LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Zoug -Na- Zagmda : Le nec plus ultra de la chanson traditionnelle moaaga*

Publié le mercredi 16 juin 2004 à 11h52min

PARTAGER :                          

Secteur 30 de Ouagadougou, coté Ouest du laboratoire national de santé publique. Quelque part aux abords d’une rue insignifiante, trône un impressionnant immeuble à deux niveaux, qui se fait remarquer par ses couleurs vives.

C’est là que réside un talentueux artiste de la chanson traditionnelle moaaga. Quoi, un chanteur traditionnel propriétaire d’un tel " château " ? De surcroît dans un pays où de nombreux musiciens modernes se couchent le soir dans leur célibatorium entrez-couchez, avec la crainte de voir le bailleur se pointer à l’heure du laitier pour réclamer son dû ? Ce monsieur s’appelle Zoug-na-zagmda*.

Ce nom que Bernard de Rosny-sous-Bois en banlieue parisienne aura toujours du mal à prononcer est celui d’un des plus grands chanteurs traditionalistes burkinabè. Troubadour ? Griot ? Conteur ? Non ! Chanteur tout simplement. Les billets de banques qui pleuvent sur le podium lors de ses exhibitions ne constituent pas à eux seuls la base de la fortune d’Issiaka Ouédraogo alias Zoug-na-zagmda.

Travail ardu, persévérance et organisation rigoureuse sont les mots qui ont façonné sa réussite. On ne devient membre de son orchestre que lorsqu’on a déjà fait ses preuves ailleurs. Alors, avec une tarification par prestation allant de 200 000F à 300 000F.CFA, il engrange de quoi nourrir la centaine de personnes qui est à sa charge. Qui a dit que la musique burkinabè ne nourrit pas son homme ?

Chantre émérite de la tradition moaaga, ce jeune homme de 41 ans manie la langue de Ouédraogo avec une habileté qui ferait pâlir de jalousie le vieux conteur Kouka du Sanmatenga profond. Zoug-na-zagmda, qui chante depuis 1978, a su amener la musique traditionnelle de son terroir sur le piédestal de la gloire internationale.

Des scènes de Côte d’Ivoire, du Mali, du Ghana, du Togo et de France ont eu l’occasion d’apprécier cet artiste au talent immense. Après avoir créé sa troupe en 1984 (celle-ci compte aujourd’hui 22 musiciens traditionnels), celui qui, jadis vivait de commerce, a décidé depuis 1987 de se consacrer corps et âme à la chanson traditionnelle. D’ailleurs, avec un rythme régulier de 27 concerts live par mois, il serait difficile d’avoir d’autres occupations. En faisant ce choix, Zoug-na-zagmda n’a pas eu tort.

Son palmarès est là, éloquent : 64 K7 audio, 4 CD, 5 VCD, et 3 clips télé. Qui dit mieux ? La parfaite orchestration qui soutient des paroles tantôt historiques, tantôt philosophiques, mais toujours profondes, séduit forcément le mélomane qui sait apprécier une orchestration juste, où benda, calebasses et kundé (instruments traditionnels moose) se tutoient avec hardiesse. Lorsqu’en plus on a la chance d’être mooréphone, le plaisir est décuplé. Pourtant, l’école de cet artiste, c’est sa curiosité pour la vie de tous les jours.

Les 45 provinces du Burkina qu’il sillonne annuellement, lui fournissent assez d’élément, pour chanter l’histoire d’au moins une quarantaine d’ethnies burkinabè. Président de la toute nouvelle Association des chanteurs traditionnels de Ouagadougou (ACTO), Zoug-na-zagmda n’hésite pas à donner un coup de pouce aux collègues qui lui en font la demande. Son agenda est tellement bien garni que les vacances qu’il prend dès le mois de juin ne lui suffisent pour découvrir d’autres aires culturelles d’ici et d’ailleurs. Alors, il envisage réduire le nombre de ses concerts à dix par mois.

Disposant d’un matériel technique impressionnant et d’un parc auto à faire mourir d’envie n’importe quel orchestre moderne burkinabè, ce virtuose de la chanson traditionnelle se signale surtout par sa modestie et son désir inextinguible de savoir culturel et historique. Il estime que si Dieu lui a donné ce don, il l’a en même temps investi d’une mission : celle d’aider ses frères face aux problèmes quotidiens. C’est pourquoi il fouine quotidiennement dans l’histoire et la culture des groupes sociaux avant de monter ses multiples messages de sensibilisation.

Zoug-na-zagmda, qui n’a plus remis les pieds en République de Côte d’Ivoire depuis 1998, a produit jusqu’à 4 cassettes, faites essentiellement de conseils en direction des nombreuses colonies burkinabè qui y vivent. A l’occasion du gigantesque concert qu’il organise le 29 juin 2004 pour fêter le 20ème anniversaire de son groupe, il compte remettre ça, dans tout un autre registre. Alors, à bon entendeur…

Ludovic O Kibora
L’Evénement

* Adjectif dérivé de Moose (injustement écrit mossi), ethnie majoritaire du Burkina Faso
" Ce nom est une contraction d’un dicton moaaga qui dit que " même si ta tête te gratte tu ne saurais porter une montagne " (que chacun sache supporter la charge qui est la sienne).

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique