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Carnet de route : Les péripéties d’un voyage à Abidjan

Publié le jeudi 3 avril 2008 à 11h21min

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Ainsi qu’on l’a vu dans nos précédentes livraisons, du 9 au 19 mars 2008, des membres du Réseau informel des journalistes du Burkina (RIJ) ont séjourné à Abidjan, sur invitation de l’Institut Goethe (Centre culturel allemand), pour participer à une exposition photos intitulée "Les faiseurs de paix". C’était également une occasion pour les professionnels des médias burkinabè de s’intéresser à la presse ivoirienne et au processus de paix enclenché avec l’Accord de Ouagadougou, signé le 4 mars 2007

Du reste, vous avez déjà pu lire dans ce cadre des interviews réalisées avec Pascal Affi N’Guessan, le président du Front populaire ivoirien (FPI) ; Charles Blé Goudé, le leader des Jeunes patriotes et Koffi Niamkey, le porte-parole de l’ancien président Henri Konan Bédié. Le RIJ, rappelons-le, a bénéficié pour ce voyage du soutien de l’ONATEL et d’Air Burkina. Ce fut une randonnée journalistique et humaine riche en enseignements qui nous a permis de découvrir les différentes facettes de la capitale économique de la Côte d’Ivoire.

Cette année encore, le Réseau informel des journalistes du Burkina (RIJ) a organisé un voyage d’études et d’échanges avec des confrères de pays de la sous-région pour s’imprégner de leur vie professionnelle. Après donc Cotonou, Lomé et Accra en août 2007, c’est Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire qui a été la ville hôte des pisse-copie membres du RIJ.

Mais avant d’y arriver, quel dur labeur ! Car, un tel voyage nécessite, vous vous en doutez, un budget conséquent plutôt difficile à boucler dans un contexte national marqué par la vie chère où tout le monde, même les plus nantis, crie "Viima ya Kanga". Mais puisqu’il fallait relever le défi, nous avons multiplié les réunions pour trouver des solutions. Sur place dans la capitale ivoirienne, les questions de logement et de restauration étaient déjà résolues grâce à l’Institut Goethe, notre "fremdenführer" pour justement emprunter à la langue de... Goethe, entendez notre guide. L’équation qui restait à résoudre était celle du transport.

Ouaga-Abidjan par la route fut envisagé dans un premier temps. Ce trajet avait l’avantage de nous permettre de voir le paysage et de toucher du doigt la réalité du terrain, notamment les tracasseries policières comme nous l’avons vécue sur l’axe Ouaga-Accra via Cotonou et Lomé. Mais cet itinéraire nous aurait pris trois voire quatre jours ; ce qui avait perturbé notre programme de séjour, car nous devions participer à un séminaire sur "Les faiseurs de paix", initié par le Centre culturel allemand.

Nous envisageons alors d’effectuer le voyage en train. Des démarches sont entreprises auprès d’un responsable de SITARAIL qui avait donné un avis favorable pour des réductions considérables du prix du ticket aller-retour. Mais là aussi, la distance à parcourir (plus de 1000 km) nécessitait 48 heures. Une autre possibilité s’offrait à nous : aller par les airs. Rapidement, un calcul nous permet de savoir que si les billets sont offerts gracieusement, les taxes aéroportuaires que nous devions obligatoirement payer équivalaient au montant prévu au niveau du train. Le choix allait de soi. Mais quelle compagnie va accepter notre proposition ? Tout de suite, nous pensons à Air Burkina.

Les billets de la paix
Un d’entre nous est commis de prendre attache avec le directeur général, Mohammed Ghelala. Il lui passe un coup de fil. Celui-ci se trouvait à Bamako. Au téléphone, l’interlocuteur de notre confrère tient des propos rassurants et promet de rencontrer une délégation du Réseau informel des journalistes (RIJ) dès son retour à Ouagadougou. Rendez-vous est pris un vendredi matin poussiéreux. Mohammed Ghelala ne s’embarrasse pas de protocole. Nous sommes aussitôt reçus.

Avant même la fin de l’exposé de notre porte-parole, Koffi Amettepé du Journal du Jeudi (JJ), sur l’objet de notre déplacement sur Abidjan, le patron d’Air Burkina livre son verdict : "Vous partez pour une question de paix. Il n’y a aucun problème. Je vous offre gratuitement des billets aller-retour". Ouf de soulagement dans le groupe. Le voyage aura lieu en avion ; ce qui nous permettra de respecter le chronogramme d’activités prévu et d’arriver à destination frais comme des gardons.

Dimanche 9 mars 2008. A 9h, tous les journalistes participants sont à l’aéroport international de Ouagadougou. Mais l’ambiance n’est pas comme celle d’août 2007 quand nous partions sur Cotonou et la cause : Kader Traoré de l’Observateur paalga manque à l’appel, empêché pour raisons de service. Pendant que les uns et les autres regrettaient son absence, un téléphone portable sonne : "C’est Kader", entend-on dire. Le cellulaire passe dans toutes les mains pour recevoir l’au revoir du confrère, qui cachait difficilement son amertume dans la voix.

A l’issue de cette longue conversation téléphonique, nous nous mettons dans les rangs pour l’enregistrement. Mais tous ne pourrons pas embarquer en même temps : Air Burkina a un excédent de passagers et Suzanne Fuchs du DED devait attendre le prochain départ. Le reste du groupe, à savoir Firmin Ouattara de l’Express du Faso, Koffi Amettepé de JJ, Rabo Soumaïla de Savane FM, Ismaël Bicaba de Sidwaya, Ramata Soré de l’Evénement et l’auteur de ces lignes avaient leurs places acquises.

A 10 h 15, nous étions confortablement installés à bord de l’appareil J3036 de la compagnie Air Burkina, plein pour Abidjan et Accra. J’occupais avec ma voisine Ramata Soré les derniers sièges à côté du réacteur qui empêchait une vue à travers le hublot. En attendant le décollage, nous bavardons avec deux hôtesses, Patricia et Estelle, de jeunes et charmantes gonzesses aux voix câlines.

Habillées en chemises bleu marine et en pantalons bleu foncé quelque peu serré qui mettaient en relief des formes généreuses, elles se précipitaient de temps à autre pour décrocher un téléphone qui ne cessait de résonner au fond de l’appareil.

Y a pas togo pour nous ?
Un quart d’heure après ces moments de distraction où je me suis laissé flatter par les larges sourires forcément commerciaux que Patricia et Estelle distribuaient, le Foker amorce enfin son décollage vers Abidjan. Un vol tranquille qui atterrit quatre-vingt minutes plus tard. Nous voici à l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny sous une température de 31°, avec un soleil qui dardait ses rayons mordants sur notre corps.

Les formalités policières sont effectuées sans incident. Dehors, notre "djatigui", l’Institut Goethe, avait envoyé un chauffeur nous convoyer à notre lieu d’hébergement à bord d’un minicar. Un jeune Ivoirien, fourré dans un jean qui avait connu plusieurs vies, produit de la friperie, déchiré par endroits, se porte volontaire pour porter nos bagages jusqu’au véhicule.

Aussitôt le service rendu, il demande qu’on le gratifie d’un peu d’argent : "Nous n’avons rien sur nous à vous donner", répond un d’entre nous. "Hé, Kôro, y a pas jeton même si c’est un togo !", s’exclame-t-il dans un français et un accent typiques aux Ivoiriens.

Nous empruntons le grand boulevard Valéry-Giscard- d’Estaing. Quelques mètres seulement de parcourus et nos narines sont traumatisées par une odeur nauséabonde qui nous empêchait de respirer. Je pense à l’affaire dite du Probo Koala, cette catastrophe environnementale survenue en Côte d’Ivoire en septembre 2006 et qui a provoqué la mort de 10 personnes et l’hospitalisation de nombreuses autres. Mais je suis vite rassuré : nous sommes à Port-Bouët, un quartier visiblement insalubre au premier regard, qui abrite, en plus de l’aéroport, la Société ivoirienne de raffinage (SIR).

C’est dimanche. La circulation est fluide. Notre conducteur roule à tombeau ouvert pour vite atteindre Treichville, où se trouve le port autonome d’Abidjan ainsi que de nombreux commerces. Cette zone portuaire est aussi une zone industrielle. On y trouve également le palais Omnisports et celui de la Culture qui accueillent régulièrement les grands spectacles.

Treichtown, comme on dit ici, et Port-Bouët font partie d’Abidjan Sud et sont reliées à Abidjan Nord, composée d’Abobo, d’Adjamé, de Yopougon, pour ne citer que celles-là, par les ponts Houphouët-Boigny et De-Gaule. Du haut du second cité, nous voyons le Plateau, le Centre des affaires, réputé pour ses immeubles modernes et où sont logées les principales institutions de la République (ministères, Assemblée nationale, présidence, Conseil économique et social, etc.) quand bien même la capitale politique et administrative est Yamoussoukro depuis 1983 sous l’impulsion du président Félix Houphouët-Boigny, qui en était originaire.

Mais en s’approchant de ces édifices de rêve du "Manhattan des Tropiques" (surnom donné à la ville), on se rend compte que la plupart d’entre eux sont délabrés et ont besoin d’un coup de pinceau pour leur donner le lustre d’antan. Crise économique et guerre obligent, il faut attendre que le pays sorte du bourbier pour que les autorités songent sérieusement à l’aspect physique d’Abidjan, une agglomération dont l’insalubrité est criarde, avec des ordures déposées en pleine-ville au bord du goudron.

Nous sommes logés à la Résidence hôtelière Sainte-Anne de Cocody, un quartier résidentiel de renommée en raison de ses maisons cossues et qui abritent, entre autres, des universités privées et publique, le siège de la Radio télévision ivoirienne (RTI) ainsi que des ambassades. Chaque membre de notre groupe dispose d’une chambre confortable mise à notre disposition par notre tutrice, Passig Oulaï, la directrice de l’Institut Goethe.

La nuit tombée, elle nous invite à manger à Blockhauss, un sous-quartier populaire de Cocody, très animé, où les habitations trahissent la précarité des lieux. Le dîner a lieu dans un restaurant chic, le Nandjelet, situé au bord de la Lagune Ebrié, qui contraste avec la zone. Nous dégustons des mets copieux ivoiriens, attiéké et poulet "kedjenou", dans une ambiance bon enfant.

L’air lagunaire caresse la peau et procure un certain bien- être. Mais l’odeur du poisson et des ordures de ménage jetés dans l’eau gênent un peu la quiétude de ceux qui ont un odorat sensible. Du Nandjelet, on a une vue sur les immeubles scintillant de lumière du Plateau.

La soirée terminée, nous rentrons nous coucher pour un repos bien mérité, car le lendemain le programme démarre. Mais tôt le matin, je suis réveillé par des sirènes de cortège. Renseignement pris, c’était celui du président de la République, Laurent Gbagbo, qui habite juste derrière notre hôtel. Un autre jour commence.

Adama Ouédraogo Damiss


Aperçu historique

Abidjan était à l’origine un petit village de pêcheurs. La capitale de la Côte d’Ivoire était Bassam. En 1896, à la suite d’une épidémie de fièvre jaune qui a fait beaucoup de victimes, les Colons français déménagent vers un endroit plus salubre. Leur déménagement fut suivi par celui du gouvernement colonial qui créa en 1899 le comptoir de Bingerville, capitale de la colonie française, de 1900 à 1934.

Alors que Bingerville n’est pas achevée, Abidjan est devenue le principal pôle économique de la colonie de Côte d’Ivoire et un relais privilégié pour la diffusion des produits européens vers les autres pays notamment grâce à une communauté libanaise de plus en plus importante. Finalement, par un décret datant du 10 août 1933, elle devient la 3e capitale de la Côte d’Ivoire. Mais sous l’impulsion d’Houphouët-Boigny, elle perd à son tour son titre et Yamoussokro lui succède comme centre administratif et politique.

Abidjan, ville la plus peuplée de l’Afrique francophone (3 796 677 habitants et plus de 5 millions pour l’agglomération, selon des chiffres de 2006), est érigée en commune en 1956. Depuis 2001, elle n’est plus dirigée par un maire central, puisque transformée en district et englobant en plus de dix communes urbaines, trois nouvelles sous-préfectures (Anyama, Songon et Bingerville). Le poste de maire d’Abidjan a été remplacé par celui de Gouverneur du district nommé par le chef de l’Etat.

A.O.D.

Source : Internet

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