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Matières premières : La tragédie des contrats viciés

Publié le lundi 9 juin 2008 à 12h34min

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Le président nigérian Yar’ Adua songerait-il aussi à faire du troc avec les Chinois ? Il a annoncé lui-même le prochain départ de Shell après des années de tumulte qui ont assombri des décennies d’années d’exploitation du pétrole au Nigeria. L’Afrique amorcerait-elle un tournant décisif dans sa gestion des matières premières ?

Avec Shell, les choses avaient changé suite à l’exécution de l’écrivain et activiste écologiste Ken Saro-Wiwa qui, au nom des siens, exigeait le respect de l’environnement et surtout une part du bénéfice au profit du développement local. Jamais en effet, le principe du pollueur-payeur n’a été sérieusement respecté. Mais aussi, jamais les populations locales n’ont admis que ces richesses continuent de leur filer sous le nez. Des grèves, des guerres perlées, des actes de sabotage, des enlèvements de coopérants ont donc caractérisé les rapports entre ceux qui exploitent le pétrole, les gouvernants et les populations locales. Pour couronner le tout, le peuple excédé se livre régulièrement au siphonnage du pétrole. Cela, au prix de tragédies qui se traduisent en pertes en vies humaines, émeuvent l’opinion internationale, et compromettent le gouvernement nigérian. Face aux contestataires, l’option militaire n’a jamais été la meilleure solution. Le nouveau régime devait donc faire quelque chose.

C’est le paradoxe du développement en Afrique : les ressources abondent mais les populations sont dans la misère. De plus en plus de voix s’élèvent donc pour condamner les dirigeants coupables d’une gestion opaque et calamiteuse. Dans le cas du Nigeria, les régimes Abacha et Obasanjo ont laissé des traces : la corruption a gangrené le pays qui ne profite pas suffisamment de la manne pétrolière. La nouvelle équipe gouvernementale voudrait sans doute tourner la page.

Inconcevable en effet que malgré l’énormité de ses gisements, le Nigeria n’ait jamais pu doter ses propres populations en carburant. Une vraie déception que ce pays ne soit pas parvenu à affirmer un vrai leadership parmi les autres producteurs africains de pétrole. Les décisions futures des dirigeants nigérians ne serviront donc à rien si elles ne permettent pas de réorganiser l’exploitation des gisements pétroliers au mieux des intérêts des peuples nigérian et africains.

En Afrique, plusieurs dirigeants nouvellement parvenus au pouvoir ont fini par se ranger. Face à la vigilance de la société civile ici et en Occident, l’on semble trouver dans le partenariat avec Pékin, encore plus de sérénité et…une meilleure complicité.

Le bilan est mitigé après 50 ans d’indépendance et de coopération avec l’Occident. Tout se passe suivant le diktat des institutions de coopération contrôlées par le Nord.

Et dans les faits, les promesses ne sont pas tenues : jamais de véritable transfert de technologies. Surtout pas dans les domaines prisés par les Africains. Le Nord, fortement industrialisé, grand consommateur de matières premières et donc grand pollueur, s’arrange toujours pour faire partager les torts avec les pays du Sud, que ce soit en matière d’environnement ou de population. Les solutions préconisées sont presque toujours celles de l’Occident.

Le plus souvent les contrats sont ambigus, mal ficelés ou mal appréciés par des nationaux choisis sur des bases contestables. A coups de pots-de-vin et d’intimidations à peine voilées, on finit toujours par avoir raison des dirigeants africains dans les négociations internationales. Tout en exigeant de payer peu ou pas de taxes, de verser des salaires dérisoires, de rapatrier les bénéfices, on procède à volonté aux délocalisations qui désarticulent les économies du continent. L’homme et l’environnement, les réinvestissements en faveur des populations qui s’appauvrissent, importent peu.

La faute en incombe principalement aux dirigeants africains. Il n’appartient pas aux multinationales de se substituer aux gouvernants pour développer leurs pays. Les conséquences sont là : l’Afrique piétine et se fait toujours assister. Même pour boire et manger.

L’exaspération à son comble, rien d’étonnant que l’Afrique regarde dans d’autres directions, que des pays émergents deviennent des exemples à suivre ou des partenaires à privilégier : Brésil, Chine populaire, Corée du Sud, Indonésie, etc. Ils ont l’avantage de partager avec le continent différentes problématiques et sont donc mieux placés pour aider à les résoudre. Le président nigérian aura du mérite s’il ose prendre le virage qui permettra de sauver son pays de l’infortune.

En regardant du côté de la Chine populaire, beaucoup espèrent sans doute tirer profit de la discrétion de ce géant gagné par les affaires. Les méthodes de ce dernier ne faciliteront assurément la tâche ni aux curieux, ni à la société civile qui voudrait avoir un droit de regard sur les transactions qui se font au nom des peuples.

"Le Pays"

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