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Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Etalons du Burkina : Les confidences de Paulo Duarte

Publié le lundi 28 juillet 2008 à 10h02min

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Il ne maîtrise pas très bien le français. Mais il est très clair dans ses idée. Il n’a pas d’état d’âme. Il dit ce qu’il pense et croit en ce qu’il fait. L’entraîneur portugais des Etalons, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est devenu, en l’espace d’un mois, un entraîneur respecté grâce aux performances des Etalons dans les éliminatoires CAN-Mondial 2010 : 4 matches, 4 victoires, 12 points, 9 buts marqués contre 4 encaissés. Seul, avec le Nigeria, à n’enregistrer aucune défaite jusque-là.

Le Burkina est sûr de jouer le second tour (il sera au pire des cas meilleurs 2e). A la faveur de la trêve, nous sommes allés à la rencontre de ce technicien à sa résidence à l’hôtel Sofitel Ouaga 2000 (qu’il devrait bientôt quitter pour la villa de la FBF à Ouaga 2000). Paulo Duarte a parlé de ses joueurs, du championnat national, de la presse, du ministère des Sports et de la FBF, sans oublier la suite de la compétition.

"Le Pays" : Etre le seul entraîneur avec celui du Nigeria à avoir aligné 4 victoires en 4 matches dans ces éliminatoires CAN-Mondial 2010. Qu’est-ce que cela vous fait-il ?

Paulo Duarte (Entraîneur des Etalons) : Je n’aime pas beaucoup parler de mon travail. Celui qui peut bien parler de mon travail, c’est le joueur. 4 victoires en 4 matches procurent un énorme plaisir. En toute chose, c’est le professionnalisme qui paie. J’ai donné ce que je sais faire. J’ai inculqué à mes joueurs toute la discipline et toute l’organisation nécessaires à de pareils résultats. Toute équipe, qui travaille sans relâche, a toutes les chances de gagner. En football, il y a 3 résultats possibles : la victoire, le nul et la défaite.

Quel est votre secret ?

Il n’y a pas de secret en football en dehors du travail, de la discipline et de l’organisation. On peut bien travailler sans pouvoir gagner, mais il faut toujours travailler. Pour gagner aussi, il faut une bonne collaboration avec la Fédération et le ministère des Sports. Ces deux structures ont bien accepté le nouveau visage que je veux imprimer à l’équipe. Le vrai problème des Etalons, c’était l’organisation. Avant, les joueurs n’avaient pas beaucoup de respect pour leurs responsables. Les conditions dans lesquelles les joueurs professionnels vivaient lorsqu’ils revenaient au pays pour les regroupements n’étaient pas des meilleures.

Ces derniers sont habitués à une organisation de vie dans leur club. Lorsqu’ils reviennent ici, il y a certaines choses qu’ils n’acceptaient pas. En ce moment, la volonté, la concentration et la détermination ne peuvent plus être les mêmes. Si un joueur ne mange pas bien, ne dort pas dans de meilleures conditions, s’il n’est pas bien dans la tête, il est certain qu’il ne peut pas être performant. J’espère que nous n’allons pas dormir sur nos lauriers car on n’a rien gagné d’abord. Si on se satisfait déjà de ce qui est fait et on se croise les bras, on va encore retourner dans les mêmes misères.

Quel travail psychologique exercez-vous sur vos joueurs pour qu’une telle bonne ambiance règne en leur sein ?

Sincèrement, c’est le respect. J’ai demandé aux joueurs de n’avoir que le respect entre eux. Je leur ai dit qu’ils ne peuvent pas progresser s’ils ne respectent pas leurs encadreurs et vice versa. Je pense aussi que le bon joueur doit avoir du respect pour sa profession. Le football est la meilleure profession du monde. Il y a des docteurs qui travaillent dans des banques ou des journalistes qui travaillent dans des magasins. Alors, ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent ou ce qu’ils savent faire parce que ce n’est pas sa profession. Mais le footballeur exerce pleinement sa profession. Si tout le monde respecte donc le groupe, tout le monde bénéficiera de tous les avantages.

Certains assimilent la victoire contre la Tunisie à Tunis, lors de la 1re journée, au fait du hasard. Pensiez-vous sincèrement avant ce match que vous réaliseriez une telle prouesse en Tunisie ?

Même un entraîneur à la tête d’une mauvaise équipe rêve toujours de faire un bon résultat. S’il y a un entraîneur qui ne pense pas ainsi, c’est mieux pour lui d’abandonner la profession. Je sais que la Tunisie est une grande équipe. C’est l’une des meilleures d’Afrique. Je sais aussi que je n’ai pas une grande équipe mais de bons joueurs. Le Burkina a beaucoup progressé dans le classement FIFA. De la 109e place, le Burkina est actuellement à la 64e place mondiale. En un mois, on a beaucoup gagné avec ces joueurs. Je pensais faire un bon résultat en Tunisie, même si logiquement cela était très difficile. Avant le match, je m’étais dit qu’un match nul allait être un bon résultat pour nous. Mais après la première mi-temps et quand bien même on était mené (1-0), j’ai dit qu’un nul n’était plus bon pour nous car j’ai senti que mes joueurs pouvaient gagner ce match. Ils ont fait une grande première mi-temps, ils avaient une grande concentration.

Je voyais déjà la force de mon équipe. C’est là que j’ai décidé de prendre des risques en faisant sortir un défenseur pour jouer un 3-4-3. Et voilà la grande victoire !

Il n’y avait donc pas de hasard ?

Tous ceux qui ont vu ce match et qui continuent de croire à de pareilles choses se trompent. Le Burkina a gagné la Tunisie avec tout le mérite. La Tunisie, dans ce match, a eu deux chances de but contre 3 à 4 chances de but pour le Burkina.

Qu’est-ce qui explique l’absence de certains joueurs tels Yahia Kébé et Aristide Bancé dans la sélection ?

J’avais convoqué 32 joueurs dont Aristide Bancé, Yahia Kébé, Tanguy Barro, Abdoulaye Soulama. De ces 32 joueurs, seulement 26 ont répondu présents au premier regroupement au Portugal. J’ai parlé personnellement à Yahia Kébé et à Aristide Bancé. Je leur ai dit que j’ai besoin de joueurs qui ont de la volonté à défendre les couleurs de leur pays, mais pas de bons joueurs sans détermination.

Les critères chez moi, c’est la volonté, puis la qualité du joueur. S’il y a un bon joueur qui n’a pas de volonté, je n’en veux pas.

De ces joueurs que j’ai cités, deux étaient blessés : Tanguy Barro et Abdoulaye Soulama. Les autres, je les ai appelés au téléphone une, deux, trois... 20 fois et personne ne m’a dit quelque chose. Je leur ai envoyé la convocation et c’est le même silence qui m’a été donné comme réponse. Je voulais des joueurs qui acceptaient de travailler. Logiquement, ce sont eux qui devaient m’appeler pour exprimer leur envie de jouer avec la sélection. Ce n’était pas à moi de les poursuivre comme je l’ai fait. C’est leur problème. C’est après que Aristide Bancé m’a téléphoné pour dire qu’il voulait venir. J’ai dit non pour l’instant. Il va attendre son heure parce qu’il y a beaucoup de joueurs qui veulent jouer. Il pourra peut-être intégrer la sélection une autrefois, mais en attendant, je dis non. C’est la même chose pour Yahia Kébé.

Pourquoi avez-vous aussi écarté Alassane Ouédraogo et Wilfried Sanou qui étaient du regroupement du Portugal ?

Ces joueurs reflètent toute l’organisation du passé à l’image de Kébé et de Bancé. Alassane Ouédraogo, par exemple, a travaillé 3 jours avec moi au Portugal. Entre-temps, il y avait le match de "Kimi foot" à Ouaga. C’était un match de la fête que je ne voulais pas faire parce qu’il n’était pas bon à jouer au regard de nos objectifs. C’était des voyages inutiles et les joueurs allaient être fatigués. Malgré tout, j’ai mis le nom d’Alassane sur une liste de joueurs pour Ouaga. Il a refusé d’aller jouer ce match que je ne voulais pas mais que je respecte à cause du pays. L’important pour nous c’était la Tunisie. Il a refusé. Je lui ai dit que s’il ne voyage pas pour ce match, il quittera le groupe. Il m’a dit qu’il va régler ce problème avec le ministre (ndlr, des Sports) et avec le président de la FBF. J’ai dit que c’est à moi de contacter ces derniers pour des problèmes, mais pas un joueur. C’est là qu’il a changé d’avis. Et c’est là que je lui ai dit d’aller jouer le match de Kimi foot et de rester en même temps à Ouaga.

La discipline est prioritaire chez moi. Je ne change pas de décision. Je sais que Alassane est un bon joueur, mais avec moi, c’est la discipline. Je peux peut-être faire des bêtises, mais c’est comme cela.

Quel est le comportement qui vous a donné le plus de satisfaction et de soucis au cours de ces 4 matches ?

Je suis satisfait de tout le monde. Le Burkina n’a pas les meilleurs joueurs d’Afrique. On n’a pas la meilleure équipe d’Afrique. Un équipe fonctionne avec des équilibres. Il y a un secteur mieux que l’autre, un joueur mieux que l’autre, c’est normal. On a tendance à accuser la défense. Pour moi, la défense a très bien joué. Il y a peut-être un bon joueur de la défense qui n’est pas totalement en confiance, qui manque d’agressivité, mais un joueur n’est pas tout un secteur. Je ne sais pas pourquoi la presse voit une défaillance de ma défense. Elle peut dire tout ce qu’elle veut de moi, mais je demande à tous de respecter mes joueurs.

Deux des buteurs des Etalons changent de club. Moumouni Dagano quitte la D1 en France pour le Qatar et Yssouf Koné quitte la Norvège pour un club moins huppé en Roumanie. Quelle est votre appréciation ?

Je trouve cela comme la récompense de mon travail. S’ils ont changé, c’est qu’ils ont leur raisons. C’est la décision du joueur qui compte. Le meilleur pour Dagano, c’est le meilleur pour moi. Je souhaite à ces deux joueurs une très bonne chance.

Vous considérez-vous comme un sorcier blanc, un chanceux ou simplement un entraîneur qui sait bâtir ses victoires ?

Il n’y a pas de secret en dehors du travail. Seuls les résultats permettent de juger un entraîneur. Je préfère un mauvais entraîneur qui gagne ses matches qu’un bon entraîneur qui les perd. Il faut se dire qu’on ne peut pas gagner tous les jours. Je n’aime pas parler de moi. Mes joueurs et le travail peuvent en parler.

Comment voyez-vous le second tour ?

Difficile. En football, le plus difficile c’est de faire mieux. Plus une équipe gagne, plus les supporters en demandent. C’est ça le football. Actuellement, pour toute l’Afrique, le Burkina a créé la surprise. Avec une grande humilité, je dois vous dire qu’actuellement, au Portugal, tout le monde parle du Burkina, parce qu’il a un entraîneur portugais, parce qu’il a des joueurs qui gagnent, parce que c’est la première fois qu’il a 4 victoires consécutives, etc.

Avec les bonnes performances actuelles, quel est votre objectif ? La CAN ou le mondial ?

Lorsque je signais mon contrat avec la Fédération, elle ne m’a rien demandé dans ce sens. Elle m’a simplement demandé de réorganiser le football burkinabè. Elle ne m’a pas exigé une CAN ou un mondial. Si nous arrivons à nous qualifier pour une de ces compétitions, ce sera tant mieux. Comme tout entraîneur, c’est bien de participer à ces rendez-vous. Ma victoire, ce n’est pas de gagner tout de suite. Ma grande victoire sera qu’en 2015, lorsque je serais retourné dans mon Portugal, le Burkina parle toujours de moi.

A mon arrivé, j’ai constaté une mauvaise organisation. Je n’ai pas peur de le dire : l’organisation du football burkinabè est très mal...

... Justement, vous devez avoir votre idée sur le championnat de D1 qui vient de prendre fin...

En effet ! J’ai vu 4 matches. J’ai décelé quelques bons joueurs. J’ai remarqué de bonnes comme de mauvaises choses. Il y a des joueurs qui manquent de discipline individuelle.

L’essentiel pour le Burkina est de donner une certaine compétitivité au championnat. C’est pourquoi j’ai mal quand je vois que des équipes descendre en D2 même quand elles ne sont pas les dernières du championnat. Je pense qu’il n’y a pas beaucoup de respect pour les joueurs. Que peut faire un joueur qui ne perçoit pas son salaire ? Il donne tout pour le football et il faut qu’il en vive, surtout qu’il n’a même pas un bon salaire. Souvent, il n’a rien pour manger en dehors des 4 mois de compétition. Il faut un championnat de 10 mois, même si on va prendre beaucoup d’équipes pour les répartir en deux groupes. Aucun entraîneur, dans les conditions actuelles, ne peut faire une planification adéquate. Je ne comprends pas qu’une équipe classée dernière de Ouaga ou de Bobo descende en D2. C’est mauvais. Le championnat exige une certaine compétitivité, une certaines qualité. Si cette qualité est à Ouaga, pourquoi réduire le nombre ? Si vous voulez un championnat pour contenter toutes les régions du Burkina, allez-y. Continuez à reléguer les 9e au classement et maintenez les 12e ou 13e ! Ne vous étonnez donc pas qu’il y ait baisse de qualité.

Comment jugez-vous l’apport des adjoints qui sont au nombre de 3 ?

Dans le football, aucun entraîneur ne peut travailler seul. C’est impossible, parce qu’il y a les volets observation, planification, organisation, dynamique d’entraînement, etc. Comment un seul entraîneur peut faire tout cela ? Mes adjoints comptent beaucoup pour moi et j’apprécie leur apport. Un entraîneur qui dit qu’il peut faire tout lui seul, c’est faire pour faire.

Avez-vous peur de perdre un match demain ?

Je sais que je ne vais pas gagner tous les jours. Mais j’aborderai tous les matches avec la détermination de les gagner. L’entraîneur qui a peur de perdre un match n’est pas un entraîneur. J’ai seulement peur de perdre la vie pas de perdre un match.

Quelle appréciation faites-vous du travail de la presse sportive du Burkina ?

Je pense football, je respire football. C’est ma profession que d’entraîner. La presse a la liberté d’écrire de dire tout ce qu’elle veut et je respecte sa position. Je sais que les journalistes font du bon travail. Les journalistes peuvent dire tout ce qu’ils veulent. Mais là où je n’accepterai pas, c’est s’ils manquent du respect pour mes joueurs. Ils peuvent tout dire sur moi, Paulo Duarte. Ils peuvent dire que je suis stupide, intelligent, âne, mais ils n’ont pas le droit de mal parler de mes joueurs. S’ils jouent mal, ce n’est pas parce qu’ils voulaient mal jouer. Je sais que les joueurs travaillent bien. Ils peuvent ne pas être bons, mais qu’ils travaillent bien. C’est normal que la presse mette la pression, mais en respectant les joueurs.

A quand le prochain regroupement et quels sont les matches amicaux en vue ?

Nous avons déjà pris des contacts et nous attendons des réponses. On ne veut pas jouer pour simplement jouer. Il se pourrait qu’on reparte au Portugal. Il y a aussi la piste marocaine. On attend.

Avez-vous déjà eu un contact avec le Président du Faso depuis que vous êtes là ?

En dehors de notre rencontre fortuite à l’aéroport de retour des Seychelles, je n’ai pas eu de contact avec lui. Je sais que c’est une personne très respectée des Burkinabè et de tout le pays pour le grand travail qu’il abat. Je sais qu’il est très fasciné pour le football qu’il connaît bien. L’essentiel pour nous est de savoir qu’il est avec nous. Je serai heureux le jour où il me donnera l’opportunité de le rencontrer.

Quelle appréciation faites-vous de votre collaboration avec le ministère des Sports ?

Fantastique ! Le ministre des Sports (ndlr, Jean Pierre Palm) fait beaucoup. Il essaie d’épauler toutes les disciplines sportives. Ce n’est pas facile. A tout moment, il essaie de nous donner une force supplémentaire. Sa présence en Tunisie a beaucoup fait du bien au groupe. Il essaie de voir comment on travaille pour changer les mentalités. Il est avec nous.

Et du côté de la Fédération ?

C’est la même chose que le ministère. Le président de la Fédération burkinabè de football (ndlr, Zambendé Théodore Sawadogo) est le meilleur président qu’un entraîneur souhaite avoir. Il est intelligent, attentif et compréhensif. Il est beaucoup tranquille. Il écoute beaucoup, il ne parle pas avec émotion, il analyse. C’est mon papa. C’est une grande personne.

Propos recueillis par Alexandre Le Grand ROUAMBA

Le Pays

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