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Chefs d’Etat africains : Mettre fin à la solidarité sélective

Publié le mercredi 2 juillet 2008 à 10h54min

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Le 11e sommet des chefs d’Etat de l’Union africaine a pris fin à Sharm El-Sheikh sur les bords du Nil, ce grand fleuve mythique qui traverse plusieurs pays et nourrit des millions de personnes sur son parcours. Ses eaux sont comme une denrée vitale pour tous les pays qui l’ont en partage. Sa gestion demande un esprit de partage et de solidarité selon que l’on soit en aval, en amont ou dans son delta.

Le problème de l’accès à l’eau était un des principaux dossiers à l’ordre du jour de ce sommet, à l’heure où les changements climatiques obligent à des efforts d’adaptation et de gestion des ressources naturelles. Mais comme à chaque sommet, l’actualité a ravi la vedette aux sujets au menu. Comme dans un scénario réglé par des orfèvres, Robert Mugabe, après son investiture, y a débarqué dans ses habits neufs de nouveau président élu. L’homme a été littéralement adoubé par ses pairs. Omar Bongo Odimba, le Gabonais, comme à son habitude, a dit tout haut ce que bien d’autres n’en pensent pas moins en secret : il a été élu, et après ?

Il y a ceux qui, certainement, ont des récriminations vis-à-vis de l’attitude du vieux Bob mais qui n’osent pas le dire publiquement, diplomatie oblige. Ce sommet vient de montrer qu’entre les têtes couronnées de l’Afrique, une forme de solidarité existe. Le silence embarrassé de ses voisins de la SADEC en dit long sur la délicatesse du sujet. Un chef d’Etat en activité aura toujours le soutien de ses pairs, jusqu’au jour où il n’exercera plus la fonction suprême.

Si certains chefs d’Etat n’ont pas ouvertement soutenu Mugabe, ce n’est pas pour autant qu’ils ont applaudi l’action de l’opposant Morgan Tsvangiraï, qui a su s’allier la sympathie de l’ancien colon. Le pouvoir de Harare a toujours dénoncé une collusion entre l’opposant et les puissances étrangères.

Le cartel des chefs d’Etat africains a légitimé Robert Mugabe, pour ainsi dire. Il ne faut donc pas compter sur eux pour quelque sanction que ce soit comme le souhaite l’Administration Bush. Ils ne tireront dans les pattes du dirigeant zimbabwéen.

Quand il s’agit de leur fauteuil, ils ont en commun la solidarité entre pairs. Tout regard extérieur dans le sens d’un rappel à l’ordre est perçu comme une ingérence.

Mais cette belle unanimité et la solidarité avec un des leurs fait défaut sur d’autres sujets qui engagent l’avenir du continent parce que touchant au quotidien de millions d’Africains.

Contre l’immigration choisie ou pas ? On ne les a trop entendus. Sur les Accords de partenariat économique, il a fallu que la société civile tire les dirigeants africains de leur torpeur. Même là, cette "résistance" conduite par les ONG africaines et internationales a été mise à rude épreuve par la désolidarisation de quelques pays, au nom de leurs intérêts propres. Idem pour la question du coton où on n’a pas beaucoup senti le soutien des pays producteurs de café-cacao aux cotonculteurs africains. L’unité que prône l’UA sera une vue de l’esprit tant que sur les dossiers économiques de ce type, les Etats ne feront pas chorus.

Bien entendu, il n’y a pas que les enjeux économiques. L’épineuse question du respect des droits de l’homme reste entière. L’engagement pris en fanfare pour interdire les coups d’Etat est désormais aux oubliettes. Ceux qui l’ont pris ne sont pas capables de créer les conditions d’une bonne gouvernance politique dans leur propre pays. Que vaut aujourd’hui cette fameuse résolution anti-coup d’Etat ? Des présidents putschistes ont été introduits dans la grande famille de l’UA, sans difficulté. L’essentiel est que le nouveau venu soit adoubé par des parrains influents. Le président kényan "trônait" ainsi en bonne place du dernier sommet, malgré le millier de morts qu’il a sur la conscience et le hold-up électoral qu’il a perpétré. A ce sujet, les Occidentaux n’y trouvent rien à redire. C’est plutôt la participation de Mugabe qui paraît inacceptable. Curieux arbitres de la démocratie africaine que ces puissances, dont la partialité saute aux yeux ! Tout se passe comme si leur conduite est dictée selon que le joueur rencontre ou pas leur sympathie ! Les dirigeants africains, d’une certaine façon, ont voulu dénoncer cette injustice, en accueillant le "pestiféré de Washington et de Londres". Pourvu qu’ils puissent un jour aller en rangs serrés pour résister aux programmes économiques qui leur sont imposés, par institutions financières interposées.

"Le Pays"

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