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Manifestations contre la vie chère : Pourquoi cette culture de la violence

Publié le lundi 7 avril 2008 à 11h29min

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Le Mouvement pacifique du Burkina (MPB) revient, à froid, sur les manifestations contre les violences de février dernier au Burkina pour rechercher les causes de la violence qui les ont émaillées.

Les récentes manifestations violentes contre la vie chère, survenues après celles des casques, de la chaîne des bars Kundé, des militaires et policiers, constituent des menaces graves à l’Etat de droit, aux droits humains et à la paix sociale. Malheureusement, comme on peut le constater, la violence est devenue une forme d’expression, ces derniers temps, au Burkina.

C’est pourquoi, s’il appartient au bon sens de condamner sans ménagement les violences enregistrées lors des manifestations contre la vie chère car aux antipodes de l’esprit républicain, il s’avère, toutefois, également impérieux de rechercher, au-delà du marché, les causes profondes de cette culture de la violence de plus en plus inquiétante. En effet, les différents évènements aussi bien récents qu’antérieurs achèvent de convaincre qu’un malaise existe quelque part. Pour sa part, le Mouvement pacifique du Burkina qui veut promouvoir la non-violence, la paix et les droits humains, après une analyse minutieuse de la situation nationale relative aux violentes manifestations contre la vie chère, fait les réflexions ci-après :

De la situation des jeunes

Les personnes interpellées pour cause de violences dans les manifestations contre la vie chère sont dans leur quasi-majorité des jeunes de moins de 25 ans. Pour peu qu’on observe les évènements ayant donné lieu à la violence, que ce soit dans le cadre de la vie chère ou qu’il s’agisse des crises similaires antérieures (citées dans l’introduction), l’implication majeure des jeunes est une constante incontestable. Ce sont eux les principaux acteurs des violences. Cet état de fait amène à dire que le manque d’emploi, le chômage et l’absence de repères sociaux qui caractérisent la jeunesse sont grandement responsables du développement de l’instinct de mort chez les jeunes et qui se traduit en pratique par la colère, la haine et la violence destructrices. L’ex-président français Jacques Chirac disait à Bamako, au Mali, que "le chômage des jeunes est une bombe à retardement". Si donc, les jeunes Burkinabè commencent à faire de l’extrémisme un pain béni ou, au besoin, se transforment en kamikazes et en cabris morts, cela illustre à suffisance le seuil critique auquel est parvenu le mal-être des jeunes dont l’horizon s’obscurcit et l’espoir s’évanouit davantage chaque jour qui passe. A ce stade, un péril des jeunes est à craindre sur la paix et la stabilité sociale. C’est pourquoi, il est nécessaire pour le gouvernement de mettre en oeuvre une politique plus volontariste que réaliste de la jeunesse en totale rupture d’avec les discours institutionnels et autres initiatives aventureuses et contre-productives, jusque-là. En tout état de cause, la violence, l’incivisme, l’intolérance sont à considérer comme résultant de la pauvreté, de la misère et de la marginalisation des jeunes en particulier, et des familles en général. Aussi apparaît-il, en guise d’alternative, préférable de mettre fin aux multiples soubresauts et de préserver le Burkina de l’explosion de cette "bombe" à retardement et de tout drame social, par une saine redistribution des fruits de la croissance qui s’entend par l’insertion socioprofessionnelle des jeunes, la baisse du coût de la vie et l’amélioration radicale des conditions de vie des catégories sociales sensibles et des travailleurs.

De la hausse des prix sur le marché

La vie chère, comme l’a signifié une certaine opinion publique nationale, au-delà des causes exogènes, procèderait avant tout de l’autorégulation de fait concédée aux forces du marché par l’Etat qui s’est comme dispensé de son rôle régalien de régulation et de surveillance. Toutes choses qui, aidées des appétits mercantilistes et la recherche effrénée et exclusive du profit, ont favorisé le dérèglement structurel du marché au travers des comportements inflationnistes. La spéculation et les monopoles de fait à l’importation de certains produits de grande consommation tels que le riz en apportent la preuve. L’instauration injuste de la loi du plus riche par des mesures économiques austères à l’importation du riz est un des cas palpables parmi tant d’autres qui constituent les nombreux faits générateurs d’inflation. Tenant compte du contexte d’économie de marché et du principe de libre concurrence qui lui est sous-jacent, l’entrave à la diversification des importateurs dans le cas de certains produits est une négation du principe de libre concurrence. Dans cette même optique, l’empêchement délibéré de l’augmentation conséquente, par le biais des monopoles, des quantités sur le marché, pouvant entraîner la baisse des prix et permettre l’accès des citoyens à une consommation optimum est à considérer comme étant une violation flagrante du droit à l’alimentation des Burkinabè.

Des personnes emprisonnées

Des personnes ont été arrêtées, jugées et condamnées pour leur implication avérée d’une manière ou d’une autre dans les manifestations contre la vie chère à Bobo Dioulasso et à Ouagadougou. Avant même que la justice ne dise son dernier mot vu les possibilités d’appel, il faut dire que les circonstances des arrestations et les difficultés éprouvées au cours des procédures judiciaires, notamment dans la constitution des preuves dont la preuve palpable demeure le relâchement d’un nombre important d’entre ces personnes arrêtées, plusieurs voix s’élèvent pour demander l’élargissement des personnes condamnées. C’est le lieu de dire que cette démarche qui s’inspire de l’article 54 de la Constitution et qui vient après que justice eut été rendue, ne peut être assimilée, d’aucune façon, à une quelconque volonté d’encourager l’impunité, encore moins le non-droit dans l’Etat de droit.

Des propositions pour l’apaisement

Au regard donc du contexte sociopolitique national très préoccupant, le Mouvement pacifique du Burkina insiste sur la nécessité que des actions citoyennes appropriées susceptibles d’un enracinement de la culture du civisme, de la non-violence et de la paix soient entreprises auprès des couches populaires, et des jeunes en particulier, le plus urgemment possible.

Au regard de tout ce qui précède et dans le souci de l’apaisement, de la cohésion et de concorde nationale, le MPB propose ce qui suit :

- Plaide auprès du président du Faso pour une grâce présidentielle en faveur des personnes emprisonnées dans le cadre des manifestations contre la vie chère ;

- Exhorte une régulation du marché et la maîtrise de l’inflation par la création d’un fonds de stabilisation des prix, d’une levée des monopoles de fait sur l’importation des produits de grande consommation, la mise en place d’un observatoire des prix et la valorisation de la production locale ;

- Recommande la prolongation du dialogue avec les milieux commerçants, en l’occurrence ceux du secteur informel et la création d’un cadre permanent de concertation spécifique avec le secteur informel ;

- Suggère au gouvernement de prendre des initiatives exceptionnelles d’assistance et de solidarité envers les victimes des manifestations contre la vie chère ;

- Invite les citoyens, et les jeunes en particulier, à la non-violence en toutes circonstances et à cultiver les enseignements des figures emblématiques comme Gandhi, Luther King, Nelson Mandela ;

- Demande au gouvernement de lutter efficacement contre le chômage des jeunes par l’augmentation significative de l’offre d’emploi et par l’instauration de fonds communaux d’appui aux initiatives de jeunes ;

- Encourage le gouvernement à promouvoir la bonne gouvernance et à lutter vigoureusement contre l’impunité ;

- Salue la création de la Coalition contre la vie chère et adhère à ses objectifs.

Ouagadougou, le 30 mars 2008

Pour le Mouvement pacifique du Burkina

Tasséré Sawadogo/ AREDA

Porte-parole
Lookmann Sawadogo/ CDEC

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