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Enracinement de la démocratie au Burkina : 2008, année de transition et de remise en cause

Publié le lundi 16 juin 2008 à 14h33min

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Après le manifeste pour la refondation nationale, voici le mémorandum des refondateurs du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP). Quand on sait que le début d’année a vu le processus d’unification de quelques partis sankaristes aboutir à un résultat mitigé et que l’ADF/RDA poursuit ses tournées de remerciement des électeurs, l’année 2008 est politiquement chargée. La classe politique est dans un tel état de bouillonnement qu’on se serait cru en année électorale. Et pourtant, un an après les élections législatives et à plus de deux ans de l’élection présidentielle de novembre 2010, 2008 pouvait passer pour une année politiquement blanche. En bien non !

Ces nombreuses initiatives politiques en ont fait une année charnière, l’année des transitions ou des remises en cause. En effet, les partis politiques les plus actifs,des sankaristes au CDP, vivent des remises en cause internes et voudraient par la réflexion, le débat contradictoire, voire le dialogue consensuel, inventer de nouveaux repères pour la démocratie et la République. La représentation nationale n’est pas en reste de ce que l’on peut appeler la recherche d’une meilleure pertinence du système démocratique au Burkina. De fait, trois des quatre commissions ad hoc récemment mises en place par l’Assemblée, celles sur la réforme du code électoral, le financement des partis politiques, le quota en genre, indiquent qu’elle a perçu la nécessité de ne pas se satisfaire du statu quo des dispositions légales et réglementaires qui encadrent l’activité politique au plan national. Des refondateurs de la République aux commissions ad hoc de l’Assemblée nationale en passant par les unificateurs des partis sankaristes et les refondateurs du CDP, il y a deux constantes à retenir.

Primo, en politique, rien n’est jamais définitivement acquis. Quand les circonstances de temps et de lieux l’exigent, des ajustements doivent être opérés dans la gestion des partis et de la nation. Ces ajustements peuvent être conduits à bons termes sans attendre l’urgence des situations délétères pas toujours bien maîtrisées.

Secundo, il faut retenir de ces initiatives en faveur des réformes au plan national et au sein des partis, leur esprit d’anticipation à la fois préventif et curatif. En effet, au-delà de la propagande oppositionnelle et tendancielle qui justifie la rudesse du langage des réformateurs du CDP et la sévère description de la prétendue « crise permanente » chez les refondateurs, ce qui doit prévaloir, c’est l’eau apportée au moulin du débat d’idées sur la vie de la République. Il ne faudrait donc pas par extrémisme pro ou anti-réformes jeter précipitamment le bébé avec l’eau du bain. Il faut accepter le principe et l’objet de leur démarche, même sans légalité ni légitimité suffisante, comme une base de réflexion prospective. Tout rejeter a priori et en bloc, c’est courir le risque de raidir des positions, furent-elles erronées. Comme le disait si bien Jean de Maistre, « C’est une règle éternelle de morale et de politique qu’il ne faut jamais pousser son ennemi (adversaire politique) jusqu’au désespoir ».

Car acculé, l’instinct de survie décuple ses forces de résistance et de nuisance. La sagesse élémentaire commande d’écouter même les opinions mal fondées de nos contradicteurs, histoire de mieux leur opposer nos propres vérités. Dans le cas des refondateurs par exemple, le débat est lancé, des explications données à la ronde, l’initiative, c’est le moins qu’on pouvait en attendre, ne fait pas l’unanimité, mais a le mérite d’exister. Elle prouve que l’opposition politique est libre de s’exprimer, de proposer, de revendiquer le changement sans verser dans la contestation de rue, inutilement violente et en dernière analyse aux antipodes de l’esprit démocratique.

Pour les rénovateurs du CDP, c’est dommage pour le parti majoritaire que le linge sale se lave en public au risque d’en ajouter aux dysfonctionnements qu’ils dénoncent. Mais ce qui s’apparente à une défiance ouverte à la direction du parti peut être le gong du réveil. C’est connu, celui qui trébuche et ne tombe pas, fait un grand pas. Alors à toutes les intelligences qui sommeillent dans le parti majoritaire de nous donner la preuve qu’un grand parti n’est pas un petit. Au contraire de ce que nous a donné de voir le landerneau politique, le CDP prouvera-t-il qu’une crise de croissance dans un parti peut se gérer autrement que par la scission-exclusion ?

Djibril TOURE

L’Hebdo

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