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Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Cinéma : Lumière sur le studio-école

Publié le mercredi 30 juillet 2008 à 10h58min

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L’annonce de la création d’un studio-école de cinéma et de l’audiovisuel a été diversement interprétée par les professionnels du domaine. Des réticences se sont fait entendre d’autant plus que les cinéastes s’attendaient à l’érection d’un centre national de cinéma doté du statut d’EPA, selon les recommandations des états-généraux de 1997.

Pour l’heure, au bout de leur parcours du combattant, les financiers estiment que les exigences financières de la création d’un tel établissement qui soit viable ne sont pas réunies dans un environnement à réorganiser.

Le vœu des cinéastes obéit à leur souci de voir l’autorité opérer la séparation entre les structures administratives et celles de la production technique afin que la direction en charge du cinéma ne soit à la fois juge et partie. La direction générale de la cinématographie récemment mise en place répond à cette préoccupation. Elle a en effet, pour mission essentielle, la conception et la coordination de la politique nationale en matière de cinéma et de l’audiovisuel. Elle est chargée en outre, d’appliquer le règlement en vigueur et du contrôle des diverses activités du cinéma, y compris celles relatives au secteur vidéographique.

Tout observateur avisé peut constater aisément que le milieu du cinéma devient une jungle où le petit boucher du coin avec sa caméra numérique s’autoproclame cinéaste et braconne en piétinant la législation et les règles de l’art. Alors, adieu la qualité et vivent les genres qui nous éloignent de l’enracinement de la jeunesse dans sa culture nationale.

A la décharge de ces flibustiers, les professionnels eux-mêmes contournent les textes en vigueur, empruntent de courtes échelles pour ensuite, se rendre à l’évidence qu’ils ont nécessairement besoin de l’autorité administrative qu’ils vouaient aux gémonies.

Adapter la formation

L’un des tristes constats que l’on peut tirer de l’analyse de la baisse de qualité des films burkinabè est la difficile appropriation des outils numériques par les professionnels. L’Institut africain d’éducation cinématographique (INAFEC) a été la pépinière d’où a éclos la génération qui a fait l’âge d’or du cinéma burkinabè. Sa fermeture en 1986 a laissé un vide que les cinéastes et les responsables successifs du cinéma ont toujours eu a cœur de combler.

A partir de 1998, des programmes de formation (profis) ont été mis en place pour aboutir à la création officielle en 2007, d’un Institut supérieur de l’image et du son (ISIS). Cet institut à l’instar de l’INAFEC, a une vocation interafricaine. Il accueille à ce jour, une trentaine d’étudiants de huit nationalités qu’il forme de manière pointue à un BTS de cinéma et d’audiovisuel avec le concours d’enseignants nationaux, africains et des grandes écoles d’Europe.

Cependant, si la relève semble assurée, c’est le présent qui inquiète avec des professionnels qui ont du mal à gagner pleinement le passage de l’argentique au numérique. Concevoir un scénario, choisir les plans et les angles de tournage n’obéissent pas aux mêmes normes quand on utilise le 16 mn, le 35 mn ou le numérique.
Le cinéaste doit être capable d’une visualisation de son œuvre, de son rendu définitif selon le format utilisé.

Quel que soit le génie du cinéaste, si l’appropriation réelle de son outil de travail fait défaut, ce génie ne peut se manifester amplement.

Pour l’anecdote, des cinéastes au début de l’expérience des longs métrages numériques ont tourné dans des angles qu’il a fallu corriger quand il s’est agi de transférer du numérique sur le support argentique 35 mn (kinescopage).
La reprise de séquences entières dans les mêmes conditions, avec les mêmes acteurs, a grevé dangereusement leur maigre budget de production.

Les formations à l’écriture du scénario mais aussi au montage virtuel sur les stations numériques sont plus que indispensables. On ne monte plus les films en découpant aux ciseaux et en recollant. Certains mémoires d’étudiants et de professionnels sur les nouveaux outils de travail et les bénéfices que le cinéma et l’audiovisuel peuvent en tirer attestent qu’il était urgent d’élargir le champ de la formation.

Les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel manquent cruellement de formation continue . Les bourses de perfectionnement au compte-gouttes ne sont pas une solution. La création du studio-école rattaché à l’ISIS tout en étant autonome, évite la dispersion des énergies et permet l’élaboration d’une politique réfléchie de perfectionnement et de formation continue.
L’outil numérique évolue très rapidement et il est impérieux de s’adapter au mieux à cette évolution au risque d’être déphasé.

La formule du studio-école intègre le secteur de la production dévolu initialement à la Direction du cinéma. Un conseil et un comité de gestion indépendant seront institués, associant les sociétés de production pour la sélection des projets cinématographiques viables à produire afin de lui assurer une gestion et un fonctionnement à la fois transparents et impartiaux. Le matériel de production numérique en haute définition d’une valeur estimée à 350 millions, acquis avec l’Union européenne serait ainsi en de bonnes mains.

Les techniciens de cinéma reversés dans le studio-école sont appelés à exercer leur mission traditionnelle mais aussi à transmettre leurs connaissances à d’autres collègues en provenance des maisons de production de la place ou à offrir des formations à la carte. Les débats nourris qui ont été menés, ont clairement fait ressortir que l’objectif de création d’un centre national de la cinématographie en tant qu’institution demeure une nécessité à ne pas jeter aux calendes grecques.
Certains pays de la sous-région au faîte de ce qui se préparait au Burkina Faso, ont déjà mis en place de telles structures fortement dotées financièrement pour la relance de leur cinéma.

Si le Burkina Faso veut retrouver son aura d’antan et Ouagadoudou conserver son appellation de capitale du cinéma africain, des sacrifices financiers sont absolument nécessaires.
Le cinéma est à la fois art, commerce et industrie et nécessite des compétences multidisciplinaires pour sa viabilisation. Le cinéma coûte cher et nous devons l’avoir à l’esprit.

Emmanuel SAMA

Sidwaya

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