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Mauritanie : La fin d’une politique d’exclusion ?

Publié le mardi 13 mai 2008 à 11h36min

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1984-2005. Pendant plus de vingt ans, la Mauritanie, vaste Etat islamique (plus d’un million de km2) peu peuplé (3 086 859 habitants), a souffert le martyr avec le président Maaouya Ould Taya : libertés du peuple confisquées, emprisonnement de certains islamistes, exil forcé pour d’autres ainsi que des opposants, élections truquées pour donner la majorité au parti au pouvoir (Parti républicain démocratique et social)...

Toute chose ayant une fin, un certain 3 août 2005, l’armée, à travers un Conseil militaire pour la justice et la démocratie, chasse Ould Taya de son fauteuil et proclame officiellement "la fin du régime totalitaire du président Taya et la mise en place de véritables institutions démocratiques".

La junte militaire au pouvoir pose des actes d’ouverture et de retour à une vraie démocratie, qui prend en compte toutes les composantes de la nation.

Ainsi, l’ex-président Maaouiya Ould Taya, en exil au Qatar, est autorisé à revenir au pays ; les islamistes, longtemps interdits d’activités, sont dorénavant autorisés à participer à la vie politique et acquièrent le feu vert du nouvel homme fort de Nouakchott pour participer aux législatives en tant qu’indépendants.

La transition achevée, la Mauritanie a connu sa première élection présidentielle véritablement démocratique, sans les fraudes massives qui sont légion en Afrique, ce qui a consacré la victoire, au second tour, de Sidi Ould Cheick Abdallahi.

Aussitôt installé dans son palais, le nouvel élu ira plus loin que son prédécesseur en faveur des islamistes, qu’ils autorisent à former leur propre parti. Mieux, le 10 mai dernier, à l’occasion de la formation d’un nouveau gouvernement, des postes ministériels sont confiés aux partis d’opposition, dont le Rassemblement national pour la réforme et le développement (RNRD, islamiste).

Fait nouveau dans cet Etat, car c’est la première fois en Mauritanie qu’une formation politique de cette obédience est invitée à la table du Seigneur. N’ayant pas bonne presse sur la scène internationale, surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, les islamistes, considérés à tort ou à raison comme des terroristes proches du réseau Al Qaida d’Oussama Ben Laden, sont sous haute surveillance dans presque tous les pays où les musulmans ont pignon sur rue.

Et pour avoir la bénédiction et la protection des Occidentaux, notamment de l’Oncle Sam, un régime se doit de terroriser et de séquestrer à tour de bras ces "fous de Dieu".

Maaouiya Ould Taya avait bien appris la leçon, et le faisait bien au grand bonheur de la toute-puissante Amérique. Toujours dans cette logique, il a noué des relations diplomatiques avec l’Etat Hébreu en plus de l’Egypte et de la Jordanie parmi les pays arabes.

Quand bien même il y avait une volonté de suivre le mot d’ordre de l’Occident, il n’avait pas tort d’adopter cette politique d’exclusion, car les islamistes ont une idéologie dangereuse pour tous ceux qui aspirent aux libertés individuelles et collectives.

Et leur méthode de lutte pour parvenir à leur fin est aussi condamnable. C’est le cas avec les salafistes mauritaniens, qui se sont plusieurs fois illustrés dans des attentats terroristes et qui ont ainsi terni l’image des partis dits islamistes et même du pays.

On se rappelle qu’à la suite d’une attaque contre des touristes français, le Rallye Paris-Dakar a été annulé, faisant perdre à la Mauritanie d’importantes ressources financières que cette célèbre course allait générer.

Toutefois, l’entrée au gouvernement du RNRD est une décision salutaire à certains égards, car mieux vaut avoir avec soi des gens jugés dangereux et, comme le disait fort justement un sage burkinabè, "pour un pouvoir, il vaut mieux avoir les opposants dedans et crachant dehors que de les avoir dehors crachant dedans". En leur octroyant des postes ministériels, le pouvoir fait d’eux des alliés susceptibles d’adopter de nouvelles attitudes.

Et sur le continent africain, ils sont nombreux, ces opposants virulents qui, une fois invités au repas du Seigneur, retournent la veste pour devenir des mouvanciers.

Du coup le pays connaît une démocratie apaisée ne serait-ce que pour quelque temps. Et c’est tant mieux pour la paix sociale.

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur

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