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Le fou à Tertius Zongo : Un ministre, une rizière !

Publié le lundi 16 juin 2008 à 14h19min

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Lors de la conférence de presse-bilan d’une année de sa présence à la primature, Tertius Zongo a laissé entendre qu’à l’avenir, chaque membre de son gouvernement devrait consommer le riz cultivé dans les plaines, les bas-fonds et les rizières du Burkina Faso. Noble voeu et courageuse détermination dont l’objectif semble être d’accroître la production nationale de cette céréale ! Plus facile à dire, cependant, qu’à contrôler.

A la faveur du choc alimentaire, les Burkinabè ont découvert qu’ils étaient entièrement dépendants des importations des pays d’Asie. Il sera pratiquement impossible pour le Premier ministre de contrôler ce qui se trouve au fond de l’assiette de chacun de ses ministres, midi et soir. Tout au plus peut-il imposer la consommation du riz local dans les écoles, les hôpitaux, les casernes militaires. Pour le reste des Burkinabè, la consommation du riz de chez nous doit revêtir l’aspect d’un acte patriotique. Notre devenir en tant qu’Etat souverain et autosuffisant sur le plan alimentaire est à ce prix. Par contre, "le Fou" suggère au Premier ministre de demander à chacun des membres du gouvernement, aux directeurs généraux des sociétés de l’Etat, aux présidents d’institutions d’avoir leur propre rizière. On dit souvent que l’exemple vient d’en haut. Que chaque ministre exploite une rizière. Ce sera un acte sans précédent dans la mesure où les populations rurales pourraient s’enrichir des techniques culturales mises en oeuvre dans ces rizières ministérielles qui peuvent être considérées comme des rizières-témoins. Ensuite, le fait qu’il a produit lui-même son riz est une raison supplémentaire pour qu’il le consomme.

La crise alimentaire et la vie chère ont révélé que le Burkina est grandement tributaire de l’étranger pour son approvisionnement en riz. Le Burkina manque-t-il d’hommes, de terres, de techniciens et de technologies pour produire du riz en vue de couvrir une large part de sa consommation nationale ? Pourquoi le riz venu d’au-delà les océans coûte-t-il moins cher que le riz produit dans les plaines irriguées du Burkina ? Quels sont les véritables handicaps à la production nationale de riz ? D’où viennent les résistances à consommer le riz local ? De la façon dont le gouvernement apportera des réponses à ces questions, dépendra la réussite ou l’échec de son ambition affichée de produire assez pour couvrir 60% des besoins nationaux. Il faut, dans un premier temps, encourager la petite irrigation, l’aménagement des bas-fonds. Il faut vulgariser la culture du riz. Apporter aux producteurs les intrants agricoles et l’encadrement nécessaires. Ces mesures ne doivent pas seulement se limiter à la culture du riz, elles doivent être étendues aux autres spéculations comme le mil, le sorgho, le mais, le haricot, etc. La raison principale est que le riz est plus consommé par les populations citadines que celles rurales. Les gouvernements, tous les gouvernements, ont eu pour première préoccupation de nourrir les populations des villes avec le riz importé, probablement pour avoir, entre autres, une quiétude sociale. Mais cela coûte cher à l’Etat, et en plus, on ignore quels sont les risques sanitaires encourus pour un riz sans traçabilité. Dans les campagnes, la nourriture de base demeure le tô de mil ou de maïs. Le riz quant à lui n’est consommé que lors des fêtes et à de rares autres occasions. Dans les villes, essentiellement dans la capitale, le plat de tô a été baptisé du nom de "Afrique en danger" si on ne l’appelle pas "le béton".

Aujourd’hui, il ne suffit plus de produire ou de demander aux agriculteurs de produire. Il faut qu’en amont et en aval de la production, des précautions soient prises. Au nombre de ces précautions, il est nécessaire de fixer un prix aux producteurs de céréales. Cette mesure aura pour but de décourager les spéculateurs. On le fait bien pour les producteurs de coton, non ? Cette première précaution doit être accompagnée par la création par l’Etat de circuits de collectes et de distribution. Il convient de développer à ce stade une politique de marketing.

La seconde mesure importante, à nos yeux, c’est de prendre le soin de limiter l’action nocive des intermédiaires, nous devrons dire des affameurs des masses, qui achètent le mil, le maïs sur pied, les stockent à la récolte, créant ainsi des pénuries artificielles. Une guerre sans merci doit être déclarée à ces commerçants sans scrupule. Le libéralisme économique ne saurait être un prétexte quand il est question de nourrir le peuple. L’affairisme en cette matière doit être combattu avec la dernière énergie.

Au Burkina, il faudrait arriver à créer une réelle mystique autour de la production de riz, en faisant un véritable objectif national. Beaucoup de pays l’ont réussi, pourquoi pas le Burkina ? Nous suggérons que si la production du riz et des céréales ne fait pas partie des Engagements nationaux, il faut l’y inscrire. Une Nation incapable de nourrir son peuple est une Nation d’esclaves.

Il conviendrait enfin d’ordonner des recherches sur l’évolution des habitudes de consommation des Burkinabè. Connaître l’évolution des habitudes alimentaires permettra d’anticiper sur des crises de cette nature. L’existence de telles données permettrait de mieux maîtriser les projections sur la croissance de nos besoins alimentaires. Le choc pétrolier de 1973 nous avait surpris. Une fois ses effets maîtrisés, nous avons dormi sur nos lauriers. Aujourd’hui, nos pays se débattent au milieu de la tourmente alimentaire. Si nous en réchappons, le prochain choc ne doit plus nous surprendre.

Le Fou

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