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Carte blanche sur le Zimbabwe : “Le début de la fin” du régime de Robert Mugabé

Publié le jeudi 10 juillet 2008 à 09h11min

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La semaine dernière, Mugabe s’en est pris ouvertement à la communauté internationale en affirmant que ses membres "pourraient crier aussi fort qu’ils le voudraient", cela ne changerait strictement rien à l’organisation des élections prévues dans le pays puisque c’était au peuple qu’il revenait de décider. Il m’est très difficile de partager, ne serait-ce qu’en partie, le point de vue de Robert Mugabe.

La démocratie, c’est effectivement la voix du peuple qui se fait entendre et respecter. On peut affirmer sans se tromper que Mugabe a choisi d’étouffer cette voix démocratique.

N’oublions pas que le leader de l’opposition (MDC), Morgan Tsvangiraï, a remporté le premier tour des élections à la fin du mois de mars. Mugabe et ses partisans peuvent certes penser que cet appel retentissant au changement peut être balayé d’un simple revers de la main dans le climat de chaos et de terreur qui règne actuellement au Zimbabwe, mais ils se trompent. Le peuple zimbabwéen, lui, n’oubliera pas cet appel. Et nous non plus. Le samedi 29 mars a marqué le début de la fin de ce régime. L’attitude de Mugabe, qui se présente comme un héro de l’anticolonialisme, lui a certes valu, à une époque, une certaine popularité au Zimbabwe et dans toute l’Afrique, mais ne dupe plus personne aujourd’hui. Les voix africaines de la démocratie et de la justice se font désormais entendre.

Je voudrais aussi faire remarquer calmement à M. Mugabe que la communauté internationale n’a pas besoin d’élever la voix, car la vérité, même murmurée, parvient à se faire entendre.

La vérité, c’est que la communauté internationale continuera à soutenir le peuple zimbabwéen par ses actes et pas seulement par ses paroles. L’homme de la rue, au Zimbabwe, compte sur la communauté internationale et attend d’elle qu’elle maintienne la pression sur Mugabe et ses partisans.
Un des signaux les plus clairs de notre intention d’agir de la sorte serait de nous engager publiquement à mettre en place, en collaboration avec nos partenaires africains, un programme d’aide pour l’après-Mugabe.

Bien entendu, plusieurs scénarios peuvent être envisagés, notamment une certaine forme de gouvernement de transition. Lorsque viendra le temps du changement - le plus tôt possible, je l’espère -, la seule certitude que l’on aura sera que le futur gouvernement légitime, quel qu’il soit, se trouvera face à une tâche incommensurable de reconstruction d’un État littéralement mis à genoux après avoir été négligé pendant des années. Des millions de personnes sont sur le point de mourir de faim, situation aggravée par la récente décision de Mugabe d’empêcher la distribution de l’aide humanitaire accordée par la Commission européenne pour sauver des vies. L’économie est à bout de souffle. L’inflation a dérapé et le chômage est davantage la norme que l’exception. En dépit de tout cela, je reste sincèrement convaincu que le Zimbabwe est capable de surmonter cette crise, à condition que l’Afrique, l’Europe et le reste de la communauté internationale soient disposés à l’y aider.

La Commission européenne est, au nom de l’UE, le principal bailleur de fonds en faveur du peuple zimbabwéen l’année dernière, elle a fourni une aide de plus de 90 millions d’euros allant de l’aide d’urgence à la couverture des besoins fondamentaux dans les secteurs de la santé et de l’éducation.
Permettez-moi de profiter de l’occasion pour assurer aux citoyens du Zimbabwe que nous sommes prêts à les aider lorsque viendra le temps du changement, quel qu’en soit le prix.

Dans le cadre du Fonds européen de développement, la Commission européenne dispose d’au moins 250 millions d’euros qu’elle se tient prête à mobiliser pour aider à la stabilisation du pays. Ces fonds pourraient être principalement orientés vers le soutien aux hôpitaux, aux écoles ou au secteur agricole, qui faisait autrefois la fierté de la nation. Il va de soi que nous collaborerions avec nos partenaires de la CDAA et de l’Union africaine pour identifier les autres grands secteurs de l’économie dans lesquels notre appui financier, structurel et programmé pourrait être utile. Une des priorités consistera à négocier un allégement substantiel de la dette du pays, afin de libérer tout nouveau gouvernement légitime des dettes considérables accumulées par le régime Mugabe. Il ne s’agit là que de quelques-unes des raisons concrètes pour lesquelles j’aimerais encourager les autres bailleurs de fonds internationaux à déclarer publiquement, aujourd’hui, qu’ils sont prêts à apporter une aide conséquente et immédiate au Zimbabwe au lendemain d’une transition vers la démocratie.
Mais si la communauté internationale doit continuer à afficher sa solidarité envers les citoyens du Zimbabwe, c’est aussi pour une raison bien plus fondamentale, et plus politique. Aujourd’hui, dans les rues d’Harare comme dans les campagnes, le peuple zimbabwéen a besoin de savoir qu’il existe une vision pour son avenir et que tout gouvernement de transition, quel qu’il soit, recevra le soutien dont il aura inévitablement besoin. L’homme de la rue, au Zimbabwe, a besoin de savoir que sa vie peut s’améliorer. Il a besoin d’espoir.

De telles déclarations publiques pourraient aussi tout simplement contribuer à faire renaître, chez les partisans de Mugabe, l’idée qu’il puisse exister une alternative à la violence brutale exercée contre leurs semblables, hommes ou femmes. En somme, même eux pourraient de nouveau être capables de penser qu’ils peuvent aider à forger un avenir plus radieux pour leur pays.

Alors que le Zimbabwe gît, exsangue, meurtri par la poigne de Mugabe, le pays doit savoir qu’il est entouré d’amis prêts à lui venir en aide, tant en Afrique australe et au sein de l’Union africaine que, bien évidemment, chez nous, en Europe.
II est primordial que nous continuions de répéter notre message de réconfort et de soutien durant cette phase de coma, aussi bien démocratique qu’économique, que traverse le Zimbabwe.

Et je redirais à M. Mugabe que nul besoin de crier pour nous faire entendre, car même dans un pays dans un tel état de désespoir, la vérité parvient à se frayer un chemin. Et cette vérité, c’est que la communauté internationale se tient prête à agir aux côtés d’un futur gouvernement légitime, quel qu’il soit.
C’est exactement ce genre de message positif, porteur d’espoir de changement, d’espoir d’une vie meilleure, que Mugabe craint le plus.

Louis Michel
Commissaire européen à la coopération,
au développement et à l’aide humanitaire

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