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Arrêt Webster ou les conditions de rupture unilatérale du contrat de travail du footballeur professionnel

Publié le lundi 19 mai 2008 à 10h46min

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Moustapha Kamara

Avec la saison de football 2007-2008 qui tire vers sa fin, va bientôt s’ouvrir la période des transferts des joueurs. Temps fort de l’intersaison, « ce marché aux joueurs » est très attendue parce qu’il peut déterminer l’avenir d’une carrière d’un joueur, d’un club, d’un entraîneur, voire d’un président de club, et influencer le dynamisme économique d’un région.

Comme pour tous les salariés, les transferts des footballeurs sont strictement encadrés par les lois du code du travail de chaque pays, complétées par des règles éditées par la Fédération internationale de football association (FIFA). Tous ces textes visent à mieux encadrer l’activité des footballeurs dont l’emploi est par définition précaire, et à les protéger contre les abus des clubs ou d’agents véreux. Toutefois, beaucoup de footballeurs évoluant dans les championnats européens, notamment africains, ne s’y retrouvent pas dans cette réglementation de pus en plus complexe. A quelles conditions un joueur peut-il être transféré d’un club à un autre ? Peut-il rompre le contrat qui le lie à son employeur ? L’âge est-il un facteur déterminant dans les négociations de contrats ?

Après une interview publiée sur notre site le 21 janvier dernier, Moustapha Kamara, avocat spécialisé dans les transferts de footballeurs nous aident à y voir clair

ARRET WEBSTER ou LES CONDITONS DE RUPTURE UNILATERALE DU CONTRAT DE TRAVAIL DU FOOTBALLEUR PROFESSIONNEL APRES LA PERIODE DE STABILITE

Contrairement à la règle générale en matière de droit de travail, qui veut que le salarié soit, en principe, lié par un contrat de travail à durée indéterminée à son employeur et, exceptionnellement, par un contrat de travail à durée déterminée, dans le domaine du sport professionnel, le contrat de travail à durée déterminée est la règle. Le sportif professionnel est toujours lié par un contrat de travail avec son club.

Selon l’article L.122-1 du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Sous réserve des dispositions de l’article L.122-2, il ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas énumérés à l’article L.122-1-1. En effet, pour l’article L.122-1-1, le contrat de travail ne peut être conclu pour une durée déterminée que dans les cas suivants :
« 3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ».
L’article D.121-2 pris en application de l’article L.122-1-1, 3°, précise que les secteurs d’activité dans lesquels des contrats à durée déterminée peuvent être conclus concernent les emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, sont les suivants : l’enseignement et le sport professionnel.

S’agissant par ailleurs de la rupture du contrat de travail à durée déterminée, l’article L.122-3-8 précise que sauf l’accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave ou de force majeure. La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, dite de modernisation sociale, permet désormais au salarié employé par un contrat de travail à durée déterminée de le rompre unilatéralement avant son terme, à condition qu’il justifie d’une embauche à durée indéterminée. En dehors de ces cas de rupture prévus par la loi, le salarié ne peut rompre son contrat de travail à durée déterminée sauf à supporter les conséquences d’une rupture abusive. En effet, l’article L.122-3-8 du Code du travail précise que la méconnaissance par le salarié ouvre droit pour l’employeur à des dommages et intérêts correspondant au préjudice subi. Ce qui justifie d’ailleurs le paiement d’importantes indemnités négociées de gré à gré lors des transferts de footballeurs professionnels.
Les clubs les plus riches étant souvent les plus offrants financièrement pouvaient alors monopoliser le marché et acheter les joueurs les plus doués.

Les agents sportifs devaient faire tourner le plus possible les footballeurs dans les clubs les plus riches pour toucher beaucoup plus de commissions de transfert.
Le sportif professionnel quant à lui, plus de transferts si possibles en fin de contrat, lui permettra de toucher des primes conséquentes.
On assiste alors à une multiplication des ruptures abusives de contrats en faveur des clubs les plus riches.

Pour lutter donc contre les ruptures abusives de contrats qui posent des problèmes de stabilité des équipes et contribuent au déséquilibre compétitif, la FIFA a prévu des périodes de protection. Il convient de distinguer deux périodes : la période dite protégée 1 et celle dite non protégée. Ainsi, l’article 21 du règlement précité relatif aux transferts de joueurs prévoit deux cas selon que le joueur a moins de 28 ans ou plus. Dans le cas de contrats signés jusqu’au 28e anniversaire du joueur ; en cas de rupture unilatérale de contrat sans juste motif ou juste cause sportive, au cours des 3 premières années, des sanctions sportives seront appliquées et une indemnité devra être payée. Dans le cas de contrats signés après le 28e anniversaire, les mêmes principes s’appliquent, mais seulement au cours des 2 premières années.

Dans les deux cas, toute rupture unilatérale de contrat sans juste motif est interdite au cours d’une saison. En revanche, toute rupture unilatérale de contrat sans juste motif ou sans juste cause sportive, après les 2 ou 3 premières années, n’entraînera pas l’application de sanctions. Des sanctions sportives pourront toutefois être applicables à l’encontre de clubs et / ou d’agents sportifs occasionnant une rupture de contrat. Une indemnité devra être payée. En outre, une rupture de contrat est interdite au cours de la saison. Par ailleurs, des mesures disciplinaires pourront être appliquées par la Chambre de Règlement des litiges, en l’absence de préavis dans les 15 jours suivant le dernier match officiel de la saison nationale du club auprès duquel le joueur était enregistré.

Le règlement de la FIFA du 1er septembre 2001 relatif aux transferts de joueurs prévoit aussi les modalités de calcul de l’indemnité pour rupture de contrat , les sanctions disciplinaires sportives pour rupture unilatérale de contrat sans juste motif ou juste cause sportive , les cas de rupture de contrat pour juste cause sportive .On voit donc que le footballeur professionnel peut rompre son contrat après la période de stabilité en indemnisant le club quitté par une somme de transfert négociée de gré à gré.
Mais voilà que l’affaire WEBSTER rendue le 29 janvier dernier par le Tribunal Arbitral du Sport apporte un grand changement.

De quoi s’agit-il ?

Un arrière central britannique de 25 ans du nom de Andrew WEBSTER était engagé par le club écossais d’Heart of Midlothian jusqu’au 30 juin 2007 (fin de la saison sportive). Un an auparavant, le joueur décide de rompre unilatéralement son contrat et ce, sans véritable cause.

Il s’engage par la suite auprès du club anglais de Wigan. Son ancien club écossais porte alors l’affaire devant la Chambre de résolution des litiges de la FIFA pour être indemnisée financièrement. Ensuite devant le TAS.

Il faut rappeler que le règlement de la FIFA du 1er septembre 2001 et celui du 1er juillet 2005 précisent que le joueur ne pouvait rompre son contrat de façon unilatérale que dans certaines conditions en fonction de son âge et de la durée restante de son contrat.

Ainsi, pour un joueur âgé de moins de 28 ans, il lui est interdit de rompre son contrat de façon unilatérale lors des 3 premières années de son contrat. Sinon, il sera sanctionné sur le plan sportif (suspension) et condamné à payer une amende.
Après, les 3 premières années, le joueur pourra rompre son contrat sans être sanctionné sur le plan sportif. En revanche, il sera obligé de payer une amende au club quitté. Cette amende qui est le montant du transfert est négociée de gré à gré.

Pour un joueur âgé de plus de 28 ans, le même schémas est reproduit sauf que la période protégée de son contrat pendant laquelle il lui est interdit de rompre unilatéralement son contrat passe à 2 ans au lieu de 3.
Ainsi, pendant les 2 premières années, le joueur lui est interdit de rompre son contrat de façon unilatérale lors des 2 premières années de son contrat. Sinon, il sera exposé à des sanctions sportives et financières.
Après, les 2 premières années, le joueur pourra rompre son contrat en payant une amende dont le montant est fixé de gré à gré.

Depuis l’arrêt WEBSTER de fin janvier 2008, le Tribunal Arbitral du Sport juge que désormais pour calculer le montant du dédommagement du club quitté, le calcul ne se fera de gré à gré mais a retenu que "le critère le plus approprié, en prenant compte le solde de la rémunération due au joueur selon le contrat de travail, au moment de la résiliation"

La messe est dite le footballeur professionnel devient un salarié de droit commun. Désormais, au cas où il doit quitter son club après la période protégée, il ne lui doit que le montant de la durée restante de son contrat. S’il reste par exemple au joueur 2 ans de contrat, le club quitté ne sera dédommagé qu’à hauteur de 2 ans de salaire et non indemnisé de gré à gré.

Conséquences : l’objectif de stabilité contractuelle donc d’équilibre de la compétition tant voulue par la FIFA est gravement mis en cause.
Pour les clubs c’est un véritable manque à gagner puisque le joueur engagé prend de la valeur grâce à l’image et le prestige du club et peut le quitter à tout moment dès la fin de la période de stabilité en remboursant seulement le montant correspondant à la durée restante de son contrat de travail.

Pour les joueurs, c’est plus de liberté pour eux donc de mobilité donc plus de sous.

Mais rassurez vous ce n’est pas la fin des transferts de joueurs. Au contraire, l’arrêt WEBSTER accélère le rythme des transferts puisque le club doit tout faire pour transférer le joueur avant la fin de la 3e année s’il a moins de 28 ans et avant la fin de la 2e année si le joueur a plus de 28 ans.

Moustapha KAMARA Docteur en droit du sport, lauréat du grand prix UCPF 2007,
Auteur de l’ouvrage : Les opérations de transfert des footballeurs professionnels, éd. LHARMATTAN,
coll. logiques juridiques, sept.2007, 340 pages.

L’article 22 du règlement précité sur les transferts de joueurs prévoit que, si rien n’est prévu par le contrat, l’indemnité pour rupture de contrat par le joueur ou le club devra être calculé conformément au droit national, aux spécificités du sport et en tenant compte de tout critère objectif inhérent au cas, tel que : rémunération et autres bénéfices dans le contrat en cours et / ou dans le nouveau contrat

1) durée de la période restante du contrat en cours (jusqu’à cinq ans maximum)

2) montant de tous les frais payés par l’ancien club amortis au prorata sur le nombre d’années du contrat

3) si la rupture intervient pendant les « périodes protégées » définies sous l’article 21.

L’article 23 du règlement prévoit des sanctions différentes selon qu’il s’agisse du joueur ou du club. Dans le cas du joueur, si la rupture intervient à la fin de la première ou de la deuxième année du contrat, la sanction sera d’une durée effective de 4 mois d’interdiction de participer à des matches officiels du nouveau club. Si la rupture intervient à la fin de la 3e année du contrat, aucune sanction ne sera appliquée sauf en l’absence d’un préavis approprié après le dernier match de la saison. Dans le cas de circonstances aggravantes, telles l’absence de préavis ou rupture répétitive de contrat, les sanctions sportives pourront être élargies sans excéder 6mois.

S’agissant des clubs, si la rupture intervient à la fin de la première ou de la deuxième année du contrat, la sanction sera l’interdiction d’enregistrer de nouveaux joueurs nationaux ou internationaux pendant une durée maximum de 12 mois suivant la rupture. Si la rupture intervient à la fin de la 3e année du contrat ou à la fin de la 2e année selon le cas des contrats signés après la 28e année, aucune sanction ne sera appliquée sauf en l’absence d’un préavis. D’autres sanctions peuvent être imposées par la Commission de discipline de la FIFA aux clubs concernés, notamment des amendes, déduction de points ou suspension d’une compétition.

Selon l’article 24 du règlement précité, la juste cause sera établie au cas par cas en prenant en considération toutes les circonstances (blessures, suspensions, position du joueur sur le terrain de jeu, âge du joueur, etc.). Elle sera examinée à la fin de la saison de football, et avant l’expiration de la période d’enregistrement en cours.

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