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Interpellation de Hannibal Kadhafi : Du fait divers à l’affaire d’Etat

Publié le lundi 28 juillet 2008 à 10h55min

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Hannibal KadhafiLes autorités suisses ne semblent pas avoir assimilé la leçon : on ne touche pas aux cheveux d’un fils du Guide libyen, fût-il en porte-à-faux avec la loi, sans s’attirer les foudres de Tripoli. A Genève, Hannibal Kadhafi vient de signer un autre fait divers qui a désormais valeur d’affaire d’Etat. Que son 4e rejeton ait été traité comme un citoyen au même titre que tout le monde et qu’il ait eu maille à partir avec la police suisse a été un plat de couleuvres que Maommar Kadhafi ne pouvait évidemment pas accepter. Et l’homme fort de Tripoli n’a pas tardé à sortir de ses gonds face à cette injure.

En représailles à la brève détention à Genève de son fils Hannibal, Kadhafi s’est fait fort d’annoncer l’arrêt de ses livraisons de pétrole à la Confédération helvétique et a aussitôt inculpé deux ressortissants suisses en Libye. Tripoli a même menacé d’aller plus loin si la Suisse ne classait pas dans les heures qui suivaient, l’affaire "montée de toutes pièces" contre Kadhafi fils. Des menaces qui ont certainement fait trembler les autorités suisses, elles qui ont tout de suite dépêché une délégation diplomatique à Tripoli pour des entretiens avec les responsables libyens aux fins d’apaiser la tension. Bien que certains experts en pétrole aient minimisé l’impact d’un arrêt éventuel des livraisons libyennes, estimant que la Suisse dispose d’autres sources d’approvisionnement, Genève a, visiblement, tenu à maintenir le lien avec Tripoli.

C’est qu’en arrière-plan, la Libye est le premier fournisseur en pétrole de la Suisse. Il aura donc suffi que le conseiller de la Compagnie libyenne de transport maritime crie à la brimade – Hannibal dit avoir été maltraité par la police lors de son arrestation- pour que le Guide libyen soit dans une colère noire. Une réaction de Tripoli somme toute disproportionnée, à en juger par les" mesures de rétorsion préoccupantes" envers les ressortissants suisses et les intérêts de la Confédération en Libye. Cette "offense" au fils du Guide libyen valait bien, aux yeux de la Libye, une seconde crise diplomatique, à l’image de celle survenue en 1997 lorsque Seif Al-Islam, un autre fils de Kadhafi, s’était vu refuser un visa d’études en Suisse. Liaisons aériennes réduites entre les deux pays, suspension de l’octroi de visas aux ressortissants suisses auxquelles il faut ajouter l’ordre donné aux entreprises helvétiques en Libye de fermer ; tout se passe comme si Hannibal Kadhafi n’a jamais été pour rien dans ses propres ennuis avec l’Etat helvétique. Ce qu’il serait difficile de croire, le fait étant que certains enfants de chefs d’Etat africains sont des habitués des frasques et autres inconduites dont raffolent du reste les médias à sensation.

Idriss Déby Itno junior décédé, Obiang Nguéma fils et bien d’autres "enfants gâtés" des républiques bananières que le patronyme et le fric ont amené à se croire tout permis, même loin de chez eux, ont toujours fait parler d’eux en mal finissant par troubler le sommeil de leurs géniteurs et alliés protecteurs. Seulement, l’Occident n’est pas l’Afrique où les plus forts peuvent brimer les plus faibles dans un climat ambiant d’impunité. Contrairement à l’Occident où la discrimination n’existe pratiquement pas devant la loi, en Afrique, l’ombre protectrice sous laquelle on s’abrite est généralement fonction de la qualité du parapluie d’impunité dont on bénéficie On est plus ou moins inquiété selon la qualité du parapluie. Face à des sociétés occidentales qui ne badinent pas sur la légalité et où les dirigeants doivent constamment tenir compte de leur opinion nationale, on comprend la difficulté de certains enfants de dirigeants africains à s’adapter parce qu’incapables de se conformer aux lois des pays qui les accueillent.

Hannibal Kadhafi est-il dans le même cas ? A-t-il des raisons de crier à la maltraitance ? On peut lui concéder cela, d’autant que bien des populations du Nord n’ont jamais intégré la notion d’hospitalité, et pire, se montrent de plus en plus hostiles à l’étranger. Que dire, a fortiori, quand ce dernier est en infraction ? Même là, le pays de Hannibal n’a aucune leçon à donner en termes d’égards pour l’étranger, la Libye s’illustrant par les traitements bien plus dégradants qu’elle réserve à ses immigrés indésirables. En attendant d’en savoir plus sur les tenants et les aboutissants de l’affaire Hannibal, force est de constater que Kadhafi est un personnage à problèmes. Le vieux leader est si caractériel, imprévisible que la sainte colère dans laquelle il est entré après l’interpellation de son fils, ne surprend personne. C’est du Kadhafi tout craché ! Il ne s’est jamais départi de l’idée qu’il peut tout se permettre y compris, lancer des piques à la communauté internationale et protéger ses rejetons excentriques après que son pays a réintégré le concert des nations. Il sait qu’il tient tout ce beau monde en raisons des énormes ressources pétrolières de son pays. Morale de l’histoire : en cette période de pétrole cher, les dirigeants des pays producteurs comme la Libye sont de vrais rois et leurs fils des princes.

"Le Pays"

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