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Procès de Charles Taylor : Le bla-bla-bla de Moses Blah

Publié le vendredi 16 mai 2008 à 11h01min

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Dans Allah n’est pas obligé, Ahmadou Kourouma écrit : "Pendant que la corruption continuait et que les coups d’Etat en chapelet se succédaient, se préparait... en catimini contre le régime pourri et criminel de Sierra Leone ce qui mord sans avoir de dents (surprise chez les nègres)... Ce qui allait mordre ce pays sans avoir de dents s’appelait Foday Sankoh de l’ethnie temné.

Il est entré dans l’armée sierra-léonaise en 1956... il s’installe à Bô, la deuxième ville de la Sierra-Leone, à l’est du pays sous le couvert de photographe, il propage ses idées jusqu’en 1990 en complicité avec Charles Taylor" (1). Le destin de cet ex-caporal de l’armée britannique sera fait lorsqu’il rencontrera donc Charles Taylor, lequel avait fait de la guerre son fond de commerce dès 1989 au Liberia. Pour soutenir financièrement ce confit, l’ex-célèbre rouquin de Monrovia "exporta" sa guerre en Sierra-Leone. En cooptant Sankoh par l’intermédiaire du Front révolutionnaire uni (RUF), dont les éléments mutileront des milliers de personnes, en "manches longues" ou en "manches courtes".

Huit ans après avoir mené cette guerre et en Sierra-Leone et au Liberia, Taylor accède à l’Exécutive Mansion en 1997 par les... urnes, en remportant 75% des suffrages exprimés. En quittant le pouvoir sous les coups de boutoir des USA, il réussit à négocier un exil doré à Calabar avec Olesegun Obasanjo, chef de l’Etat nigérian et Chouchou des Américains. De cette ville, Taylor continuait-il à tirer les ficelles politiques de son pays ? Les USA et les Nigérians le pensent, d’où la livraison de cet hôte encombrant au TSSL le 29 mars 2006, qui l’avait du reste inculpé en mars 2003 pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Le 20 juin 2006, il est transféré à la Haye (Pays-Bas) pour être jugé par le TSSL, une délocalisation que justifie l’ONU par le fait qu’un procès de l’ancien chef de l’Etat du Liberia à Monrovia ou à Freetown posera des questions de sécurité. En tout cas, le 3 juillet 2007, son procès s’ouvre sans l’accusé, qui met en doute l’équité du TSSL. Depuis cette date, beaucoup de choses ont évolué, car Taylor a comparu plusieurs fois, et avec ses avocats, grâcement rétribués par... l’ONU, qui a alloué 100 000 dollars/mois à l’accusé.

Et un procès, ce sont aussi des témoins à charge et à décharge. C’est ainsi que le 14 mai 2008, un témoin à charge est apparu devant les jurés : Moses Zeh Blah (61 ans), ci-devant vice-président du Liberia en 1997 et provisoirement président en 2003 lorsque Taylor s’est exilé au Nigeria.

Compte tenu du poids de ce monsieur, des fonctions qu’ils a occupées et du rôle qu’il a joué, on s’attendait à apprendre des choses spectaculaires sur le système Taylor. Mais, avouons-le tout net, force est de reconnaître que beaucoup de gens ont été déçus par sa déposition : en effet de tout ce qu’il a "révélé" il n’y a rien qu’on ne sache déjà (excepté le cannibalisme dont il charge son ancien patron).

Que Blaise Compaoré fut l’ami de Charles Taylor, qu’il l’a soutenu à un moment ou à un autre et qu’il l’a lâché par la suite est un secret de polichinelle. On n’avait pas besoin d’être vice-président pour le savoir. Un rapport de l’ONU datant de 1999 l’avait déjà mentionné.

"L’incriminé" de Kossyam, qui a nié les faits pendant longtemps, avait lui-même fini par jeter bas le masque en reconnaissant avoir été dans le bourbier libérien, et a acheté une conduite sous la pression américaine. Non sans pouvoir empêcher un opposant comme Hermann Yaméogo de lui rappeler de temps en temps qu’il y a mené "une guerre de rapines".

Qu’il ait constitué une sorte de trio infernal avec Houphouèt et Kadhafi dont il fut le bras armé, Blaise considère que c’est du passé. Bien sûr, l’enfant terrible de Ziniaré a de nombreux contempteurs qui seraient heureux que son nom soit directement cité comme accusé, et certains même caressent le secret espoir de le voir traîner devant la Cour de justice de la Haye, mais on en est loin, et ce n’est pas cette sortie de Moses Blah qui va l’y envoyer.

En rappel, le procès de Charles Taylor porte sur la Sierra-Leone, et on sera sans doute plus avancé le jour où la preuve de l’implication directe de Blaise Compaoré dans la tragédie de ce pays sera administrée, un jugement étant par essence fait de rebondissements. Pour le moment, il n’en est rien et les "tuyaux" de l’ancien vice-président libérien étaient déjà étalés sur la place publique. En un mot comme en cent, c’est du déjà entendu, donc du "bla bla bla" comme diraient d’aucuns, puisque rien de nouveau n’apparaît dans ce témoignage à charge.

Ce qu’il faut retenir, c’est que, comme l’a rappelé le procureur de TSSL, Steplen Rapp, "même si ce procès ne ressuscitera pas les morts, ne rendra pas leurs membres aux amputés, ne consolera pas des viols...", de par son caractère inédit, la stature du jugé, il restera un événement inédit, historique et provoquera une catharsis pour le peuple sierra-léonais. Qui s’est remis à croire à des lendemains meilleurs avec le nouveau président élu, Ernest Baï Koroma.

Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

Note : (1) Ahmadou Kourouma, in Allah n’est pas obligé.

L’Observateur

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