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Opération billetage : Conséquence de l’incurie et de la pagaille

Publié le vendredi 30 mai 2008 à 12h17min

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Depuis bientôt deux semaines, une opération de billetage se déroule au Burkina Faso. Elle concerne tous les ministères à l’exception de ceux de l’Enseignement et de la Santé. L’essentiel des agents de l’Etat appartient à ces deux départements, ce qui expliquerait peut-être cette exception. L’opération billetage consiste à faire venir chaque agent de la Fonction publique devant une commission, pour percevoir son salaire du mois sur présentation de certaines pièces.

L’objectif premier que vise cette opération est, dit-on, de permettre à l’Etat de contrôler le nombre de fonctionnaires émargeant au budget d’une part et par voie de conséquence, de maîtriser la masse salariale d’autre part. C’est curieux tout de même que depuis la création du ministère si bien nommé ministère de la Modernisation de la fonction publique, suivie après par celle de la Réforme de l’État, le Burkina soit aujourd’hui encore à chercher à savoir combien de personnes sont payées sur son budget. N’est-ce pas là, la preuve de l’incurie générale qui règne dans ce pays, mais aussi de celle de la pagaille constatée au niveau des directions des ressources humaines ?

On le sait, comme toute chose dans ce pays, l’administration burkinabè fonctionne en "roue libre" ou en "laisse guidon" pour parler le langage de nos frères restés au village. C’est la pagaille, un véritable capharnaüm qui oblige les agents de bureau et les infirmiers éloignés des centres urbains à délaisser leur poste pour descendre dans la capitale en vue de régler leurs problèmes de carrières. Et cela à un moment où on parle de décentralisation ou de déconcentration. Tout est fait comme si lesdits fonctionnaires ne relèvent pas d’un ministère pourvu d’une Direction des ressources humaines, statutairement chargée du règlement de ces questions. Combien d’heures de travail sont perdues chaque jour par l’administration burkinabè à cause des agents qui s’absentent de leur poste pour s’occuper des questions de leur carrière ?

Il est incontestable que si la gestion des carrières était faite correctement au niveau de chaque département ministériel, cela éviterait que le fonctionnaire, son arrêté d’avancement en main, soit obligé d’aller lui-même négocier ses droits avec les fonctionnaires du service de la solde du ministère des Finances. Beaucoup de problèmes auraient pu être évités.

Ce laxisme constaté au niveau des départements ministériels est cause de nombreux maux : des fonctionnaires décédés continuent à être mandatés, des agents en détachement sont toujours payés par le budget national, etc. Il est vrai que de telles pratiques se font avec des complicités, le partage du fruit du deal étant garanti à la fin de l’opération. On pourrait même se risquer à dire que comme partout au Burkina, des personnes se sont organisées pour piller les ressources de l’Etat. Dans ce climat général de décrépitude morale qui est celui du Burkina de nos jours, qui s’en émeut ?

Il est difficilement admissible qu’à l’ère de l’informatique, avec des logiciels performants mis au point pour toutes les formes de gestion, qu’un Etat comme le Burkina soit à l’heure de la traque manuelle des fonctionnaires fantômes. C’est vrai que ceux dont c’est la spécialité de voler l’Etat, s’adaptent à toutes les innovations. Cela dit, les opérations de billetage à répétition, outre les désagréments inhérents qu’elles entraînent, ne sont pas sans inconvénients. Si elles ont pour but de mettre à nu les mandatements fictifs et indus, il faut espérer qu’à terme, elles prennent fin, parce tout simplement elles ne reflètent pas l’image d’une administration moderne. Elle est la preuve que les différents départements ministériels travaillent en vase clos, ce qui est en soi une très grande défaillance pour une administration réformée qui aspire à la modernité. Les opérations de billetage récurrentes traduisent l’archaïsme de la Fonction publique dans la gestion des fonctionnaires. Il est temps que l’on prenne les dispositions adéquates pour y mettre fin. Il faut discipliner la pagaille, l’éradiquer même.

Une opération de billetage se mène donc sur toute l’étendue du territoire. Il ne fait aucun doute que des anomalies seront détectées. Que va-t-on faire des fautifs ? Si l’on se contente d’envoyer des ordres de recettes aux personnes qui ont réussi à déjouer la vigilance des agents responsables pour s’octroyer des trop perçus, l’utilité de l’opération ne sera pas atteinte complètement. Leurs cas doivent servir d’exemples à ne plus imiter. C’est pourquoi on peut suggérer que leurs noms soient publiés avec en face ce qu’on leur reproche.

En 2006, une opération semblable a eu lieu. Le bilan dit qu’elle a permis à l’Etat d’économiser environ 750 millions de francs. Deux ans plus tard, quel constat sera fait ? Si des doubles mandatements et des fonctionnaires fantômes continuent à être détectés, c’est la preuve qu’il faut revoir le système. Mais d’ores et déjà, il faut préconiser une plus grande synergie entre les services du personnel de la Fonction publique et les services de la solde du ministère des Finances. Autrement, on peut répéter l’opération billetage deux fois dans la même année, il y aura toujours des gens qui se glisseront à travers les failles, tant ce mécanisme est loin d’être parfait.

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