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Dépassement budgétaire au Sénégal : Le nouveau rôle salutaire du FMI

Publié le mardi 12 août 2008 à 12h08min

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Le FMI "new look" a fait une victime dans les rangs des dirigeants sénégalais : le président Wade a dû démettre son ministre du Budget, officiellement pour dépassement budgétaire. Le FMI semble vouloir changer d’orientation avec l’arrivée du socialiste français Dominique Strauss Kahn. En tout cas, les récents faits survenus à Dakar montrent que le FMI entend désormais s’impliquer dans le contrôle de l’utilisation des ressources mises à la disposition des Etats africains.

Ce limogeage d’un officiel africain à la suite d’un regard extérieur sur la gouvernance d’un pays africain est remarquable. D’autant que le constat a été fait par une institution connue et décriée jusque-là pour ses plans d’ajustement structurels qui ont énormément fait du tort aux populations africaines.

Ce rôle visiblement nouveau est à saluer car on désespérait de la froideur et d’une forme d’indifférence de l’institution ayant longtemps caractérisé les rapports entre les fameuses institutions de Bretton Woods et le continent. A tort ou à raison, on les a toujours assimilées à de simples pourvoyeuses de fonds et à des agents de recouvrement du capital international. De leur contrôle de la gestion des fonds octroyés, on en sait peu de choses, même si on les devine vigilantes quant au respect de l’orthodoxie bancaire.

Les institutions de Bretton Woods devraient pourtant en faire une obligation partout sur le continent. Cela pourrait soulager les fonds publics et leur personnel, trop soumis au diktat de dirigeants en mal de crédibilité, complices ou victimes de la mafia des finances et des affaires. Cette autre mission, noble celle-là, il convient de l’encourager et même de l’étendre aux autres organisations partenaires qui injectent des sous dans les caisses publiques africaines.

L’audit du FMI aura permis au Sénégal de mettre à nu le dysfonctionnement des mécanismes de contrôle mis en place par l’Etat lui-même. C’est la preuve que les mécanismes de contrôle, dont les Cours des comptes, entre autres, sont inopérants, ou qu’en tout cas leurs animateurs ont du mal à jouer leur rôle. Pourquoi alors les maintenir, et en l’état ? Sans doute que si chacun osait faire sa part de travail, les princes qui gouvernent en Afrique et leurs proches hésiteraient à confondre fonds publics et besaces familiales.

Les organes de contrôle étant devenus des coquilles vides, le recours semble aujourd’hui évident : le regard extérieur devient une nécessité.

Dans l’exemple du Sénégal, on peut s’interroger sur le rôle ambigu des députés qui auraient pu prendre des mesures rectificatives dans un tel cas de figure et au moment opportun. Auraient-ils tenté de le faire en vain ?

Les parlements africains se complairaient-ils dans un rôle de caisse de résonance des partis au pouvoir ? Les députés se feraient-ils les complices de la mauvaise gestion des Etats ? En tout cas, ils devraient être également tenus comptables de ces incuries devant l’opinion, et en répondre comme il se doit.

Ce qui vient de se passer à Dakar confirme d’abord la nécessité de séparer les trois pouvoirs que sont l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Ensuite, il montre l’intérêt d’éviter de tenter d’embrigader le quatrième et non des moindres : la presse. Certes, en tant que contre-pouvoir, son travail dérange en ce qu’il enrichit parfois les actions des partis d’opposition et celles de la société civile dans son ensemble. Toutefois, sa contribution critique n’est point négligeable en ce qu’elle permet de conscientiser le citoyen et d’alerter les pouvoirs publics.

On peut se féliciter du courage et de la célérité du président Wade qui a démis de ses fonctions un de ses plus proches collaborateurs. Cela traduit peut-être son souci de corriger la faille. Mais en même temps, il s’agit d’un aveu implicite de la faillite d’un système dont la gestion incombe à son propre entourage.

Il semble même y avoir de l’euphémisme dans l’air : en effet, s’agirait-il d’un simple dépassement budgétaire, de petites erreurs de gestion, ou y aurait-il de véritables détournements crapuleux que les enquêteurs devront confirmer plus tard ?

On pourrait aussi spéculer sur les raisons véritables du geste de Me Wade. Entendait-il sauver ce qui reste de la crédibilité du régime en vue des élections futures à un moment où l’opposition rue dans les brancards ? Le chef de l’Etat sénégalais sait qu’il lui faut éviter en permanence de prêter le flanc aux adversaires tant à l’interne qu’à l’externe. Trop de critiques ont en effet été formulées par les dirigeants sénégalais à l’endroit des organisations internationales, comme la FAO et l’ASECNA, pour ne citer que ces deux cas. Il faut donc se résoudre à faire le ménage autour de soi pour l’exemple.

Mais jusqu’où pourra aller le président Wade dans cette quête de la transparence et surtout du châtiment qui accompagne les cas de forfaiture ? La société civile sénégalaise en particulier, mérite d’être félicitée pour sa vigilance. Très alerte, elle a demandé qu’on aille plus loin et plus profondément dans la vérification des comptes de l’Etat.

La société civile africaine mérite à cet égard des encouragements de la part des partenaires techniques et financiers. On doit non seulement renforcer leurs capacités, mais aussi les associer pleinement dans tout ce qui a trait aux engagements des Etats.

Le geste posé au Sénégal par le FMI se révèle donc salutaire pour l’économie nationale. La bonne gouvernance procède aussi de cette formule d’autant que, plus on injecte des ressources, plus la pauvreté s’accroît sur ce continent. A ce titre, il conviendrait de l’étendre non seulement aux autres pays du continent, mais encore d’arrimer les décaissements successifs à l’application rigoureuse et immédiate des mesures sanctionnant les délits constatés dans la manipulation des fonds publics.

Dans un contexte de lutte contre la pauvreté, face à l’incurie, à la corruption galopante, au développement scandaleux du clientélisme et de l’irresponsabilité, les partenaires techniques et financiers doivent s’assumer. Il leur faut s’impliquer de manière résolue dans la parfaite utilisation des ressources péniblement mobilisées pour répondre à la demande sociale.

Après bientôt cinquante ans d’indépendance, l’Afrique ne peut continuer à souffrir de voir certains de ses dirigeants piller le trésor public et vivre dans l’ostentation révoltante.

"Le Pays"

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