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Zimbabwé : l’UA à l’épreuve

Publié le lundi 30 juin 2008 à 12h47min

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La mascarade électorale est allée à son terme et sans surprise, Robert Mugabé a été déclaré dimanche vainqueur au deuxième tour de l’élection présidentielle. Seul candidat en lice après le retrait forcé de Morgan Tsvangirai qui l’avait largement devancé au premier tour avec 47,9% contre 43, 2% pour Mugabé, l’autocrate de 84 ans a recueilli 90,2% des suffrages exprimés selon les résultats publiés par la Commission électorale.

Et au cours d’une cérémonie précipitamment organisée qui rappelle étrangement l’investiture de l’usurpateur Mwai Kibaki au Kenya en décembre dernier, il a prêté serment pour un mandat de cinq ans, jurant sans rire, de « servir ce pays au poste de président avec soin et sincérité. Que Dieu me prête assistance ».

Voici donc Mugabé parti pour un nouveau mandat, mais cette fois, drapé beaucoup plus de la légitimité divine que celle de son peuple, lui qui croit que « seul Dieu peut lui retirer le pouvoir ». Comme l’a souligné le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, « le résultat de l’élection au Zimbabwé n’a pas reflété la volonté du peuple zimbabwéen, ni produit un résultat légitime ». Plus tôt, les observateurs de la Southern African Development Community (SADC) avaient déjà estimé que la volonté du peuple n’avait pas été respectée au second tour. Mais sourd aux critiques, Robert Mugabé a pris son avion pour se rendre à Charm El Cheikh, en Egypte où s’ouvre aujourd’hui le sommet de l’Union africaine (UA) consacré à l’eau à l’assainissement.

Le cas Mugabé place l’institution africaine devant ses responsabilités. Elle a l’occasion de prouver aux rares personnes qui lui accordent encore leur confiance qu’elles n’ont pas tort. Après avoir failli au Togo en avril 2005 et au Kenya en décembre dernier, l’UA va t-elle se démarquer nettement de cette farce électorale ?

Sans ambiguïté, les observateurs du parlement panafricain ont jugé que le scrutin n’a été ni libre ni équitable. « L’atmosphère qui règne actuellement dans le pays n’a pas été favorable à la tenue d’élections démocratiques libres et équitables », a affirmé Marwick Khumalo, le chef de mission des observateurs. Sauf à désavouer ses propres observateurs, l’UA n’a d’autre choix que de déclarer l’illégitimité du pouvoir de Mugabé. Aura t-elle le courage de le faire ? Rien n’est moins sûr. Malheureusement le ridicule ne tue pas, et sans être chaleureusement accueilli en Egypte, le gâteux gérontocrate zimbabwéen à la moustache hitlérienne sera admis aux côtés de ses pairs durant les travaux, ce qui revient à le légitimer. Le héros de l’indépendance qui a depuis lors épuisé son contenu historique aura ainsi obtenu à l’UA ce que ses concitoyens lui ont clairement refusé.

Une fois de plus, le cas Mugabé révèle tragiquement la vacuité l’UA et l’incapacité des dirigeants du continent à respecter leurs propres engagements. Comme hier au Kenya, on s’achemine vers la formation d’un gouvernement d’union nationale, un bricolage qui sape l’enracinement de la démocratie sur le continent africain.

Le cas Mugabé invite également à repenser les fondements même de l’Union africaine. Son fonctionnement actuel repose sur un continentalisme, un droit naturel qui octroie d’office le statut de membre à tous les pays du continent alors que le panafricanisme est un projet politique reposant sur des valeurs librement consenties. Le simple fait d’être un pays africain ne saurait suffire pour être membre à part entière de l’UA. Qu’y a t-il de commun entre le démocrate ghanéen John Kuffuor et le dictateur Mugabé ? L’adhésion à l’UA qui, faut-il le rappeler a été bâtie sur le modèle européen, doit reposer sur la primauté du droit, la liberté d’expression et le respect de la volonté populaire.

Assez des dénis de démocratie avec ces arrangements pos-électoraux qui permettent aux candidats vaincus de toujours demeurer au pouvoir.

Joachim Vokouma
Lefaso.net

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