présidentielle. La cacophonie entre différents membres de l’exécutif français a achevé de convaincre sur le déphasage conceptuel entre Nicolas Sarkozy et certains de ses ministres. Ces derniers avaient effectivement cru que l’heure de la rupture avait sonné et s’employaient à régler l’horloge de la nouvelle politique française. Mal leur en a pris. Jean-Marie Bockel fut une des victimes de la fausse rupture sarkozienne puisqu’il a été éjecté du gouvernement pour avoir réclamé la vraie rupture en Afrique.

La même désillusion s’applique aujourd’hui à la question chinoise. Après avoir juré par tous les dieux qu’il veillerait au respect des droits de l’homme partout, y compris en Chine, il tourne dos à tous ces bons voeux , une fois aux affaires. Le Dalaï Lama, qui incarne cette volonté de liberté en Chine, ne sera donc pas reçu. Sarkozy le recevra probablement en décembre, quand le moment sera plus propice. Il se montre bon avocat de Pékin mais piètre défenseur de la cause des opprimés. La communauté boubddhiste, de plus en plus puissante en Europe, saura sans doute le lui rendre au centuple !

La seule consolation pour Paris dans cette période difficile, se trouve loin du théâtre Chinois. La médiation presque réussie de Sarkozy dans le conflit entre la Géorgie et la Russie a de quoi mettre du baume au coeur de la France malmenée ces derniers temps pour ses incohérences dans le dossier chinois. Elle récolte les fruits de l’intelligence politique dont elle avait fait montre en étant l’un des premiers pays à reconnaître l’élection de Dmitri Medvedev, le successeur de Vladimir Poutine. Une bien maigre consolation.

"Le Pays"

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