LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Kenya, Zimbabwé, Guinée : L’Etat moderne africain a échoué

Publié le lundi 14 avril 2008 à 11h45min

PARTAGER :                          

L’Afrique continue de s’empêtrer dans des conflits. La malgouvernance, l’incurie des dirigeants et l’hypocrisie internationale sont les facteurs principaux de cette instabilité permanente. Après le vent d’espoir des années 90, où des embryons de démocratie ont commencé à émerger, un coup de frein est cependant observé ces dernières années sur les processus de construction d’Etats viables.

Le cas kényan est emblématique de la limite atteinte par les processus démocratiques en Afrique et de la nécessité de relancer la machine. Mais comment augmenter d’un cran les standards démocratiques dans des pseudo-Etats avec des acteurs politiques sans conviction et des institutions rabaissées au rang de chambres d’enregistrement ? Mwai Kibaki, le président kényan, se proclame, comme tous ses pairs, démocrate, pour épouser son temps. Il s’est ainsi plié à une des exigences de la démocratie libérale qui est la tenue d’élections pluralistes. Pour lui, son devoir s’arrête là, puisque tout le reste du processus (opérations électorales, transparence et régularité du vote, respect du choix des électeurs) a été éhontément vicié. Ce viol du serment que tout chef d’Etat fait, de respecter le verdict des urnes, a entraîné le pays dans la spirale de violences que l’on sait et dont une résurgence n’est pas à exclure. Mais de tous ces morts et ces destructions, le président n’en a cure, l’essentiel pour lui étant d’être toujours en place.

Ce qui se passe au Kenya est la résultante aussi, en plus de la prédation que le pouvoir exerce sur les institutions nationales, de la complaisance internationale. Malgré la gravité des fautes commises par Kibaki, le seul élément de pression qui lui a été opposé est qu’il partage le pouvoir. Une façon de cautionner les fraudes électorales, de passer par pertes et profits le millier de morts et de maintenir Kibaki au pouvoir. L’objectif des amis du président kényan est pleinement atteint.

Robert Mugabe n’ayant jamais accepté de se soumettre au diktat de certaines puissances, ne bénéficie bien sûr pas de ce traitement de faveur. Et c’est en cela que résident l’ambivalence et l’ambiguïté du regard de la communauté internationale sur les avancées démocratiques en Afrique. D’une part, elle permet à un fraudeur de se maintenir au pouvoir et même de narguer le vrai vainqueur, et de l’autre, elle cherche à abattre un dirigeant dont le seul tort est d’être un insoumis. En distribuant ainsi les bons et les mauvais points uniquement à la tête du client, les pays occidentaux encouragent la médiocrité démocratique en Afrique. Mugabe par exemple ne verrait pas de raison particulière à appliquer strictement les règles de bonne gouvernnace imposées par l’Occident alors même que des dérives graves sont tolérées au Kenya. Cette injustice peut le pousser à opérer une forme de radicalisme.

Chez d’autres dirigeants déjà peu convaincus de l’idéal démocratique, ce manque de rigueur des Occidentaux aura pour effet de ramollir encore plus leur ardeur à instaurer l’Etat de droit. Pourquoi en effet prendre des risques de perdre le pouvoir en jouant véritablement le jeu dans un contexte de relâchement général ? D’ailleurs, nombre de dirigeants ont très vite compris ce qu’il fallait faire pour être tranquille : satisfaire aux desiderata des intitutions financières internationales et accorder quelques contrats juteux à des entreprises occidentales. La quête démocratique dès lors, est tronquée, du fait d’une complicité entre dirigeants africains et occidentaux.

Partant, c’est la question même de l’existence et de la crédibilité de l’Etat moderne africain qui se pose. En Afrique, on est en présence, dans la plupart des cas, d’Etats hybrides, à mi-chemin entre la démocratie libérale et la monarchie absolue. On a copié le modèle occidental sans pour autant accepter d’en assumer toutes les exigences, dont les principales sont la justice, la liberté et l’alternance au pouvoir. On peut aussi s’interroger sur la sincérité des grands pays à voir s’instaurer des régimes démocratiques en Afrique. La Guinée de Lansana Conté, stratégique et précieuse pour ses ressources minières, fait l’objet d’une bienveillance suspecte des donneurs de leçon occidentaux.

Il est réconfortant néanmoins de voir qu’il est des acteurs politiques africains conscients de cet échec et prêts à l’assumer. Est de ceux-là le ministre Salif Diallo qui, dans sa thèse de doctorat, intitulée "La transformation de l’Etat en Afrique", reconnaît que l’Etat africain est en crise. Pire, il affirme dans le quotidien Sidwaya du 30 août 2005 que "le mal africain, c’est l’Etat". Venant d’un homme politique de l’envergure de Salif Diallo, ce constat, d’un courage exemplaire, interpelle sur la réalité du problème. Mais une chose est de poser un diagnostic juste. Encore faut-il pouvoir engager les changements nécessaires pour qu’à l’image de l’Asie, l’Afrique s’approprie son modèle de développement.

"Le Pays"

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique