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Vincent Dabilgou, ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme : « Si chacun doit avoir sa propre parcelle, nos champs de maïs et de riz laisseront place à des habitations »

Publié le jeudi 31 juillet 2008 à 11h41min

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Vincent DabilougouLe logement est la préoccupation de chaque Burkinabè. Pour les gouvernants, la question de l’habitat et partant de l’urbanisme se pose de plus en plus avec acuité. A telle enseigne qu’en juin 2007, un département entier est destiné à ce volet, histoire de répondre au mieux aux préoccupations des populations.

Depuis la création dudit ministère, nous assistons à un branle-bas dans le secteur. Opération 10 000 logements, lancement de la politique nationale de l’habitat et de l’urbanisme, création d’un guichet unique pour toutes les opérations relatives à l’habitat et à la construction, etc. Toutes ces activités ont porté sur les feux de la rampe, le ministère que dirige M. Vincent DABILGOU. Nous avons voulu tout comprendre, nous l’avons rencontré et il nous parle de son département. Lisez plutôt.

Comment justifiez-vous la création du ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme ?

Vincent DABILGOU (V.D) : Avant de répondre à vos questions, je voudrais d’abord vous dire merci de nous ouvrir vos colonnes pour donner de la lisibilité aux actions de gouvernement que mon département a l’honneur de mettre en chantier. Merci donc d’être venu à nous pour mieux comprendre notre action et éclairer à votre tour vos nombreux lecteurs. Mais je me demande si l’on a vraiment besoin de justifier la création du ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme, tant son importance, du fait de sa transversalité, reste à peine voilée.

La création de notre département répond au souci d’une meilleure promotion de l’habitat et d’une véritable impulsion d’un développement urbain durable. Il vous souviendra que c’est depuis le 6 janvier 2006, que le secteur de l’Habitat et de l’Urbanisme est érigé en département à part entière. Cette érection consacre l’aboutissement d’un long processus, fait de changements institutionnels correspondant à des tentatives multiples afin de trouver le cadre idéal pour une prise en charge conséquente des questions d’habitation et d’urbanisme.

Les problèmes de logement et d’urbanisme sont-ils aussi préoccupants qu’ils nécessitent un ministère plein dans notre pays dont on sait la population fortement rurale ?

V.D : Merci pour cette question qui me permet de dire que ceux qui ont pensé à la création de ce département ont fait montre d’une haute clairvoyance. Si notre pays connaît l’un des plus faibles taux d’urbanisation de la sous-région, il présente en revanche l’un des taux de croissance urbaine les plus élevés. Nous sommes aujourd’hui à 20,2 %, et selon nos prévisions, nous serons à 35% en 2026. Ces prévisions commandent des mesures préventives pour parer aux conséquences d’une inversion des tendances. Le ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme s’affiche depuis sa création, comme le principal organe de mise en œuvre des politiques et des stratégies afin d’assurer un développement durable dans le domaine de l’abitat, du logement, et de l’urbanisme. Nous travaillons à faire de nos villes des pôles de croissance économique et des cadres idéales de vie pour nos populations.

La Politique Nationale de l’Habitat et de Développement Urbain a été adoptée par le conseil des ministres en sa séance du 07 mai dernier. Dites-nous quels sont les grands traits de cette politique ?

V.D : Parler en quelques mots de notre politique est un exercice assez complexe que vous avez la gentillesse de m’imposer. La Politique Nationale de l’Habitat et du Développement Urbain vise à créer les conditions pour l’amélioration du cadre de vie des populations en renforçant la contribution des villes à la lutte contre la pauvreté. Pour atteindre cet objectif global, nous avons identifié des objectifs spécifiques qui consistent donc à faire des villes du Burkina Faso des pôles de croissance et de développement, comme je l’ai mentionné tantôt ; mais aussi d’assurer l’accès au logement décent à toutes les couches sociales et de contribuer efficacement à la réduction de la pauvreté urbaine. Vous faites bien de poser cette question. Nous venons juste de parachever le plan d’action pour l’Habitat et le Développement Urbain 2009-2018. Ce plan d’action identifie six principaux axes stratégiques qui sont : la contribution à la construction du réseau urbain national et sous régional ; la planification et la maîtrise de la croissance des villes ; la promotion du logement décent pour tous ; la valorisation du patrimoine culturel national ; la réduction de la pauvreté urbaine ; la promotion de la bonne gouvernance urbaine.

Les problèmes de lotissements sont récurrents, la PNHDU pourra –t-elle en venir à bout ?

VD : Vous touchez du doigt l’un des grands problèmes de notre secteur. Sur la question je voudrais tout simplement dire, que si la pratique des lotissements massifs, a permis de faciliter l’accès au foncier à un grand nombre de ménages, les quartiers créés n’ont pas été viabilisés parce que la vision d’aménagement progressif n’a pas toujours été poursuivie. La politique antérieure de lotissement a favorisé l’étalement urbain avec ses conséquences. Ouagadougou est aujourd’hui deux fois plus grand que Paris sans sa banlieue et trois fois plus grand que Dakar.

Aujourd’hui nous avons une politique d’idensification du tissu urbain. Cela passe par des constructions en hauteur, et nous sommes en train d’élaborer les textes législatifs qui règlementeront la copropriété. Toute chose qui permettra aux ménages de vivre en parfaite intelligence dans des habitations en hauteur. Toujours sur la question du lotissement, il me plait de mentionner que la politique nationale d’aménagement du territoire et le code de l’urbanisme et la construction, recommandent l’élaboration des outils de planification urbaine pour freiner l’extension démesurée des villes. Les Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) et les Plans d’Occupation des Sols (POS) sont identifiés comme principaux outils de base. Toute action de planification doit faire référence à ces outils que je viens de citer. C’est ainsi que nous parviendrons à la maîtrise de l’extension et de l’occupation des espaces urbains et à la régulation foncière.

Quelle place occupe la promotion des matériaux locaux dans la nouvelle politique de l’Habitat ?

V.D : La promotion des matériaux locaux occupe une place importante dans notre politique. Dans le secteur, il a existé le projet LOCOMAT qui a produit des résultats probants. La PNHDU préconise la capitalisation de ces résultats. Il s’agira de redynamiser le projet LOCOMAT en le transformant en une agence de promotion des matériaux locaux de construction. Cette agence va œuvrer à valoriser des savoirs faire et des technologies d’utilisation des matériaux locaux, mais aussi à l’identification ainsi qu’à la promotion de tous matériaux disponibles. Cette agence dont les textes sont en cours d’élaboration, jouera le rôle d’une véritable agence de promotion mais surtout de recherche.

Non seulement ils coûtent cher et ne sont pas de bonne qualité. Qu’est-ce que votre département peut faire dans ce sens pour améliorer la qualité des matériaux de construction ?

V.D : Votre question illustre bien que les nombreuses qualités des matériaux locaux sont méconnues des Burkinabé. Cela nous a été révélé auparavant à travers la campagne d’inscription au programme 10 000 logements sociaux. Seulement 13% des inscrits ont souhaité avoir leurs logements bâtis en matériaux locaux. Notre pays dispose de nombreuses potentialités en matières premières qui peuvent être exploitées pour la production de matériaux de construction à forte valeur ajoutée. Ces matériaux présentent des avantages substantiels à plusieurs niveaux. Je vous en donnerai juste quelques exemples :

Au plan économique, elles permettent :
D’accéder à un habitat décent à moindre coût ;
De réduire les coûts de construction par la réduction de l’utilisation des matériaux importés dont les prix sont généralement hors de portée.
De favoriser l’économie locale par la production à haute intensité de main d’œuvre locale et le développement d’un tissu de petites et moyennes entreprises.

Au plan social la promotion de ces matériaux permet :
- D’accéder à un habitat décent à moindre coût ;
- De créer des emplois ;
- De valoriser et de préserver les valeurs culturelles, les savoirs faire locaux, le potentiel touristique du pays.

A ces avantages, il faut ajouter d’autres : confort, protection de l’environnement… l’agence LOCOMAT s’emploiera à une véritable promotion des matériaux locaux, tout en approfondissant la recherche pour optimiser le rendement de son utilisation.

Le Burkinabè est très attaché à avoir sa propre parcelle et cela n’est-il pas un handicap sociologique sérieux ?

V.D : Vous avez parfaitement raison. Pas plus tard que la semaine dernière, un citoyen s’insurgeait à travers la presse contre le concept de logement locatif que nous développons au bénéfice des ménages à faibles revenus. C’est pourtant un passage obligé pour notre pays. Amusez-vous, vous-même à calculer 250m2 par le nombre de ménage au Burkina Faso. En ayant en conscience que le nombre de ménage augmente chaque année. Si chacun doit avoir sa propre parcelle, nos champs de maïs et de riz laisseront place à des habitations et nous vivrons d’eau fraîche.

On parle de plus en plus de guichet unique d’aménagement pour tout ce qui concerne l’habitation du Burkina Faso. Pourquoi et comment cela se fera-t-il ?

V.D : Vous faites certainement référence au centre de facilitation des actes de construire (CEFAC) qui a été mis en route le 15 mai dernier. Le CEFAC a pour mission de simplifier et de faciliter des procédures visant l’obtention des actes de construire. Je vous rappelle que les demandeurs devaient faire face à 32 procédures et plus de 200 jours pour accéder à un permis de construire par exemple. A cela s’ajoutaient les coûts exorbitants. Avec le CEFAC, le demandeur fournira en un même lieu et sur un document unique les déclarations auxquelles ils sont tenus par les lois et règlements en vigueur. L’ensemble des formalités liées aux actes de construire s’effectue aujourd’hui dans un délai maximum de 30 jours ouvrables, avec des réductions de coût de plus de 50%.

L’opération 10 000 logements sociaux a été lancée, quelle est la situation ?

V.D : Vous avez été des nôtres lors de la cérémonie de remise de clés aux bénéficiaires des 144 logements de la cité de l’espérance. Je saisis cette occasion pour renouveler mes remerciements à l’ensemble de la presse nationale qui nous a accompagné pendant l’exécution de la phase pilote du programme 10 000 logements sociaux. La remise de clés a marqué le couronnement de la phase pilote du programme 10 000 logements sociaux. Nous avons également lancé la tranche 2008 du programme qui consiste en la construction de 75 logements à Ouagadougou, 75 à Bobo Dioulasso, 50 à Koudougou, Fada N’Gourma et Ouahigouya. Ce qui fait un total de 300 logements avant fin 2008. La machine du programme 10 000 logements est en marche, et il faut s’attendre à une accélération du rythme de production de logements.

Jusqu’en mai 2006 on ne parlait que de schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme. Actuellement, il est davantage question de politique nationale de l’habitat et de développement urbain. Pourquoi cette mutation ?

V.D : Il ne s’agit pas d’une mutation, mais plutôt d’une évolution. Les SDAU ne suffisent pas pour régler les problèmes urbains dans un pays. Ce sont des limites évidentes. La politique a cet avantage de poser la question de l’aménagement et de la construction même de la ville. Derrière la politique, il y a des projets de société qui vont au-delà des questions d’aménagement de la ville. Disposer d’une politique sectorielle constitue une des premières activités de tout département. C’est dans ce cadre que notre département s’est mis en devoir d’élaborer en priorité la sienne.

La Banque de l’Habitat du Burkina Faso est peu connue et doit faire face à une concurrence féroce. A-t-elle des chances de réussir ses missions.

VD : À la différence des autres banques commerciales, la BHBF doit mobiliser des ressources sur le long terme. Il lui est assignée une mission spécifique qui est celle de soutenir la promotion immobilière et de la production de logement. Compte tenu de sa spécificité, la BHBF ne doit pas craindre la concurrence.

Le crédit de construction est aussi très cher. Que prévoyez-vous pour résoudre ce problème ?

V.D : Mais justement c’est pour cette raison que la BHBF a été créée. Elle est outillée pour accorder des prêts sur le long terme. La durée du prêt influe sur le coût de celui-ci.

L’amélioration des conditions de vie des ménages incombe à votre département, qu’est-ce qui sera fait à ce niveau ?

V.D : Non ! L’amélioration des conditions de vie des ménages n’incombe pas seulement au ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme. Bon nombre d’autres départements sont impliqués, tels que le département de la Santé, celui des Infrastructures et du Désenclavement, celui de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, celui en charge de l’Environnement et surtout les autorités municipales.

Quels sont les rapports entre votre département et les mairies quand on sait que ce sont ces dernières qui procèdent aux lotissements et aux attributions des parcelles.

V.D : En matière de lotissement les rapports entre notre département et les communes relèvent d’actions institutionnelles complémentaires. En effet les actions de notre département se placent en amont de celle des communes. Nous élaborons des SDAU sur la base desquels les communes ont la responsabilité d’élaborer les POS. Les communes prennent l’initiative des lotissements qui sont au préalable autorisés par le ministère qui en vérifie l’opportunité et la nécessité.

Jusque-là les opérateurs du privé qui interviennent dans le secteur de la vente de logements sont essentiellement tournés vers les plus nantis. Qu’est-ce que votre département peut faire pour qu’ils s’intéressent également aux logements sociaux ?

V.D : La loi sur la promotion immobilière qui est en cours d’élaboration va créer des avantages pour inciter les promoteurs à se lancer dans la production du logement social et accompagner le gouvernement dans sa production de logement. Ces avantages vont de la mise à disposition des parcelles aux avantages fiscaux.

Quel avenir pour la ville burkinabé ?

V.D : La ville burkinabé sera à l’image des conditions que nous saurons créer pour elle aujourd’hui. Il faut avoir en conscience que nous sommes à l’ère de l’urbanisation. Il faut créer les conditions favorables au développement urbain. Notre département travail le chaque jour à faire de nos villes des cités modernes, viables, et productrices de revenus.


Vincent Dabilgou : Un ministre dans son « biotope » !

D’aucuns ont souvent pensé que la fonction de ministre est hautement politique si fait que, la nomination au poste n’obéit pas toujours, ou forcément, aux compétences techniques de l’impétrant. Les réalités leur donnent raison d’autant que pendant longtemps sous nos cieux, on en a fait la chasse-gardée des politiciens qui jouent des pieds et des mains pour s’y hisser. Heureusement les choses sont en train de changer et on a aujourd’hui des ministres technocrates. Autrement dit, de gens qui ont le profil de l’emploi comme on dit. Ils sont là où il faut car ils connaissent véritablement le travail qui s’y mène et l’impulsion qu’on veut qu’ils y apportent.

Sont de ceux-là, M. Vincent DABILGOU, à la tête du département de l’Habitat et de l’Urbanisme. Une nomination qui rejoint ce que nombre de Burkinabè réclament à corps et à cris : « Mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ». A croire, diront certains, que le département a été créé pour lui, tellement son profil s’y colle. Ce jeune ministre a fait tout son parcours professionnel dans le sérail de TP ou tout ce qui y a trait. Son expérience professionnelle est éloquente. Depuis 2003, Vincent DABILGOU est consultant représentant le CDE (Centre pour le Développement des Entreprises) dans le domaine des matériaux de construction. On comprend dès lors pourquoi il fait de la valorisation des matériaux locaux un axe important de son action.

De son poste de directeur des Affaires Economiques et de l’Aménagement urbain de Ouagadougou, son acharnement et sa rigueur dans le travail lui vaudront l’estime de ses supérieurs, notamment le maire Simon COMPAORE, si fait qu’en 1998, il est choisi pour diriger les services techniques municipaux (DSTM). Ainsi, à tout ce qui touche au domaine de l’urbanisme et au développement dans la ville de Ouagadougou, depuis lors, il y a la touche de Vincent DABILGOU. En 1999, il est chef de projet du Programme prioritaire d’équipements marchands (PPEM), et membre du comité du transport urbain de la ville de Ouagadougou. De 2000 à 2003, il est chef de projet dans la création de la société de transport en commun, SOTRACO. En 2002, c’est lui encore qui est désigné pour coordonner le projet national de renforcement des capacités du PNUD (PRCCU/PNUD).

C’est de ce poste qu’il accède à celui de ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme depuis le 10 juin 2007. Son ministère n’existait jusqu’alors. Plus besoin de rappeler son action à la tête de ce département qui vient d’avoir un an d’existence. Tellement c’est visible. Marié et père de trois enfants, ce natif de Tissimi dans l’Est du Burkina, est connu pour son ardeur au travail. On dit de lui aussi, qu’il est méticuleux, fonceur. Avec ses collègues des transports (Gilbert OUEDRAOGO), de l’Environnement et du Cadre de vie (Salif SAWADOGO), de l’Alphabétisation (Ousséni TAMBOURA)…, c’est la jeunesse au service du développement du Burkina. Comme quoi aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années.

par Frédéric ILBOUDO

L’Opinion

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