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Mesures gouvernementales contre la vie chère : La grosse arnaque !

Publié le vendredi 27 juin 2008 à 11h40min

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Au lendemain des émeutes contre la vie chère qui ont ébranlé les villes de Bobo Dioulasso, de Banfora, de Ouahigouya et de Ouagadougou, le gouvernement burkinabè avait mis en train un ensemble de mesures qui avaient pour but de faire baisser les prix des denrées de grande consommation. Au nombre de des mesures prises, il y avait notamment la suspension des droits de douanes et des taxes sur le riz, le lait, les farines, etc., pendant une période de trois mois qui a été prolongée à six mois. Des délégations ministérielles avaient été dépêchées aux quatre coins du Burkina pour expliquer aux leaders d’opinion la situation et les mesures prises par le gouvernement pour y faire face.

La suspension des droits de douanes et la non-taxation d’un produit comme le riz, devait, selon les prévisions des techniciens installés dans leurs bureaux climatisés, doper les importations. Les grandes quantités de riz importées devaient conduire à une baisse des prix par le simple jeu de l’offre et de la demande. C’était une vue de l’esprit, des prévisions et des projections de techniciens isolés dans leur tour d’ivoire. Quelque trois mois après la mise en oeuvre desdites mesures, dans les magasins, les boutiques et sur les étals, les prix n’ont nullement régressé. Au contraire, ils grimpent chaque jour que Dieu fait. Comme au début de la flambée des prix, les consommateurs sont laissés à eux-mêmes. Que sont devenues les boutiques témoins ?

Les populations, les consommateurs, peuvent donc légitimement penser que les mesures décidées au sommet de l’Etat n’avaient pour but que de permettre aux importateurs de s’enrichir facilement sur le dos des consommateurs. Et quand on sait qu’un nombre très limité de personnes ont le monopole de l’importation du riz, on ne peut pas s’empêcher de penser qu’il s’agit d’une vaste opération montée de toutes pièces par les milieux politiques au profit de leurs alter ego des milieux d’affaires. Une monstrueuse collusion pour piller le peuple et l’affamer ? Depuis la fin des tournées ministérielles, personne - ministres ou techniciens- n’est retourné vers les populations pour leur faire le point de la réussite ou de l’échec des mesures qui ont été prises. Par exemple, que perd l’État ? Que gagnent les opérateurs économiques ? Cette attitude ne surprend pas, elle est une constante chez bien des gouvernants africains : quand la tension sociale monte, ils se disent prêts à tout faire pour l’apaiser ; mais dès que celle-ci baisse, ils oublient les promesses faites.

Des mesures spéciales ont été prises pour répondre aux questions que soulevait une situation tout aussi spéciale. Il fallait un suivi pour voir si les mesures prises sont respectées ou pas. Ce n’est pas la mer à boire ; il a manqué ici la volonté, et dans le cas d’espèce, de l’intérêt pour le sort des populations. Pourquoi refuse-t-on de réveiller les brigades de prix qui connaissent mieux que quiconque ce milieu des affaires ?

Dans cette histoire, le gouvernement a fait confiance aux opérateurs économiques. Mais tout le monde sait que dans leur milieu, la seule loi qui vaille, c’est celle du profit maximum. A situation spéciale, mesure spéciale. Le gouvernement qui n’ignore pas la mauvaise foi de certains opérateurs économiques dans cette situation critique, aurait pu s’arroger le droit d’importer du riz qu’il revendrait à un prix accessible, au lieu de livrer les consommateurs aux commerçants. Pourquoi jouer avec des gens qui ne respectent pas les règles du jeu ? Les salutaires expériences comme celle de la Caisse générale de péréquation, de Faso yaar et de l’Economat de l’Armée nous reviennent à l’esprit. L’Etat doit penser à la création de centrales d’achat pour un certain nombre de produits sensibles. On a l’impression, à l’analyse, que dans cette affaire de vie chère, l’Etat s’est beaucoup soucié de la disponibilité des produits plutôt que de leur accessibilité par le consommateur. De ce côté, on pensait que les structures de défense des consommateurs joueraient leur rôle de veille en interpellant sans cesse l’Etat sur ses devoirs de protection des consommateurs. Ce ne semble pas être le cas jusque-là.

Dans la lutte contre la vie chère, on a avancé l’idée d’une production nationale pour couvrir au moins les trois-quarts des besoins nationaux. Il s’agit là d’un discours politique. Que faisait le Burkina depuis 1960, pour se réveiller brusquement en 2008 et s’apercevoir qu’il pouvait produire assez de riz pour couvrir une part de ses besoins ? En tous les cas, pour la campagne agricole 2008-2009, les choses ne seront pas faciles, la saison des pluies étant d’ores et déjà installée dans de nombreuses régions. On n’attend pas la veille de la chasse pour acheter un chien.

Au total, les mesures décidées par le gouvernement sont un cadeau fait au monde des affaires. Il importera pendant six mois sans avoir à payer des droits de douanes ni de taxes. Les choses sont arrangées pour et entre gens qui se connaissent. Ces mesures apparaissent aux yeux de bien des citoyens comme une arnaque nationale légalisée.

"Le Fou"

Le Pays

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