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Nommination de Djibril Bassolé au Darfour : Un autre “combat” à gagner

Publié le jeudi 3 juillet 2008 à 16h26min

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Djibrill Bassolé et Ban Ki-moon

Le chef de la diplomatie burkinabè a été fait lundi dernier, médiateur conjoint ONU-UA dans la crise au Darfour. Représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, Djibrill Bassolé tentera d’imprimer les vertus du dialogue direct, une trouvaille burkinabè qui a jusque-là produit des effets escomptés dans les différentes crises pour lesquelles on l’a expérimenté.

Quoi que l’on puisse dire, la diplomatie burkinabè se porte bien. Après les anciens ministres Youssouf Ouédraogo, nommé conseiller spécial du président de la Banque africaine de développement (BAD), Jean de Dieu Somda, vice-président de la Commission de la CEDEAO, Ablassé Ouédraogo, conseiller spécial du président de la Commission de la CEDEAO sur les Accords de partenariat économique (APE) et surtout, l’élection du Burkina Faso comme membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, le « pays des hommes intègres » vient de frapper un autre grand coup.

Djibrill Bassolé, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale a tapé dans l’œil du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon qui l’a nommé le 30 juin 2008, médiateur en chef de l’ONU et de l’Union africaine (UA) au Darfour. M. Bassolé sera basé à El-Facher, chef-lieu du Darfour Nord, où est installé le quartier général de la MINUAD, la force mixte ONU-UA au Darfour. Selon la porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Michèle Montas, sa nomination était attendue depuis plusieurs mois compte tenu de l’enlisement des pourparlers de paix entre d’une part, le gouvernement soudanais et les multiples factions rebelles du Darfour, d’autre part.

Le désormais ancien ministre (puisqu’il doit quitter le gouvernement) sera assisté dans sa tâche de l’ancien secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), le Tanzanien Selim Ahmed Selim et du Suédois Jan Eliasson. Toutes les puissances étrangères, l’ensemble des organisations régionales et internationales, les pays voisins, bref, toute la communauté humaine éprise des idéaux de paix fonde ses espoirs sur notre pandore pour ramener la paix dans cette partie du continent africain, deux fois plus grande que la France, en proie à une guerre civile qui dure depuis plus de cinq ans maintenant. Les chiffres onusiens en disent longs sur le drame humain qui s’y déroule. Au moins deux millions de personnes tuées depuis le début du conflit, plus de six millions de déplacés et de réfugiés.

Ce sont ces atrocités que l’action du Burkinabè doit viser à stopper. En d’autre terme, la mission du ministre Bassolé est de réussir là où Tripoli, Abuja ou Dakar ont échoué. Ramener sur la même table de discussions une dizaine de factions et le pouvoir central de Khartoum afin de trouver des solutions consensuelles à leurs différends.

Les atouts du “pandore”

Pour ceux qui connaissent cet officier supérieur de la gendarmerie nationale, adepte du purisme dans ce corps, rien n’est impossible. Le colonel Djibrill Bassolé est rompu dans l’art des négociations. Acteurs clés lors des discussions entre la rébellion touareg et le pouvoir central de Niamey dans les années 90, M. Bassolé a surtout forgé ses armes au Togo où en 1993-1994, il était assistant du ministre de l’Intégration d’alors, un certain Me Hermann Yaméogo pour les discussions intertogolaises. On dit de l’ancien chef d’Etat major de la gendarmerie burkinabè qu’il connaît bien les rues de Lomé comme les artères de Ouagadougou. C’est d’ailleurs en tant que tel, qu’il devient en juin 2006, le principal assistant du président Blaise Compaoré lors du dialogue intertogolais qui a abouti à la signature de l’Accord politique global intertogolais en août de la même année. En Côte d’Ivoire, M. Bassolé a conduit de bout en bout, le dialogue direct entre le président Laurent Gbagbo et le chef de la rébellion des Forces nouvelles (FN), Guillaume Soro.

Sur le plan du contact interpersonnel, son calme olympien lui donne une ascendance sur ses interlocuteurs. C’est à lui, semble-t-il, que le président Compaoré avait confié la redoutable tâche d’annoncer à l’ancien gouverneur de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Charles Konan Banny qu’il ne serait plus Premier ministre du gouvernement ivoirien.

De ce dossier ivoirien, M. Bassolé s’était engagé corps et âme pour accoucher de l’Accord politique de Ouagadougou en mars. Même quand les choses ont failli capoter, avec Désiré Tagro, il a gardé son sang-froid. « Ça coince, mais on doit pouvoir arriver à un accord », aimait-il à répéter aux journalistes qui faisaient le pied de grue pour arracher quelques mots des discussions qui se déroulaient en secret entre l’hôtel des deux délégations et la présidence du Faso.

Homme des missions secrètes, M. Bassolé est reparti au Niger en 2008 pour proposer au général Mamadou Tandja de prendre langue avec « ses bandits » (les rebelles touateg). Il était aussi en Guinée, en Centrafrique, puis justement au Tchad et au Soudan pour tenter de convaincre Idriss Déby Itno et le général Omar El Béchir d’accepter la paix. Ce n’est donc pas sur un terrain inconnu que Ban Ki-moon envoie ce pandore de 51 ans. Son principal ennemi ne sera pas les factions elles-mêmes, mais les intérêts et les puissances qui sont présentes sur le terrain par des soutiens divers. Washington, Pékin et les pays de l’Union européenne de façon générale ont des vues opposées sur la résolution de la crise.

Le président Georges Walker Bush, qui a qualifié de génocide le drame qui se déroule au Darfour, a été le premier a soutenir publiquement la nomination de Djibrill Bassolé. En effet, le porte-parole du département d’Etat, Tom Casey a déclaré mercredi dans un communiqué que « nous nous engageons pleinement à assurer le succès du médiateur et nous continuerons à apporter notre soutien au processus politique au Darfour afin de parvenir à un accord de paix global ». Un soutien qui doit faire grincer des dents Pékin, accusé de soutenir aveuglément Khartoum pour son pétrole et ses minerais.

De l’autre, la Grande Bretagne et surtout la France qui joue un rôle important dans la région, tenteront d’avoir leur mot à dire sur la conduite de la mission du médiateur en chef. Paris, on le sait, soutient le régime d’Idriss Déby Itno qui accuse régulièrement Khartoum de soutenir la rébellion qui a failli s’emparer de N’Djamena. De même, M. Béchir accuse son voisin tchadien de soutenir les factions rebelles qui écument le Darfour. Il faudrait au ministre une dose supplémentaire de stoïcisme pour ne pas se faire happer par les intérêts géopolitiques et géostratégiques dans la région.

Romaric Ollo HIEN

Sidwaya

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