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Tahirou Tasséré Ouédraogo, cinéaste burkinabè : "Le cinéma burkinabè est devenu une question de survie"

Publié le mercredi 11 juin 2008 à 11h12min

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Tahirou Tasséré Ouédraogo, jeune cinéaste burkinabè, est actuellement en tournage sur sa nouvelle série télévisuelle "L’avocat des causes perdues". Avec lui, nous avons échangé autour de cette nouvelle aventure de Bila Productions. L’homme n’a pas manqué d’apprécier les 40 ans d’existence du FESPACO.

Sidwaya Mag Plus (S. M. P.) : Après "L’aventure de Wambi", Bila Productions revient avec "L’avocat des causes perdues". De quoi s’agit-il ?

T. T. O. : Avant tout, je vais préciser que nous avons bouclé 200 épisodes pour ce qui concerne la série "Les aventures de Wambi" entre 2003 et 2008. C’est un record pour moi en ce sens que lorsque j’ai atteint 100 épisodes, des chaînes internationales comme TV5, Paris 1re, I2 de l’Australie, la chaîne n°2 de San Francisco continuaient de diffuser la série. Cela m’a encouragé à aller jusqu’à 200 épisodes. Actuellement, les "aventures de Wambi" passent toujours sur Canal + Horizon, sur la chaîne australienne, à San Francisco. Maintenant, nous avons décidé d’entamer le tournage d’une nouvelle série, "L’avocat des causes perdues". Nous avons mijoté cette série depuis 2005. A l’époque, nous l’avions intitulé, "Palais de justice". Nous avons retravaillé la série avec des anciens comme Emmanuel Sanon et voilà maintenant "L’avocat des causes perdues". J’ai eu des soutiens grâce à deux chaînes internationales (CFI et la chaîne australienne). Je démarre la présente série avec 26 épisodes de 26 mn chacun, tout en espérant aller jusqu’à 100 épisodes d’ici à 2010.

S. M. P. : Le tournage est prévu pour durer combien de temps ?

T. T. O. : Pour les 26 épisodes, le tournage est prévu pour six (6) mois. Depuis le 1er avril 2008, nous sommes en tournage. Nous comptons travailler deux mois pour arrêter en fin mai et repartir en mi-juin pour finir en septembre 2008.

S. M. P. : Qui sont les comédiens retenus pour cette nouvelle expérience ?

T. T. O. : Il est difficile de changer une équipe qui gagne. "Les aventures de Wambi" a été tourné avec des comédiens comme Ildevert Médah. C’est un comédien bien connu et qui a su tenir son rôle de marabout dans "les aventures de Wambi". J’ai ensuite fait un pilote avec lui et Alain Héma en 2005. J’ai donc décidé de lui confier le rôle de Me Sawadogo, (rôle principal) dans la présente série. Le comédien incarne bien son rôle.

S. M. P. : La série traite de quoi au juste ?

T. T. O. : "L’avocat des causes perdues" traite de plusieurs thèmes. Dans notre société actuelle, nous avons beaucoup de problèmes face à la justice. Pas que nous accusons la justice mais que nous aimons condamner facilement en justice. Nous avons plein de délinquants récupérables par la société mais qui croupissent en prison. Ils sont condamnés à passer 20, 25 ans derrière les barreaux pour un vol, un petit délit. A leur sortie de prison, leur réintégration est difficile. Nous essayons, par le rôle de Me Sawadogo qui incarne l’avocat des causes perdues, de sensibiliser l’opinion publique sur cet aspect. Nous avons alors des thèmes variés "crime passionnel", "crime prémédité" un jeune qui vole une voiture sans permis de conduire, une bonne qui tue sa maîtresse, voilà autant de thèmes que nous traitons. C’est pour nous aussi une manière d’aider la justice.

S. M. P. : Qu’en sera-t-il de la distribution ?

T. T. O. : Pour l’instant, nous avons deux distributeurs. Le premier est Canal France International (CFI), une banque pour les télévisuelles ouest-africaines. Le deuxième distributeur, c’est la chaîne australienne I2. A mon avis, ce n’est pas suffisant mais nous faisons avec pour le moment. Je suis également en discussion avec la RTB.

S. M. P. : Avez-vous eu les moyens techniques et financiers suffisants pour réaliser cette série ?

T. T. O. : Il n’y a pas assez de moyens. Je tourne avec une équipe locale. J’en ai fait de même pour mon long métrage "Djanta" qui passe sur Air France actuellement. Depuis six (6) mois, la distribution continue sur Air France. C’est un record qu’aucun réalisateur africain n’a atteint. Sur mon plateau donc, il n’y a que des techniciens locaux, mais des gens qui ont l’expérience, ce sont des professionnels.

S. M. P. : Le FESPACO arrive avec ses quarante ans d’existence. Que retenez-vous de cet événement culturel ?

T. T. O. : Quarante ans arrivent mais de plus en plus nous régressons dans le domaine du cinéma. Allez-y comprendre pourquoi ? Ce sont les aînés dans le cinéma qui peuvent répondre. Lorsque j’étais encore gamin et que je suivais mon grand frère Idrissa Ouédraogo ou Gaston Kaboré depuis les années 1984 - 1985, le FESPACO était riche, beau. Il y avait des films, des histoires. Cela nous a tous donné le rêve depuis le lycée d’être un jour cinéaste. J’ai pu, grâce à ce rêve, aller faire une école de cinéma. Mais si c’était à recommencer, quand bien même j’aime ce métier, je ne le ferais plus. Je préférerais être un médecin. Je ne vis pas de ce métier. L’énergie que je donne aujourd’hui, dans dix (10) ans, je ne pourrai plus. En 2007 par exemple, nous avons vu des films, mais des films médiocres. Même mon film "Djanta" était médiocre, tout simplement parce que je n’ai pas eu les moyens nécessaires. Si j’avais eu 800 millions de francs CFA, j’aurais fait un grand film "Djanta".

Mais je l’ai fait avec 150 millions de francs CFA. Le problème c’est que nous les Africains, nous aimons nous laisser berner par les institutions européennes qui disent vouloir défendre le cinéma africain. Au fur et à mesure cependant, nous avons le sentiment que ce sont les Occidentaux qui veulent nous dicter leur loi, une sorte de recolonisation dans le cinéma. Il va falloir que le FESPACO revoie ses textes en ce qui concerne les subventions pour la production.
Les responsables du FESPACO ne doivent pas se dire qu’ils doivent se contenter rien que de la tenue du festival, s’asseoir et n’attendre que les films, les sélectionner puis les programmer. Cela veut aussi dire que n’importe qui peut venir se proclamer cinéaste, réalisateur. C’est ce qui amène petit à petit la médiocrité. En 2009, nous verrons bien ce qui va se passer. Qui dit FESPACO, dit aussi cinéastes. Le FESPACO régresse et c’est la faute aux bailleurs de fonds, nos aînés, tous ceux qui se laissent berner par les instituts qui financent notre cinéma.

Je trouve honteux pour un pays comme le Burkina Faso, capitale du cinéma africain, de laisser n’importe qui devenir cinéaste. Auparavant, nous avions des inspecteurs d’Etat sur des plateaux de tournage, des scénaristes au ministère de la Culture pour lire et corriger les scénarii. Tout ceci n’existe plus.
Nous avons un nouveau Directeur national de la cinématographie (DCN). Nous espérons qu’il y aura une nouvelle coordination. Il faut réellement se pencher sur la réorganisation du cinéma burkinabè ; sinon, le cinéma burkinabè est devenu une question de survie.

Entretien réalisé par Ismaël BICABA (bicabai@yahoo.fr)

Sidwaya

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