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Mairie de Ouagadougou : Simon vers la sortie ?

Publié le mercredi 13 août 2008 à 12h09min

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Les vacances gouvernementales sont là. Sans qu’il y ait eu remaniement ministériel, comme la rumeur l’annonçait avec insistance. La déclaration faite aux médias par Blaise Compaoré lors du dernier Conseil des ministres y est pour quelque chose. Il avait dit en substance qu’il fallait attendre la fin des vacances. Mais une autre rumeur fait les choux gras des médias et de l’opinion publique. Il s’agit du départ de Simon Compaoré de la mairie de Ouagadougou.

Déjà, avant les dernières élections municipales, l’éventualité de remplacer celui qui a été élu trois fois à la tête de la capitale était déjà évoquée dans certains cercles restreints. Au lendemain de ces élections et de son installation officielle, la rumeur a continué à courir. Aujourd’hui encore, elle est omniprésente et les médias contribuent largement à l’amplifier.

A ce qu’on dit, il serait proche de Salif Diallo et comme ce dernier est en disgrâce (même si, visiblement, il n’a pas dit son dernier mot), Simon Compaoré courrait le risque de payer pour sa proximité avec l’ancien ministre de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques.

C’est un secret de polichinelle que la IVe République, qui a germé et poussé sur les cendres de la Révolution démocratique et populaire (RDP), traîne encore hélas des tares de cette dernière dans la mesure où les accointances sociales et la similitude des opinions (même celle due au pur hasard) entre deux individus peuvent coûter cher à l’un si l’autre est disgracié.

En somme, cela rappelle ce vieil adage : "Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es". Après près de quinze (15) ans passés à la tête d’une ville comme Ouagadougou, Simon Compaoré serait fatigué et mériterait d’aller "se reposer" quelque part (dans une ambassade par exemple). En effet, il n’y a pas de doute que :

Ouagadougou est un ville difficile, nombre de citadins ayant décidé de fouler aux pieds tout esprit de civisme ;

Simon Compaoré est le premier maire élu après plusieurs Etats d’exception et il est possible qu’il soit usé, vu qu’il y a investi beaucoup de temps et (surtout) de physique. Est-ce pour rien que, parfois, sa mémoire lui joue des tours ?

Les vains combats menés parfois par et contre certains de ses camarades consomment inutilement de l’énergie et sont épuisants. Par ailleurs, certaines déclarations de l’intéressé laissent perplexes.

Ainsi, il aurait dit ceci aux sinistrés des inondations de Kourittenga : "Dans deux ans, quand je serai parti de la mairie, vous n’aurez même pas le deuxième adjoint au maire pour vous rendre visite en cas de sinistre, ne parlons pas du maire lui-même". Si ces propos sont avérés, ils sont évidemment regrettables.

Dernière thèse qui accréditerait le départ imminent de l’actuel maire, une requête orale adressée à Blaise Compaoré. Il aurait demandé à être déchargé de ses responsabilités de maire afin de souffler. Rumeur créée et propagée par des gens que son départ pourrait arranger ou démarche vraiment entreprise par l’intéressé ? Nul ne saurait l’affirmer.

Au nom d’une révision de gouvernance ?
Au regard de ce qui vient d’être dit et de l’ambiance dans certains cercles du pouvoir, il n’est pas exclu que Simon Compaoré abandonne le gouvernail de Ouagadougou : volontairement ou sous la pression des siens. Il n’est donc pas impossible qu’il aille (ou qu’il choisisse d’aller) "se reposer" dans une ambassade.

S’il est à la base de son éventuel départ, c’est tant mieux, car cela prouve que les mœurs politiques du Faso sont en train de changer progressivement de manière positive. Même si, tous autant que nous sommes, nous sommes le fruit d’un long processus historique, il n’en demeure pas moins vrai que dans notre vie quotidienne il vaut mieux faire l’histoire que de la subir.

Si quelque part on a trouvé qu’après d’aussi bons et loyaux services, il est bon qu’il aille "se reposer", cela n’est pas non plus mauvais a priori, car il n’y est pas allé de lui-même. C’est le système qui avait décidé de l’y envoyer en mission ; c’est à lui que peut revenir aussi le dernier mot.

Il n’est donc pas bienséant de faire coûte que coûte de Simon Compaoré la victime candide, ingénue et innocente d’un système piloté par Blaise Compaoré, qui bouffe un à un et petit à petit ses thuriféraires. De toutes les façons, tous ceux qui sont détenteurs de pouvoir seront un jour obligés de quitter leurs responsabilités. L’actuel président du Faso aussi.

Cependant, ce qu’il faut souhaiter, c’est que Simon Compaoré ne soit pas un de ces boucs émissaires que l’on charge de tous les maux pour se donner bonne conscience. Car s’il ne fait pas de doute que le maire de la capitale a commis plein d’erreurs à travers ses déclarations et ses actes, il ne fait pas non plus de doute qu’il a contribué à réaliser pour Ouagadougou ce que des décennies n’avaient pu faire auparavant. Et puis humainement, il est inadmissible de nuire à autrui ou de l’humilier (même si ces ressentiments peuvent être par ailleurs fondés).

Nous sommes dans un Etat de droit démocratique. La logique héritée de la RDP, celle qui veut que, comme un serpent qui se dévore en commençant par sa queue, doit faire place à plus de civilité et d’humanisme.

Aux dernières nouvelles, Simon Compaoré serait, selon ses détracteurs, devenu plus actif dans l’exécution des tâches du Congrès pour la démocratie et le progrès que de par le passé. Comme pour s’assurer de l’influence sur les cadres afin de demeurer maire ou comme pour trouver du grain à moudre en cas de départ de la mairie.

Dans l’hypothèse où cela s’avérait, il se trompe de combat, car s’il doit sa légitimité de conseiller municipal aux électeurs de son secteur, il doit sa légitimité de maire à l’homme de Kosyam. De même, pour être membre du secrétariat exécutif national du CDP, il faut obtenir l’accord de Blaise Compaoré ; pas du siège du parti.

Au-delà des cas de Simon Compaoré et de Salif Diallo, il se dégage l’impression selon laquelle le régime de Blaise Compaoré est à un tournant décisif de son histoire, qui pourrait voir changée la configuration du système : si le remaniement dont on parle aboutissait à une redistribution des cartes au nom de l’efficacité si chère à Tertius Zongo, et si la restructuration du CDP dont il est de plus en plus question advenait, il y aurait comme une espèce de regénération du système.

Tous les systèmes (et surtout celui-là, qui est installé depuis le début des années 80) ont besoin de se regénérer périodiquement, sinon ils s’étiolent et deviennent cause de leur propre perte. Seulement, la regénération n’est pas synonyme de purges et de règlements de compte, mais une révision rigoureuse du dispositif de gouvernance de la cité.

Z. K.

L’Observateur

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