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Justice sénégalaise : Une constitution taillée sur mesure pour Habré

Publié le jeudi 10 avril 2008 à 11h56min

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L’Assemblée nationale du Sénégal a amendé mardi 08 avril courant la Constitution de ce pays, en y introduisant le principe de rétroactivité de la loi pour ce qui est des crimes contre l’humanité, dont la commission est reprochée à l’ex-chef d’Etat tchadien Hissène Habré, au pouvoir entre 1982 et 1990. Cette nouvelle disposition s’applique également aux crimes de guerre et aux faits de génocide. Voilà Omar el-Béchir prévenu.

Bien que, par principe, la loi doive être de portée générale, sous peine d’être partiale, force est de reconnaître que l’amendement en question vise surtout à lever l’obstacle de l’irrecevabilité d’une plainte contre Habré, réfugié au Sénégal depuis sa chute ; autre principe juridique dont on a dû faire l’économie pour les besoins de la cause : la loi dispose pour l’avenir, non pour le passé, pas même pour le présent.

Le moins que l’on puisse dire est donc que dans le cas d’espèce, nous avons bel et bien une loi sur mesure et à la mesure de Habré, autrement dit une loi ad’hoc. L’Amérique n’a-t-elle pas fait introduire la peine de mort en Irak spécialement pour se venger de Saddam Hussein ? Cette loi sénégalaise pourrait faire jurisprudence chez Wade voire au-delà, tant les génocidaires, les criminels de guerre et/ou contre l’humanité, ce n’est pas ce qui manque parmi nos rois Christophe.

Rappelons qu’en juillet 2006, le Sénégal a été mandaté par l’Union africaine (UA) pour abriter le procès de Habré. Auparavant le 15 novembre 2005, il avait été arrêté par la justice sénégalaise par suite du mandat d’arrêt lancé contre lui en septembre 2005 par la justice belge, le pays de l’ex-propriétaire privé de la l’Etat du Congo ayant, en 1993, voté une loi de compétence universelle, qui permettait, dans un premier temps, de poursuivre devant les tribunaux belge tout auteur de crime de guerre, de crime contre l’humanité et de génocide, et cela, quelqu’en soient leur nationalité et le lieu où les faits ont été commis.

Mais ne voilà-t-il pas que cette compétence universelle a été restreinte en août 2003 pour ne s’appliquer désormais qu’aux crimes qui ne peuvent être jugés dans le pays où ils ont été commis ? Entre-temps (le 30 novembre 2000), des originaires du Tchad déposent en Belgique contre Hissène Habré une plainte avec constitution de partie civile pour crime contre l’humanité, torture, arrestation arbitraire et enlèvement.

Suite à quoi le juge d’instruction Daniel Fransen demanda l’extradition d’Hissène. Mais en novembre 2005, le Sénégal se déclara incompétent pour l’extrader, ce, après qu’en mars 2001, Dakar s’était estimé incompétent pour le juger.

Idriss Déby, patron de l’armée sous Hissène Habré, qu’il renversera plus tard, s’est, lui, contenté de déclarations formelles du genre : "Le Sénégal doit extrader M. Habré, citoyen tchadien".

Au-delà des questions de forme, doit-on juger Hissène sans citer à comparaître, au moins comme témoin, Idriss Déby, son ancien chef des services spéciaux ?

Car, si juger les dictateurs en ceux qui commentent des entorses aux droits humains doit être le principe et leur non-jugement l’exception, cette arme dissuasive perd quelque peu de son sens quand des coupables potentiels échappent à toute poursuite sous divers prétextes, d’autant plus qu’alors, les infortunés du moment qui se retrouvent devant les juges ne récoltent probablement pas la juste mesure de ce qu’ils ont peut-être semé.

Alhassane Rouamba

L’Observateur

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