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Conseil supérieur de la communication : Bienvenue, tantie Béa !

Publié le mercredi 23 juillet 2008 à 12h05min

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Béatrice Damiba

Depuis le 9 juillet dernier, Béatrice Damiba, jusque-là ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Burkina Faso auprès de la République d’Autriche, a succédé à Luc Adolphe Tiao à la tête du Conseil supérieur de la communication (CSC). Comme les professionnels de plus de 40 ans le savent, elle est du métier. Ceux qui ne le savent pas ont pu connaître ses états de service grâce à la presse. C’est à une doyenne que l’on aura affaire.

Cela étant, il est légitime de se demander si Tantie Béa ou Koro Béa, comme l’appellent ses intimes, est la personnalité qu’il fallait à ce poste. Avant de répondre à cette interrogation, il est important d’examiner les deux éléments constitutifs de tout individu, à savoir ses forces, d’une part, et, d’autre part, ses faiblesses, sans animosité et sans acrimonie.

Peut-être faut-il préciser que sur un plan purement subjectif, nous sommes ravi par cette nomination, car c’est une partie de nous-même que nous retrouvons au CSC, dans la mesure où c’est elle qui, en 1990, en tant que ministre de l’Information et de la Culture, nous a proposé à la nomination, par Blaise Compaoré, au poste de directeur des rédactions des Editions Sidwaya.

C’était la première fois que nous avions une telle promotion. Ce ne sont pas des choses que l’on oublie. Cependant, cela ne peut pas et ne doit pas éroder le souci de lucidité et de discernement dans la situation présente. Cela, pour deux raisons : d’un côté, en démocratie, il est impérieux pour les citoyens de faire l’effort de se dire les choses de manière honnête et sincère.

Nous ne prétendons pas que ce qui est nécessaire est forcément vrai. Nous sous-entendons seulement que les sentiments méritent d’être connus afin d’agir en conséquence ; de l’autre, le meilleur service que l’on peut rendre à un serviteur de la république, qui plus, est a été le premier à reconnaître votre mérite professionnel, c’est d’être ce conseiller informel qui attire son attention sur ses forces et (ce qui apparaît au moins comme) ses faiblesses.

Les forces de Béatrice Damiba

Nous avons connu la nouvelle président du CSC en pleine Révolution démocratique et populaire, mais, à cause des vicissitudes et des aléas de la vie, nous ne nous sommes plus revus depuis 1994. Ce que nous dirons d’elle, en bien ou en mal, peut relever de l’erreur de nos jours, car l’une des principales caractéristiques du genre humain, c’est le changement, aussi bien anatomique et physiologique que psychologique et caractériel.

Cela dit, Béatrice Damiba est une femme de principe et de rigueur, qui ne sait pas cacher ses sentiments et qui n’use pas d’euphémisme pour dire ce qu’elle pense.

Dans son rapport avec la politique, en même temps qu’elle exprime son indépendance d’esprit dans son univers politique, elle apparaît comme un des gardiens du temple face aux pourfendeurs du régime Compaoré. Parce qu’elle n’est nullement complexée par son appartenance au genre féminin, certains de ses camarades la considèrent comme une féministe quand elle tourne le dos.

Sur le plan humain, elle met un point d’honneur à être très proche de ses collaborateurs, aussi bien des points de vue professionnel que familial. Elle sait très bien couvrir les bévues et les bavures de ces derniers, au point de prendre des coups à leur place.

A ce propos, nous nous rappelons cet article de reportage, paru dans Sidwaya du 2 novembre 1990 et qui traitait de l’anniversaire de la création de l’armée burkinabè, fêté la veille. La photo de la une et celle de l’article en page intérieure ont été permutées tandis que les légendes sont restées telles.

Aussi, on avait comme légende à la une "Le camarade président du Faso, Blaise Compaoré, passant en revue les troupes". En fait de troupes, c’était des caïlcédrats, dont les troncs étaient peints en blanc. A l’intérieur, on avait la légende suivante :

"Le camarade président du Faso dans sa Jeep de commandement", alors qu’il passait en revue les troupes. Malgré les pressions qu’elle subissait dans le sens des sanctions, la ministre B. Damiba nous a dit tout simplement :

"Je ne peux pas excuser cette erreur, mais je comprends, car je suis passée par là. Tâche d’être plus attentif la prochaine fois. Pour le reste, je m’en occupe". Et les choses en sont restées là. Vous imaginez notre soulagement. Incontestablement, ce sont là des forces certaines.

Les faiblesses, ce sont là des forces certaines

D’aucuns estiment que ses principes et sa rigueur cachent mal une rigidité d’esprit et un rigorisme de mauvais aloi. C’est vrai que, dans certaines situations, elle a du mal à arrondir les angles ; tant et si bien que, même quand elle a raison, la manière de défendre ses idées font penser que, pour elle, elle prêche à des convertis. Or, c’est loin d’être le cas.

Dans la mesure où les principes sont déterminés dans le temps et dans l’espace, il va de soi qu’il faut, sans perdre son âme, travailler à les remettre au goût du jour tant dans la forme que dans le fond.

En plus de cela, le syndrome du templier guette la présidente du CSC, car les principes, la rigueur, la défense systématique et automatique de l’ordre en place peuvent être en déphasage avec la nécessité pour l’institution de régulation de la communication de prendre du recul, de tenter de concilier les différents acteurs du monde de la communication, de faire intérioriser par les journalistes les questions d’éthique et de déontologie avec finesse et de jouer le rôle d’interface au service du progrès dans le monde de la communication.

Par ailleurs, le fait de chouchouter (à la limite), à la manière d’une mère poule, certains de ses collaborateurs (amis politiques ou non) est parfois rapidement perçu par ses détracteurs dans le milieu des journalistes comme du sectarisme. Et ce n’est pas tant la véracité d’un tel jugement que les conséquences négatives qu’il peut engendrer sur les actions de B. Damiba qui importent.

L’autre faiblesse est que, pour nombre de personnes qui ont travaillé avec elle ou sous sa responsabilité, elle se fierait aux ragots que les milieux journalistes véhiculent sur x ou y. Conséquence : elle lèserait ceux qui n’ont pas les faveurs desdits ragots.

Enfin, si le fait d’avoir vécu près de quatorze ans en dehors du Burkina la situe, a priori, au-dessus des clans, il reste qu’il peut se révéler un inconvénient, car, entre-temps, beaucoup de médias ont vu le jour, le nombre de communicateurs a augmenté de manière exponentielle et ceux qu’elle connaît n’excèdent pas une vingtaine contre des centaines sur le terrain.

Au-delà de leur nombre, leur mentalité a changé : plus grande liberté de ton depuis la crise consécutive à l’assassinat de Norbert Zongo, un goût prononcé pour le "gombo", une perception du monde marquée par la précarité de leur emploi...

Le profil est ok, mais l’acclimatation est un impératif

On vient de le voir : Béatrice Damiba n’est pas en deçà de l’emploi. Pour autant, le pari n’est pas gagné d’avance, au regard de ce que nous croyons être ses faiblesses.

Celles-là ne sont pas des obstacles insurmontables. Elle doivent être converties en défis à relever. Et, chacun le sait, tout défi relevé est un pas sur le long chemin du progrès.

Quelque part, il ne tient qu’à elle, une fois consciente de ce qui l’attend, de mettre à contribution la crème du métier pour prouver son souci de rassembler et de faire sédimenter le maximum de compétences au profit du CSC et dans le cadre de la mise en œuvre de sa lettre de mission.

Cela est d’autant plus urgent que beaucoup de ses illustres confrères sont à l’affût, attendant le moindre faux pas pour accréditer la thèse selon laquelle "Béa reste Béa". Après le pionnier Adama Fofana, le "développeur" Luc Adolphe Tiao, il faut espérer avoir une Béatrice Damiba consolidatrice.

Si elle y parvient, elle aura contribué à faire démentir la croyance selon laquelle ceux qui ont vécu pendant longtemps hors du Faso ne font ni de présidents d’institution dynamiques ni de ministres efficaces ; même si par ailleurs, ceux qui sont les hérauts de telles croyances ourdissent, dans certains cas, des complots pour que lesdits présidents ou ministres échouent.

ZK

L’Observateur

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