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Oubkiri Marc Yao, membre du groupe des refondateurs du CDP : "Nous allons mener le combat jusqu’au bout"

Publié le lundi 23 juin 2008 à 16h18min

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Oubkiri Marc Yao

Au sortir de sa dernière réunion, le Bureau politique national (BEN) du Congrès pour la démocratie et le progrès a prononcé la suspension de six membres du parti, qualifiés depuis un certain temps, de refondateurs du CDP. A travers l’entretien suivant, Oubkiri Marc Yao, une des figures de proue de ce groupe, réagit à cette décision et évoque les perspectives que pourraient exploiter lui et ses camarades. Il ne manque pas non plus de revenir longuement sur son parcours politique et professionnel.

"Le Pays" : Suite à vos interventions ces derniers temps, votre parti, le CDP, a prononcé votre suspension de ses instances. Quelle est votre réaction ?

Oubkiri Marc Yao : Je dois d’abord dire que cela ne nous étonne pas beaucoup, puisque nous avons vu venir cette décision, et ce n’est d’ailleurs pas la première fois que cela nous arrive. En 1990, c’est la même chose qu’ils nous ont fait, presque pour les mêmes raisons. On nous a dit à l’époque que nous avions laissé paraître au niveau des membres de la commission constitutionnelle nos points de vue sur le projet de Constitution. Que cela ne devrait pas être ainsi. Ces points de vue devaient rester au sein du Front populaire seulement, puisqu’il y avait effectivement au sein de la commission certains qui n’étaient pas des partis membres du Front populaire. Nous avions dit que pour nous l’instance de discussion pour la Constitution, c’était la commission constitutionnelle et non le Front populaire. Celui-ci était composé de plusieurs partis dont chacun pouvait avoir son option, sa vision sur la Constitution, donc nous ne voyions pas très bien pourquoi cela relèverait du Front populaire. On ne s’est pas entendu, on a été sanctionnés.

A l’époque, on a été exclus du Front populaire. Donc ce qui arrive aujourd’hui ne nous étonne pas. Ce n’est pas une question de positionnement, puisque nous avons déjà eu à quitter des fauteuils ministériels confortables par conviction. En 1996, lorsque nous avons créé le CDP, nous avions dit que pour donner un signal fort, nous décidions qu’aucun membre de la CNPP/PSD ne ferait partie du premier gouvernement qui sortirait de cette fusion. Cela a été fait. Si vous regardez la situation, si nous tenions absolument à siéger au Parlement, c’est parce que nous ne sommes plus novices en politique. Nous avions toutes les chances de siéger, tous les trois à l’Assemblée. Si vous avez suivi, avant même le début de la campagne, on m’a fait l’honneur de me passer à l’émission "Actu-hebdo" de la télévision nationale. J’étais commissaire politique de la Boucle du Mouhoun et j’ai dit que dans cette région, il y avait 11 sièges à pourvoir, et que nous aurions au titre du CDP, 8 sièges. C’est exactement ce qui est arrivé. Cela veut dire que nous ne sommes pas non plus des analphabètes en matière d’analyse politique. Donc nous savions si, à la place où on nous a placé, on siégerait ou pas. Pour nous, là n’était pas la question.

La question était de savoir pourquoi on a été tous classés de cette manière-là sans qu’il y ait une discussion démocratique entre les dirigeants du parti pour classer les gens selon la hiérarchie du parti et selon aussi la contribution qu’ils apportent. Si vous prenez mon cas, j’étais commissaire politique de la plus grande région du Burkina, qui est celle de la Boucle du Mouhoun, qui comporte six provinces et 47 départements. En 2006, nous avons organisé les élections municipales. Sur 47 mairies, nous en avons pris 44. On me dira peut-être que ce sont ceux qui travaillent sur le terrain, mais quand une armée revient du champ de bataille victorieuse, croyez-vous que c’est le petit fusiller qu’on félicite ? Non , c’est le général qui a organisé tout cela (rires), même s’il n’a reçu aucun coup de feu (rires), alors qu’il y en a qui sont morts sur le terrain. Donc vous ne pouvez pas dire que le CDP a remporté 44 communes sur 47, et que le commissaire politique régional n’y est pour rien. De même, voilà les 8 députés sur 11. Prenez les résultats des dernières élections législatives, vous verrez quelle région a fait mieux.

Pourtant on semble vous accuser d’impopularité ...

Cela a une base. On a remis les dossiers de candidature au niveau des provinces, puisqu’on est revenu aux provinces pour les élections. Il se trouve que chez moi, j’avais eu un problème avec le secrétaire général de ma province, parce qu’il s’était présenté aux municipales contre le candidat même du parti. Un acte d’indiscipline dont j’ai rendu compte au bureau exécutif qui l’a sanctionné par un blâme. Donc, il décide qu’à la première occasion, il se vengerait de moi. Tout le monde le savait. Maintenant, il positionne son neveu direct au poste de député. Pour lui, c’était l’occasion ; double avantage de se venger et avoir son parent comme député. Tout le monde le savait, d’autant plus que le neveu en question se bombait le torse partout en disant qu’il est l’ami direct de Roch, etc. C’est ainsi qu’ils se regroupent, ficellent la notation comme ils le veulent. Vous avez dû lire dans la presse en son temps que Roch avait adressé une correspondance à ce dernier, disant qu’il outrepassait ses pouvoirs, puisqu’il disait que sur les deux sièges de députés dans les Balé, c’est son neveu, Touré Mamadou, qui devait être tête de liste, et Yé Bognessan, dont vous connaissez le rôle politique dans ce pays, ne devait être que second de liste. Ce qui a quand même énervé le président qui lui a répondu. Conclusion, on me classe de sorte à me dire que le rapport qui vient de chez moi note que je suis impopulaire. Soit, mais quelqu’un qui a été élu dans les conditions que vous savez en 1992 face à un Yé Bognessan tout puissant à l’époque, quelqu’un qui a dirigé le parti dans toute la région avec toutes les victoires qu’on a remportées, et qui devient subitement impopulaire ? Avouons quand même qu’il y a quelque chose qui ne va pas. C’est une tentative de mise à l’écart de certains d’entre nous. Si même on nous disait, par exemple, qu’on veut rajeunir les cadres du parti, on pourrait comprendre. Si vous prenez mon cas, j’ai été pendant plus de 15 ans ambassadeur, trois fois successivement j’ai été élu député ; honnêtement, qu’est- ce qu’on peut encore attendre de cette vie, à cet âge-là ?

Si vous regardez notre histoire, vous verrez que ce n’est pas la recherche de place qui nous anime, pour une raison bien simple. Si vous prenez le CV de tous ceux qui dirigent le CDP aujourd’hui, dans notre groupe, nous faisons partie de ceux qui ont occupé le moins de postes politiques. Pendant ce temps, il y a des gens parmi eux qui ne savent même plus quel est leur métier aujourd’hui. Des gens qui ont été formés à l’université à coup de millions, mais qui ne sauraient plus exercer leur métier, parce qu’ils n’ont eu à occuper que des postes politiques. Mais si vous prenez mon cas, celui de Pierre Tapsoba, ou de Boly Moussa , vous verrez que les postes politiques ne sont qu’une petite fraction de nos curriculum vitae. Ils ont d’abord exercé leur métier. Moi, par exemple, le poste auquel j’ai exercé le plus c’est celui d’ambassadeur, parce que je suis diplomate de profession. La dernière fois où j’ai été ambassadeur, le CDP n’existait même pas encore. Ce que j’ai eu comme poste politique, c’est celui de vice-président de l’Assemblée nationale de 2002 à 2007. C’est tout.

Qu’est-ce qui vous divise tant au sein du CDP ? Apparemment, vous n’avez pas voulu laver le linge sale en famille...

J’étais le seul à représenter notre groupe à la dernière réunion du bureau politique national. Il y a des choses qui ont été dites là-bas et qui se sont retrouvées dans la presse, alors qu’à part moi, ni Pierre Tapsoba, ni Boly n’étaient là-bas. Qui l’a fait ? Et je peux dire que depuis ce BEN où on décidé de nous exclure...

De vous suspendre ou de vous exclure ?

Oui, de nous suspendre, mais ce n’est qu’une question de procédure. Nous savons ce qui arrive. Quand on dit "en attendant le congrès", nous ne sommes pas des enfants. Nous savons ce qui se prépare et c’est préparé depuis longtemps. C’est pour vous dire qu’aujourd’hui, c’est très facile de nous accuser d’avoir occasionné cette fuite. D’ailleurs, même si du point de vue de la forme, cela peut être une faute, cela est-il plus important que le fond des problèmes évoqués ? Je vous dis qu’aujourd’hui, il y a même des documents qui échappent de la Maison-blanche pour se retrouver dans la presse. Vous le savez bien. S’ils pensent qu’on est réellement coupables, qu’ils en apportent la preuve, parce qu’aujourd’hui on est en Etat de droit. Si tu accuses quelqu’un, tu dois apporter la preuve. Ce n’est pas comme sous les Tribunaux populaires de la révolution où c’est plutôt l’accusé qui devait apporter les preuves de son innocence. Le problème fondamental, ce sont les points que nous avons évoqués. Si on veut le débat, on le mène. Lorsque vous faites une fusion ou une alliance, c’est pour gérer ensemble, sinon cela n’a pas de sens. Si demain on devait fusiller tous les dirigeants de ce pays, nous serions parmi. Pourquoi donc serions-nous mis à l’écart ? Nous n’avons pas dit que nous allions prendre la direction de tout. Nous avons d’ailleurs toujours été en minorité. Nous n’avons jamais représenté à quelque niveau que ce soit plus de 10%, que ce soit à l’Assemblée ou au gouvernement. Mais, nous disons que nous avons également nos options et qu’il faut que nous soyons aussi représentés pour exprimer nos points de vue. On peut rechercher une place pour son bien-être personnel, mais on peut aussi la chercher pour participer à la marche de son pays.

Vous semblez avoir une certaine nostalgie de la CNPP/PSD. Comment donc entrevoyez-vous la suite ?

Nous, nous avons toujours assumé nos positions. Depuis la création de la CNPP en 1988, donc il y a 20 ans, nous n’avons jamais eu quelque difficulté que ce soit à exprimer nos positions. Donc, qu’on nous suspende, qu’on nous menace d’exclusion aujourd’hui, pour nous, c’est du déjà vécu. Qu’on nous couvre d’injures dans la presse, nous savons qu’il y a des gens dont le rôle, c’est cela. Des écrits qui vous salissent, des tracts qu’on va "jeter" dans la ville, nous connaissons ce système-là et cela ne nous inquiète pas. Ce que nous tenons à dire simplement, c’est que nous ayons tous le courage d’aller à la discussion de fond. Pour nous, il s’agit de savoir si le parti fonctionne vraiment comme un parti social-démocrate. Mais, si vous voyez même le langage utilisé dans la réponse, vous voyez que ça relève plutôt du vocabulaire des groupuscules communistes. Comme on le dit, le tronc d’arbre a beau séjourner dans l’eau, il ne devient jamais caïman. Peut-être que notre tort c’est d’avoir cru qu’il y en avait qui étaient vraiment convaincus des valeurs de la social- démocratie. Nous l’apprenons à nos dépens.

Visiblement, vous n’avez jamais été réellement en bons termes avec vos autres camarades de parti depuis cette fusion-là ...

Le congrès de 1999 a relevé des insuffisances que nous avions déjà signalées, mais rien n’a été fait. Certes, le linge sale se lave en famille, mais si on vous ferme la buanderie de la famille, on vous empêche d’y accéder, vous êtes forcément obligé de solliciter le pressing dehors.

Peut-être que moi on m’a mis parmi les responsables du parti seulement pour résoudre un problème géopolitique, parce que je suis un ancien de la CNPP et que je suis de l’Ouest. En 2003, quand on m’avait mis au poste de secrétaire général, je leur ai demandé pourquoi, parce que je ne comprenais pas. Quand ce parti a été créé, je n’ai même pas fait un mois et je suis parti au Ghana. Et juste à mon retour, on me met à un poste de responsabilité de ce genre, secrétaire général et responsable de la plus grande région du Burkina, la Boucle du Mouhoun. Je leur ai dit que je ne pouvais pas gérer tout cela. J’aurais souhaité qu’un de mes amis, par exemple Pierre Tapsoba ou Moussa Boly, qui avaient milité au sein du parti depuis sa création, puissent être à des postes de ce genre. Néanmoins, j’ai fait de mon mieux pour contribuer à la marche du parti. Dans ma région, je n’ai jamais perdu les élections. Le CDP y a toujours été dominant. Seulement, j’ai posé la question de savoir si c’est parce que j’ai failli quelque part qu’on a voulu me rétrograder en m’envoyant jusqu’à la septième place lors des législatives passées, sur la liste nationale. J’ai voulu qu’on m’explique si toutefois j’ai démérité. Si on veut me rétrograder à ce niveau, qu’on ait au moins la politesse de m’expliquer pourquoi. Ainsi, je vais me déterminer ; soit je reste parce que je reconnais mes insuffisances, soit je ne suis pas d’accord et je dis gardez votre siège.

Justement, comment est intervenue cette fusion avec l’ODP/MT étant donné vos lignes idéologiques diamétralement opposées ?

C’était d’abord des contacts personnels. Voyez-vous, à l’époque , on se connaissait presque tous. Et dans les rapports de certains de la CNPP et ceux de l’ODP/MT, on discutait beaucoup. N’oubliez pas que c’est l’un des pays où des élections pouvaient se tenir dans un tel contexte sans qu’il y ait des violences. Cela parce que le dialogue n’a jamais été coupé entre l’ODP et la CNPP. Nous avions toujours dit que notre problème, ce n’est pas tellement le pouvoir ou des places qui nous intéressent, mais le triomphe de notre option politique idéologique, la social- démocratie. Vous avez vu que dans leur réponse la dernière fois, ils ont dit avoir opté depuis longtemps pour la social-démocratie. C’est vraiment curieux, pourtant, j’étais là, j’étais sur la scène politique, et je n’ai jamais noté ce changement d’option, la presse n’en a jamais fait état. Sinon, on aurait organisé une grande fête pour l’arrivée de nos petits frères dans la maison de la social-démocratie. Maintenant, nous apprenons que bien avant même la fusion, ils étaient sociaux-démocrates. Nous disons que c’est très bien mais on ne le savait pas.

Comment définissez-vous concrètement la social-démocratie ?

La social-démocratie , comme nous avions essayé brièvement de la définir à l’époque, est basée sur le libéralisme. C’est-à-dire, multipartisme, liberté individuelle et collective, etc. Mais avec une tendance très forte vers la gestion du pouvoir en mettant l’accent sur le social. C’est du libéralisme à vocation sociale. Par exemple, dans les pays nordiques où la social-démocratie est vraiment appliquée, ce sont en fait des régimes libéraux mais dont le programme est toujours très axé sur des mesures à caractère social. Personnellement, j’ai vécu pendant 4 ans à Copenhague et j’ai vu que c’est vraiment le système qui vaut. J’étais un haut responsable là-bas, mais je ne pouvais pas, par exemple, engager un chauffeur ou un cuisinier, parce que c’est la moitié de mon salaire. Les mesures sociales sont vraiment quelque chose d’essentiel là-bas. Etant donné que j’ai vécu à la fois en France, aux Etats-Unis, en Union soviétique et dans les pays nordiques, j’ai vécu tous ces régimes de façon concrète, et je suis arrivé à la conclusion qu’effectivement, l’avenir, c’est la social-démocratie. Même les régimes libéraux seront, avec la pression populaire, amenés à prendre des mesures sociales. Qu’ils le veuillent ou non, ils vont tous s’orienter vers la social-démocratie. Ce n’est rien d’autre que le libéralisme à vocation sociale.

Ce que nous n’apprécions pas, que ce soit sous le CNR ou sous le Front populaire , c’est qu’il y avait comme une camisole de force qu’on voulait mettre à tout le monde. Il n’y avait pas de liberté d’expression. Vous n’auriez pas pu publier quoi que ce soit à l’époque. On a mis le feu à "L’Observateur" pour ça.

Est-ce que vous pouvez être impopulaire et ramener 8 députés sur 11 de votre région, dont deux de votre propre province ? Vous qui êtes de la presse, avez-vous déjà entendu parler d’un Touré Mahamoudou ? C’est au temps de la Révolution qu’il a été ministre du Commerce ; après, il a été à Abidjan comme représentant du CBC. Comment se fait-il qu’il soit celui qui est le plus populaire dans les Balé aujourd’hui, alors qu’on ne le connaît même pas dans le village qui se trouve à 5 km de Boromo ? On se connaît là !

Qu’avez-vous à dire à ceux qui pensent que vous êtes manipulés, notamment par Salif Diallo ?

Non, pas du tout. Au sein de nos deux formations, à savoir la CNPP et l’ODP/MT, Salif était un de nos adversaires les plus coriaces. Parce que lui, il nous a toujours considérés comme des réactionnaires (rires). Nous n’avons non plus jamais eu de point de vue commun. Nous n’avons jamais partagé les mêmes points de vue, au plan politique, jusqu’à la fusion. Et nous n’avions jamais pensé qu’ils étaient des sociaux-démocrates, jusqu’à ce qu’ils le disent la dernière fois.

D’ailleurs, si nous, nous n’avons pas été tolérants, nous aurions quitté le parti depuis longtemps. Ce sont eux qui sont venus vers nous. Du reste, je suis étonné aujourd’hui de les entendre dire qu’ils étaient sociaux- démocrates auparavant. Comment un grand parti, créé par des communistes, brusquement, devient social- démocrate sans que la presse, ni le public ne soient au courant ? Où est-ce que ce changement d’option politique a été publié ? C’est quand même étonnant.

Par ailleurs, le parti dit que vous avez pris part à l’ensemble des décisions que vous taxez aujourd’hui de dérives autoritaires.

C’est ce que je disais tantôt. N’eussent été notre tolérance et notre patience, nous aurions quitté le CDP depuis. C’est un peu comme ce qui s’est passé au niveau du gouvernement en 1991. En quoi sur plus de 30 membres que compte le BEN, nous trois pouvons influencer les décisions de ce bureau, puisque nous sommes minoritaires ? Nous avons beau engagé des débats, s’ils ont déjà arrêté leur décision, c’est ce qui importe pour eux. Mais, il y a un moment où on peut dire que ça suffit maintenant. Nous ne sommes plus d’accord. Nous l’avons dit en 2000. En 2005, nous avons écrit pour souligner les problèmes et demander de revoir la manière dont le parti fonctionne. Aucune réponse ne nous a été donnée. Nous sommes démocrates, ils ont la majorité et cette majorité a prévalu, mais cela ne veut pas dire que nous partageons les points de vue de cette majorité. Maintenant, si on dit que nous avons participé à ces décisions, c’est vrai. Une décision qui est prise pendant que vous êtes là, même si vous êtes en minorité, elle est collective. Mais de là à dire que nous n’avons rien dit, ce n’est pas exact.

Apparemment, vous avez une attitude de victimes résignées. Ce feuilleton s’arrête-t-il là, ou doit-on s’attendre à d’autres épisodes ?

Ah non ! Nous ne nous sommes jamais considérés comme des victimes résignées. Non ! Non ! Non ! Bien au contraire. Le débat est ouvert maintenant. Comme l’a dit un organe de presse, maintenant que cela est sur la place publique, tout va se passer sur la place publique. Ils ont publié une déclaration - je note aussi que cette déclaration n’a été adressée à aucun d’entre nous personnellement, elle a été publiée et c’est tout - qui n’a pas été faite et approuvée par le BEN dont j’ai assisté à la dernière réunion le jeudi dernier. Aucun projet de déclaration ne nous a été soumis. En conclusion, lorsqu’on a fait le tour de table, ils ont dit qu’il fallait prendre des sanctions et que le BEN décidait de nous suspendre. J’ai dit que je prenais note. C’est la démocratie. J’étais seul contre plus de 20.

C’est vrai que vous êtes encore jeunes, mais si vous nous connaissiez, vous sauriez que la résignation n’est pas dans nos habitudes. Non ! Non ! Non ! Lorsque nous commençons le combat, nous savons ce que cela comporte comme sacrifice, et nous le menons toujours jusqu’au bout. Comme j’ai eu à le dire à certains d’entre eux, l’histoire nous a toujours donné raison, malgré ce que nous avons souffert en chemin. Ils avaient refusé tout de la démocratie, voilà l’écrit (il exhibe un écrit à eux adressé en son temps par l’aile ODP/MT). Tout ce qu’ils avaient réfuté se retrouve dans la Constitution. Si vous relisez les écrits de l’ODP/MT à sa fondation, la social- démocratie était traitée de " réformisme réactionnaire". Aujourd’hui, ce sont les mêmes qui disent qu’avant même que nous les y amenions, ils y étaient dejà (rires). Donc sur le plan de l’option politico-idéologique, l’histoire nous a donné raison.

Sur le plan des dispositions constitutionnelles, l’histoire nous a encore donné raison. Si vous voulez, on va faire de la recherche et je vais vous montrer notre déclaration qui a provoqué leur colère et vous ne croirez pas que ce sont les mêmes qui célèbrent aujourd’hui la renaissance démocratique qui daterait de 1987. Tenez par exemple (il lit le document) : " Du système des partis : votre revendication pour l’instauration du multipartisme anarchique réactionnaire, source de désunion du peuple, trahit vos sources d’inspiration politique." Cela se passait en mai 1990. Quand des gens qui sont au pouvoir vous disent cela, comment pouvez-vous croire que la démocratie est née depuis 1987 ? Ce que eux considèrent comme de l’anarchie, les démocrates le considèrent comme de la liberté. Voilà la différence entre nous. Ce n’est pas le même vocabulaire. "En effet, (il lit un autre passage de l’écrit) au moment où l’impérialisme contraint ses alliés locaux dans les néocolonies à instaurer le multipartisme formel, il est étonnant que les militants du front anti impérialiste reprennent en écho une telle proposition. Cependant vous êtes libres de déployer votre étendard en dehors du Front puisque le principe de l’existence de formations politiques en dehors du Front est acquis." C’est-à-dire qu’ils n’accèdaient pas à notre requête et que si nous n’étions pas d’accord, nous devions aller voir ailleurs. Nous avons dit que nous restions dedans et nous continuerions à défendre nos positions. On nous a dit que dans ce cas on nous mettait dehors. C’est exactement le schéma qui se reproduit aujourd’hui. C’est l’histoire qui se répète. " Limitation du nombre de mandats présidentiels (encore un autre morceau choisi du document) : l’impatience et les ambitions qui vous animent ne doivent pas vous amener à prôner un coup d’Etat constitutionnel." C’est-à-dire que pour eux, limiter les mandats présidentiels, c’est un coup d’Etat constitutionnel...

Vous ne répondez toujours pas à notre question. Qu’est-ce que vous envisagez concrètement au regard de tout cela ?

Nous allons nous réunir pour adopter notre stratégie. De toute façon une chose est sûre, il n’est pas question de croire que nous allons baisser les bras et nous laisser marcher dessus. Ce n’est pas notre habitude.

Avez-vous les ressources nécessaires pour faire face à la machine CDP ?

Si en son temps où il n’y avait aucune liberté, nous avons pu le faire et gagner, quoi qu’ils aient dit, ce n’est pas aujourd’hui où c’est l’Etat de droit, que nous ne pouvons pas le faire. Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est ce qu’ils ont commencé dans la presse : le dénigrement et autres. Des gens qui ne nous connaissent même pas. J’ai vu comment certains ont écrit le nom de mon village dans le "manchin", pour dire que j’ai été faire campagne là-bas, alors que pendant la campagne, je n’ai jamais mis pieds dans mon village, et bien pire, une bonne partie de la campagne m’a trouvé en Indonésie où j’étais en mission.

Comment peut-on vous qualifier au sein du CDP ? Recadreurs ? Refondateurs ? ...

Je préfère personnellement le terme réformateur. Même si certains de nos amis parlent de refondation. C’est une question de vocabulaire personnel. Sinon, moi je dis qu’il faut changer certaines choses dans le parti pour sa bonne marche. Donc il s’agit de réformes à opérer. C’est cela le sens de notre lutte. Si on acceptait cela, si on associait tout le monde, tout serait réglé. Vous ne pouvez pas faire une fusion ou une alliance sans qu’on tienne compte de vous. Nous ne demandons pas que ce soit moi ou Pierre Tapsoba ou encore Boly Moussa. Il y a bien d’autres. Est-ce qu’il y avait un parti qui avait plus de cadres que la CNPP ? Non. Les cadres n’ont jamais manqué au sein de la CNPP, que ce soit de notre génération ou de celle des gens plus jeunes. Il faut donc tenir compte de tout cela. Nous avions dit à l’époque que lorsqu’on ne respecte pas les règles de la démocratie, quand s’instaure dans un pays un système de parti unique ou qui y ressemble beaucoup, cela crée une nomenklatura vorace, assoupie sur ses privilèges et ses certitudes. C’est ce qui se passe aujourd’hui. Vous avez des gens pour qui l’avenir ne se dissocie pas des postes politiques. En son temps, on disait que tout le monde devait être en Faso Dan Fani, mais si vous voyez aujourd’hui, ces mêmes gens s’habillent en costumes griffés. Où est passée cette conviction ? Ce sont les mêmes qui insultaient ceux qui ne portaient pas la tenue (Faso dan fani). Il faut être respectueux de ses propres options. Je dis qu’il ne faut pas laisser un parti secréter une nomenklatura, des gens sûrs d’eux, qui ne vivent que de cela.

Comment comprendre dans la forme que je sois le numéro 3 du parti, mais que depuis que je suis revenu du Ghana, je n’aie été associé par exemple dans aucune délégation du parti pour rencontrer le chef de l’Etat ? Je suis un prête-nom, c’est tout.

Que répondez-vous à ceux qui disent que vous payez ainsi la rançon de la compromission ?

Avec qui nous sommes-nous compromis ? Nous nous sommes retrouvés avec des gens qui réfutaient le multipartisme. Aujourd’hui, ils jurent par tous les dieux qu’ils sont les meilleurs démocrates. Qui a gagné ? Ceux qui défendaient cette option bien sûr. Des gens qui traitaient à tout vent la social-démocratie de réformisme réactionnaire, donc inacceptable. Aujourd’hui ils proclament qu’ils étaient sociaux-démocrates bien avant même notre fusion. Qui a gagné ? Jugez en vous mêmes. Je peux donc dire qu’aujourd’hui, au stade où nous sommes, sur les plans idéologique et politique, c’est nous qui avons créé la CNPP en 1988, qui avons gagné. Nous ne nous sommes compromis avec personne, c’est l’histoire qui nous a donné raison. On parle de compromission, je crois, quand vous abandonnez votre option au profit de l’option de l’autre. Et pas le contraire.

Peut-on donc s’attendre à vous voir dans l’opposition ?

Nous avons entamé un combat, nous allons le mener jusqu’au bout, c’est sûr. Et on les voit venir, ils vont profiter du congrès pour nous mettre dehors. Soit dit en passant, ce n’est pas le congrès qui décide, c’est le bureau politique national. Je disais qu’ils vont nous foutre dehors. Mais si nous avons l’intention et l’énergie nécessaire pour mener le combat politique, nous pouvons nous repositionner. En ce moment-là, si le programme du chef de l’Etat nous convient, nous sommes dans la mouvance, sinon, un programme alternatif peut nous conduire dans l’opposition. Et cela se décide entre camarades. Moi seul je ne peux pas vous répondre. C’est le groupe qui en décidera, en analysant la situation. Mais je dois dire aussi qu’une des grosses épines de notre démocratie, c’est la faiblesse de l’opposition. Et c’est surtout dû au fait qu’il n’y a aucune volonté de se regrouper par tendances. Comment peut-on se réclamer d’une même tendance et se retrouver avec trois ou quatre partis ? Voyez par exemple dans les grands pays le nombre de partis : c’est deux ou trois au maximum. Comment dans un pays comme le Burkina on peut se retrouver avec plus de 100 partis ? Cela n’a aucun sens. Donc, créer encore d’autres partis, ce n’est pas la meilleure formule. Personnellement, si on me demande de créer un autre parti, je ne pense pas que ce soit nécessaire parce que toutes les tendances sont aujourd’hui représentées sur l’échiquier politique national.

Quand vous êtes dans une grande maison et qu’on vous expulse d’une chambre, vous pouvez soit aller dans la chambre d’à-côté où choisir carrément une autre maison.

Quand bien même il est censé être au-dessus de la mêlée, le président du Faso reste avant tout le premier militant de ce parti. Est-ce que, depuis le début de cette situation, il a essayé une quelconque médiation pour rapprocher les différentes positions, ou a-t-il décidé de laisser faire ?

C’est vrai, le président, nous le considérons comme le véritable leader de ce parti, mais il n’est pas le gestionnaire du CDP.

Il n’empêche, si le parti va mal, c’est lui avec !

Oui. Mais, en tout cas, jusqu’à présent, on ne l’a pas entendu sur la question.

Donc, il n’a rien fait...

On ne peut pas dire qu’il n’a rien fait. On n’est pas avec lui au quotidien. Il peut avaliser aussi. C’est son droit. Mais je dois dire que, si vous vous souvenez de notre histoire, lorsque nous avons créé la CNPP en 1988, ce n’était pas pour soutenir le président Blaise Compaoré. Aux élections de 1991, nous avons prôné l’abstention, et vous avez vu les résultats. Vous avez vu le taux de participation aussi. Par contre, 7 ans plus tard, lorsqu’on était tous d’accord et avions fait la fusion pour le soutenir en 1998, vous avez vu là aussi les résultats par rapport à 1991. C’est dire donc que lorsque nous avons créé notre parti à l’époque, ce n’était pas pour soutenir, mais pour défendre une option politique. Nous l’avons fait. Maintenant, sur le chemin, nous avons trouvé d’autres acteurs de la scène politique qui avaient leur option, différente de la nôtre, et qui ont dit finalement qu’ils partageaient la nôtre. En ce moment-là, il n’y avait pas de raison d’être dans des partis différents. Voilà notre raisonnement.

En tout état de cause, on est heureux que notre pays ait avancé de la sorte sur le chemin de la démocratie et de la liberté de la presse. Sinon, en son temps, lorsque ce n’était que ces gens-là seulement qui étaient au pouvoir, vous ne pouviez pas écrire un seul mot de ce qui se passait au BEN. Et nous, peut-être qu’on serait aujourd’hui enfermés quelque part pour "fractionnisme", "scissionnisme" ou que sais-je encore ! Que nous ayons dépassé ces étapes-là, montre que nous avançons. Et je dois dire qu’au regard du rôle que nous avons joué dans ce processus-là, nous avons des raisons d’être fiers. Nous allons continuer cette lutte, non pas parce que nous avons une quelconque ambition de promotion personnelle. A notre âge, je crois quand même qu’il faut être conséquent avec soi. Quand on arrive à vivre à cet âge dans un pays comme le nôtre, il faut remercier le Créateur et ne plus avoir des ambitions démesurées. Seulement, nous avons des enfants aussi que nous souhaitons voir vivre dans un pays socialement apaisé, un pays qui avance, un pays de démocratie où il fait bon vivre. C’est pour cela que nous avons décidé de continuer cette lutte.

Entretien réalisé par Ladji BAMA et Lassina Fabrice SANOU


Histoire d’une vie et d’un parti

Cette interview fut aussi l’occasion pour Marc Yao de nous parler de son parcours professionnel et de sa vie politique depuis les années 70, extrait.

J’ai fait mes études en France de 1963 à 1967 et je suis rentré au pays. En février 1968, j’ai été intégré dans la Fonction publique comme conseiller des affaires étrangères. J’ai occupé diverses fonctions là-bas pendant 5 ans, dont celle de directeur de la coopération internationale de 1970 à 1973. Ensuite j’ai été affecté à New York en 1973 à notre représentation aux Nations unies. En son temps, l’ambassadeur résidait à Washington et la mission aux Nations unies n’avait pas un ambassadeur résident à New York. En 1975, j’ai été nommé ambassadeur à Moscou , puis à Copenhague pour y ouvrir notre ambassade pour les pays nordiques. C’est là que la révolution m’a trouvé. En 1983 donc, on nous a convoqués pour nous expliquer ce qu’on attendait des diplomates . Quelques mois après, les décisions de licenciement, de dégagement sont tombées sur beaucoup d’entre nous.

Pour moi, c’était en 1984 que c’est intervenu, j’ai été licencié et je suis rentré au pays. Cela en refusant les conseils des amis qui me conseillaient plutôt de prendre le statut de réfugié politique en Europe. J’ai dit que je ne voyais pas ce que j’avais fait de mal pour rester en Europe comme réfugié. Et puis, mes enfants risquaient de grandir là-bas en prenant d’autres habitudes. Il faut signaler qu’en dehors de mon premier fils qui n’avait que 10 ou 11 mois quand on quittait, tous les trois autres sont nés dans différents pays (Moscou, New York, Copenhague). Si je devais les laisser grandir là-bas, pour en faire des Burkinabè après, cela risquait d’être un peu compliqué. J’ai donc préféré rentrer malgré les risques, et cela a entraîné pour moi le chômage ici pendant presque 8 ans, de 1984 à 1992, année des réhabilitations. J’ai été donc repris, et c’est dans la même année que nous avons eu les premières élections législatives. J’ai été élu au titre de la CNPP/PSD dans la province du Mouhoun qui regroupait le Mouhoun actuel et les Balé, mais je n’ai pas pu terminer le mandat.

Lorsqu’on a nommé Ablassé Ouédraogo comme ministre des Affaires étrangères en 1994, il a voulu récupérer un certain nombre de diplomates de carrière expérimentés, puisque cela commençait à manquer un peu aux Affaires étrangères. C’est ainsi qu’il m’a approché pour me dire que nous avons un problème avec le Ghana. En effet, avec ce pays, depuis le 15 octobre, il y a une mésentente entre le président Rawlings et le président du Faso, le premier disant qu’il ne voulait plus rien avoir avec notre pays. Il a également avancé qu’il ne mettra plus pied ici et que notre président aussi se garde de mettre pied au Ghana. Cela avait quand même assez duré et il était temps de mettre fin à une telle situation, parce que cela pouvait nous jouer un sale tour. Imaginez un peu une crise avec la Côte d’Ivoire et une autre avec le Togo et que le chemin soit bouché au niveau du Ghana. Ce serait la catastrophe nationale pour nous. La discussion a été chaude, à l’époque, au niveau de la CNPP/PSD : fallait-il accepter que j’aille comme ambassadeur en laissant mon siège de député à mon suppléant ou fallait-il qu’on refuse parce que nous étions un parti d’opposition ?

Finalement, nous nous sommes rappelés que nous avions dit à une étape donnée de notre existence que nous mettrons toujours les intérêts du pays avant ceux du parti. Si nous refusions en sachant que la situation avec le Ghana constituait un problème national, nous aurions pris une attitude contraire à ce que nous avions écrit. Donc, finalement, la direction a accepté que j’aille comme ambassadeur au Ghana. Mais bien avant de partir, puisque j’ai été nommé vers la fin 1995, au moment où commençaient les discussions de la fusion, mon parti m’a demandé de voir mon ministre afin de pouvoir au moins participer aux négociations y relatives avant de partir. Ce qui fut fait, et la fusion eut lieu en février 1996. Dès le mois suivant, en mars, je suis parti. J’ai fait ce que j’ai pu, vous avez vu les résultats. La normalisation a effectivement eu lieu, puisque j’ai réussi à ramener le président Rawlings dès l’année suivante, 1977, à Ouaga. Et en 1998, le président Compaoré est allé en visite aussi au Ghana, donc ils ont retrouvé leur amitié. Voilà brièvement ce que je peux vous dire de mon parcours.

Du point de vue politique, nous avons créé la CNPP en 1988, après l’appel d’ouverture lancé par le président du Faso, qui disait que même si quelqu’un n’est pas révolutionnaire, il pouvait créer sa propre formation et participer au Front populaire. Nous avons, avec un certain nombre d’amis, qui ne partageaient pas l’option révolutionnaire, mais plutôt l’option sociale-démocratie, créé ce parti-là. Nous avons été admis au Front populaire en 1990, je crois , mais pas pour longtemps, puisque les divergences sont apparues assez rapidement, en particulier quand on a mis en place la commission constitutionnelle pour rédiger la Constitution. Je faisais partie de cette commission au titre des représentants de la CNPP. Cela n’a pas été facile du tout parce que nos conceptions étaient radicalement différentes.

Au niveau de l’ODP/MT, ils voulaient que ce soit un texte constitutionnaliste. Mais pas de multipartisme, ni d’élections libres, etc. Finalement, ce sont nos points de vue qui ont triomphé avec la pression intérieure de nos partis, la pression du PRA, de la société civile, des religieux aussi, qui voulaient la démocratie multipartite, la chute du mur de Berlin et l’écroulement de pays communistes. L’autre élément determinant a été la conférence de la Baule où Mitterand a dit que celui qui n’adopte pas la démocratie multipartite ne recevra plus d’aide de la France. Et cette Constitution a été adoptée le 2 juin 1991. C’est après cela qu’on a mis en place un gouvernement de transition, j’y figurais avec Pierre Tapsoba et Oumarou Sawadogo du Yatenga. Cela n’a pas duré parce qu’on est arrivé assez rapidement à un désaccord au niveau de certaines décisions. Nous avons donc préféré quitter ce gouvernent pour avoir les mains libres et ne pas être solidaires d’une décision qui aille à l’encontre de nos propres conceptions. Aux législatives de 1992, la CNPP est sortie comme le premier parti d’opposition avec 13 élus dont moi-même. Evidemment, à l’époque, Pierre Tapsoba était tellement craint que tout a été mis en oeuvre pour qu’il ne soit pas élu à l’Assemblée, lui et Moussa Boly.

La CENI n’existait pas, ni l’égal accès aux médias d’Etat ; le financement des partis politique n’existait pas, tout cela, ce sont les acquis de cette lutte. Imaginez quelqu’un qui était licencié depuis 8 ans et qui doit aller en campagne électorale. Bref, il y a des mesures aujourd’hui qui semblent ordinaires mais qui, à l’époque, étaient inimaginables. Et même, la proportionnelle à la plus forte moyenne qui favorisait surtout les partis les plus grands, alors que c’est le contraire aujourd’hui, c’est un autre acquis.

C’est dire donc que notre parti était très combatif à l’époque et nous avons vraiment animé l’opposition en ce moment-là. Ce qui arrivait malheureusement, c’est que en 1993, le Pr Ki-Zerbo a pratiquement cassé ce parti en deux pour créer le PDP pour une question de leadership, j’allais dire. Il a été élu en 1992 député de la CNPP/PDS, ainsi que le Dima de Boussouma, Sawadogo Datissama Théodore, avant de s’en aller créer le PDP. C’est en ce moment déjà que nous avons lancé la lutte contre le nomadisme politique.

Puisque quand le Pr Ki-Zerbo est arrivée, nous n’étions pas des politiciens vraiment professionnels et il a eu à placer dans nos candidats beaucoup de ses candidats. En ayant comme ambition de prendre la direction du parti. Pour lui, il devait être le président du parti, alors que c’est quelqu’un qui était en exil, et c’est quand tout a été mis en place, quand tous les dangers sont passés, qu’il est rentré, après l’adoption de la Constitution et tout. Nous avons dit qu’il ne pouvait pas venir prendre la direction du parti comme un roi en exil qui revient prendre son trône. Nous lui avons donc poliment demandé de militer, si à l’occasion d’un congrès, il est élu comme président, d’accord, mais ce n’est pas un acquis ; nous n’avons pas remarqué que l’essentiel des députés étaient des partisans à lui, et c’est ainsi qu’ils ont quitté pour former le PDP avec la même option politique. Ce que nous avions dénoncé à l’époque. Nous avions même saisi la Cour suprême pour réclamer nos sièges en disant qu’un parti qui n’était pas au moment des élections ne peut pas se retrouver avec des députés élus sous la bannière d’un autre parti. Le Pr Ki-Zerbo et ses partisans ont donc cassé le parti et il y avait d’un côté la CNPP/PSD avec quatre députés et le PDP avec 9 députés. Nous avons dit à l’époque que c’était regrettable parce que l’opposition s’en remettrait très difficilement. Regardez aujourd’hui, le PDP se retrouve avec deux députés aux dernières élections. Cela veut dire que ce que nous avions prévu était juste.

Le Pays

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