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Union africaine : Que pourra faire le "Chinois" ?

Publié le mardi 29 avril 2008 à 11h50min

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C’était, il y a un trimestre. La dixième session ordinaire de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine (UA), tenue du 31 janvier au 2 février 2008 à Addis-Abeba, en Ethiopie, a été marquée, entre autres, par l’élection du nouveau président de la Commission.

Précédemment occupé par Alpha Omar Konaré, qui, depuis un certain temps, n’était plus candidat à sa propre succession, ce poste était convoité par au moins trois personnalités pistonnées par leurs pays respectifs et quelques gouvernements amis. Finalement, c’est le Gabonais Jean-Ping, ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères, de la Coopération et de la Francophonie, qui remporta le scrutin par 31 voix sur un total de 46 votants.

Trois mois après son élection, Jean-Ping, surnommé le "Chinois" (il est né d’un père Chinois et d’une mère Gabonaise), a été officiellement installé dans son fauteuil hier 28 avril 2008 au cours d’une cérémonie solennelle, marquée par la remise des symboles de l’Union, à savoir le drapeau et l’Acte constitutif, au nouveau patron de l’organe exécutif de l’UA.

Alpha Omar Konaré a donc passé la main à son successeur. On imagine le sentiment de soulagement qui l’anime, lui qui a eu du mal à gérer cette structure et qui, de ce fait, n’avait plus l’intention de briguer un autre mandat.

En effet, le passage de l’ancien président malien à la tête de la Commission de l’UA n’a pas été un franc-succès, en dépit de la carrure de l’homme. Bien qu’il soit un démocrate convaincu et un intellectuel de haut vol, ses qualités et ses valeurs intrinsèques ne lui ont pas été d’un très grand secours pour imprimer ses marques indélébiles à l’institution, qui avait souffert d’un dysfonctionnement. En plus, Alpha Omar Konaré avait en face de lui ses anciens pairs, avec qui il devrait et voulait (et c’est normal) discuter d’égal à égal.

Mais discuter d’égal à égal avec ses anciens pairs, il n’en était plus question, car, pour cette corporation, qui quitte la tête de l’Etat et des affaires publiques ne peut plus se considérer comme tel et ne pourrait aucunement continuer à discuter avec ceux qui, peut-être grâce à de renversantes révisions constitutionnelles, sont restés toujours à leur poste, tant convoité.

Bien qu’il eût de belles idées, il n’a pas eu les coudées franches pour travailler. Alors, Ping réussira-t-il là où un homme de la trempe de l’historien malien a échoué ?

Difficile d’y répondre à l’heure actuelle. Toutefois, il faut le reconnaître, le "Chinois" a du pain sur la planche. Des dossiers brûlants tels que les crises politiques au Zimbabwe, au Kenya, au Darfour, les conflits entre le Tchad et le Soudan à propos de la rébellion contre le régime d’Idriss Dedy, la crise alimentaire et la question même du fonctionnement de l’UA sont là pour nous rappeler que le poste de président de la commission de l’UA est tout sauf une sinécure.

Et pour dire vrai, Jean-Ping hérite d’une UA malade : absence de moyens financiers (de nombreux pays ne payent plus leurs cotisations), prises de décisions hasardeuses qui créent des précédents dangereux (envoi de soldats à Anjouan), incapacité à trouver des solutions aux conflits, etc.

En tout cas, depuis 1963 que le père de l’UA, c’est-à-dire l’OUA, a été porté sur les fonts baptismaux, les attentes des résultats n’ont toujours pas été satisfaites. Mais en dépit de tout cela, l’UA a eu au moins le mérite d’exister et les pays qui la composent ont toujours parlé d’une même voix lorsque certains intérêts vitaux du continent étaient en jeu. Même s’il faut reconnaître que lorsqu’on compare l’UA et l’Union européenne, qu’elle veut justement singer, c’est le jour et la nuit.

En réalité, l’UA est à l’image même des pays qui la constituent. Tant que les Etats africains ne seront pas véritablement démocratiques, tant qu’on triturera les constitutions pour se maintenir au pouvoir, et tant qu’on n’aura pas un sens aigu de l’organisation (mère de toute réussite et de tout succès), il sera difficile que l’Organisation continentale puisse donner les résultats escomptés.

Et comme il faut parler vrai, c’est dans les grands chantiers de construction africaine que le juge, disons le "maçon chinois" Jean-Ping sera utilement jugé. Prenons rendez-vous pour le prochain anniversaire pour voir clair avant d’émettre un avis. En attendant, espérons que Jean-Ping sera à la hauteur de la situation.

Adama Ouédraogo Damiss

L’Observateur

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