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Catastrophe en Birmanie : Darfour, Harare, Rangoon… même Pékin

Publié le vendredi 9 mai 2008 à 11h18min

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Comme si la férule des généraux ne suffisait pas, voilà que la dictature de la nature s’en mêle. Dimanche, la Birmanie, un pays de l’Asie du Sud-Est jusque-là connu pour ses militaires dictatoriaux et ses rizières du delta de l’Irrawaddy, ses forêts de teck et de bambou à moins que ce ne soit pour la culture de l’opium, a en effet été frappée de plein fouet par le cyclone Nargis. Les chiffres, terrifiants, parlent d’eux-mêmes : près de 100 000 morts, quelque 50 000 disparus, des milliers d’autres blessés, des villages entiers engloutis par les eaux, faisant un million de sans-abris avec tous les risques d’épidémies liés à une telle situation.

Selon les spécialistes, c’est le cyclone le plus destructeur dans cette partie du monde depuis celui de 1991 au Bengladesh, qui fit alors 143 000 victimes. Encore que le bilan de la présente catastrophe soit loin d’être définitif. Les Birmans, qui ployaient déjà sous le joug de la junte depuis 1962, n’avaient vraiment pas besoin de cela.

Mais le plus catastrophique dans tout ça est l’attitude du régime devant le drame. En temps normal, les autorités d’un tel pays sinistré se seraient empressées de demander l’aide internationale, parfois même en gonflant les données pour susciter davantage de commisération et donc, de générosité, quitte à détourner une partie des dons comme c’est souvent le cas.

Or là, rien de tel. Alors que la nécessité d’une opération humanitaire de grande envergure paraît évidente pour les êtres doués de raison et de bon sens, les soudards renâclent à autoriser l’accès du territoire aux représentants des Etats et des organisations non gouvernemtales (ONG) prêts à intervenir pour soulager les populations et circonscrire le drame.

C’est tout juste si les satrapes de Rangoon consentent, sous la pression de pays amis ou voisins comme la Chine, la Thaïlande, l’Indonésie, l’Inde, la Malaisie ou le Japon, à entrebâiller les portes de ce goulag à ciel ouvert. Bernard Kouchner, le chef de la diplomatie française, qui sait sans doute de quoi il parle pour avoir été, dans une autre vie, soldat de l’humanitaire, à raison : le refus d’accepter l’envoi d’équipes de secouristes est une « catastrophe dans la catastrophe ».

Il est vrai qu’il y a un côté suicidaire dans cet entêtement, même si l’attitude contre-productive de cette satrapie n’a rien d’étonnant. Mis au ban de la communauté internationale pour leur politique répressive, ces bidasses obtus, atteints d’autisme aigu, n’ont en effet pas envie de voir l’aide devenir un joli prétexte pour leurs contempteurs pour prendre pied sur leur domaine.

Une crainte bien compréhensible, les ONG étant, à tort ou à raison, souvent considérées comme la cinquième colonne des puissances occidentales, qui ne se privent pas à l’occasion, il faut le dire, de les utiliser à des fins parfois inavouables. Les vagabonds de l’humanitaire sont ainsi perçus comme une armée de subversifs et ce doit être bien cela qui effrait les despotes de Myanmar. Quand on massacre son propre peuple à huis clos, il vaut mieux effectivement ne pas avoir de spectateurs, sous quelque prétexte que ce soit.

Mais de là à empêcher des âmes charitables de venir sauver de pauvres hères en détresse qu’on ne peut pas soi-même secourir, il faut voir à ne pas pousser trop loin le bouchon du cynisme. C’est du reste quand surviennent ces tragédies, qu’on mesure toute la pertinence du droit d’ingérence humanitaire conceptualisé, entre autres personnalités, par le French Doctor, mais souvent difficile à mettre en œuvre, comme c’est le cas présentement.

Une preuve supplémentaire de ces interventions à la tête du client a d’ailleurs été administrée par le Conseil de sécurité de l’ONU, qui a repoussé la proposition hexagonale invoquant la clause de « responsabilité de protection » et visant à contourner l’inflexibilité des autorités birmanes pour voler au secours des naufragés. La Birmanie, ce n’est pas Anjouan.

Il faut dire que pour se permettre une telle allégresse macabre, les bourreaux d’Aung San Suu Kyi ont un soutien de poids, le puissant voisin chinois. Autant dire son maître en matière de violations des droits de l’homme. Décidément, qu’on soit au Darfour, à Harare ou à Rangoon, c’est le même Pékin.

Ousséni Ilboudo

L’Observateur

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