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Femmes et culture maraîchère : Hier revendeuses, elles sont aujourd’hui productrices

Publié le vendredi 8 août 2008 à 10h52min

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Faute de terre, elles se contentaient d’écouler les productions des hommes sur la place du marché. Mais aujourd’hui, beaucoup de femmes sont passées du statut de simples revendeuses à celui plus noble de productrices.

Vivre de la sueur de son front. Tel est le credo de ces femmes. Elles sont d’un courage et d’une détermination exemplaires. Leur travail, c’est la culture maraîchère. Elles exploitent des lopins de terre dans le bas-fond du secteur n°27 situé dans le prolongement du parc urbain Bangr-wéogo. C’est un spectacle de les voir travailler. Le matin bien avant 6h, ces femmes montrent déjà de l’ardeur au travail, à l’image de Bibata, une brave femme d’une trentaine d’années. Un foulard sur sa tête, l’habit quelque peu usé, le pagne trempé qui descend jusqu’à mi-jambe. Elle a les pieds nus. Avec deux arrosoirs de 15 l chacun, Bibata va puiser l’eau 60m plus loin. En 03mn maximum, elle fait un aller-retour entre son jardin et la tranchée d’eau. Bibata accomplit un travail exceptionnel. Toutes les femmes envient ses plants. Elle en est elle-même très fière. "C’est le fruit d’un travail laborieux", dit-elle.

Ce travail représente toute sa vie. Et elle le dit à qui veut bien l’entendre. Avec ce qu’elle gagne, elle parvient à résoudre elle-même ses problèmes d’argent. Bibata aide aussi son époux à couvrir les dépenses du foyer. Entendez par là la scolarisation de leurs deux premiers enfants qu’elle prend volontiers en charge. "A l’instar des autres femmes, Bibata n’a pas toujours été productrice". L’intervention des femmes dans la production est assez récente. En effet, à l’instar des autres femmes, Bibata n’a pas toujours été productrice. Avant, elle venait sur place acheter les légumes avec les hommes, alors producteurs exclusifs. Elle les revendait ensuite dans les marchés de Dassasgo et de Zogona.

C’est un travail qu’un homme ne s’imagine pas faire. Autant on voyait mal une femme s’ériger en productrice. "La production demande beaucoup d’efforts physiques. Ainsi c’était un travail d’homme. Les femmes se chargeaient de vendre ce que nous produisons au marché," confie Hamado, un des maraîchers. Mais depuis lors les choses ont changé. Au départ revendeuses, aujourd’hui bon nombre de femmes font du maraîchage leur gagne-pain. Elles exploitent des surfaces assez réduites. A peine 200 m2 pour chaque femme. L’accès à la terre par les femmes apparaît alors comme un problème crucial. "Généralement les femmes ne sont pas propriétaires terriens.

Il y a un problème d’accès au foncier qui se pose à leur niveau", selon Dr Millogo/ Sorgho Marie Claire, directrice générale du Renforcement des capacités et d’expertises féminines du ministère de la Promotion de la femme. Mais les femmes qui ont un certain pouvoir d’achat deviennent souvent propriétaires de terre. "Étant au départ revendeuses, les femmes arrivent à faire des économies. Une fois qu’elles ont l’argent, elles peuvent alors acheter ou louer de petites portions de terre. Ce sont généralement des terres marginales. Mais parce qu’elles sont travailleuses, elles parviennent à la valoriser pleinement", explique Mme Millogo. Ce processus d’appropriation des terres par les femmes s’inscrit aussi dans l’évolution des mentalités chez les hommes. Ces derniers acceptent de plus en plus la cohabitation, du moment où tout le monde y trouve son compte. "Ces femmes sont aussi nos femmes en quelque sorte. Ce qu’elles gagnent, c’est le fruit de leurs souffrances. Et nous en tant qu’hommes, ce que nous gagnons est aussi le fruit de nos labeurs", confie Hamado.

Produire et vendre soi-même pour augmenter son gain. Aujourd’hui les femmes sont en amont et en aval du maraîchage dans la zone. Si dans la production elles interviennent désormais à côté des hommes, elles demeurent quasiment seules dans l’écoulement des productions. En effet, ce sont uniquement des femmes qui viennent acheter des légumes avec les hommes pour les revendre sur la place du marché. La plupart des femmes productrices vont vendre leurs productions directement aux consommateurs. Cela leur permet d’augmenter leur gain. Elles réalisent ainsi un bénéfice quotidien variant entre 3000 et 5000 FCFA. Les hommes, eux dépendent fortement des revendeuses. De plus en plus de femmes interviennent dans le circuit. Tout cela se passe en parfaite collaboration avec les hommes. Il n’est pas rare qu’un homme vienne en aide à une femme.

Les hommes sont sans conteste plus expérimentés et mieux outillés. C’est un travail très difficile. Les femmes elles-mêmes le reconnaissent. Les plants demandent beaucoup de soins. A cela s’ajoutent les travaux domestiques qui leur incombent. C’est pourquoi elles doivent chaque jour faire montre de courage et de détermination. Mais pour Bibata, c’est un sacrifice qui vaut vraiment la peine, dans la mesure où elle peut ainsi se libérer de l’emprise de son homme.

Inoussa MAïGA
(stagiaire)

Sidwaya

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