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France/ Afrique : Le sacrifice de Nicolas Sarkozy

Publié le mardi 25 mars 2008 à 05h38min

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Alain Joyandet, nouveau Secrétariat d’état à la coopération

Ceux qui suivent les affaires françafricaines se doutaient bien que si cette histoire de rupture promise par le candidat Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle s’avérait sérieuse, au moins « un cadavre allait mourir », pour paraphraser le célèbre humoriste camerounais, Jean-Miché Kankan. C’est arrivé et la victime s’appelle Jean-Marie Bockel.

Le président français a profité des élections municipales des 9 et 16 mars 2008 pour se débarrasser de son secrétaire d’état chargé de la Coopération et la francophonie, désormais prié de s’occuper des Anciens combattants. Ce catho progressiste, militant de la gauche dite moderne- comprendre les capitalistes qui refusent de s’assumer- s’était laissé séduire par le discours du futur locataire de l’Elysée sur sa volonté de rompre avec certaines pratiques occultes entre l’état français et certains gouvernements d’Afrique, principalement francophones.

Mais si jamais la rupture devait se faire, elle aura lieu sans le maire de Mulhouse, qui avait naïvement pris son patron au mot en affichant sa détermination à débarrasser les relations entre la France et ses ex-colonies « des scories du passé et obsolescences qui perdurent de part et d’autre de la Méditerranée », à mettre fin aux « réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autre mandat que celui qu’ils s’inventent » comme l’avait proclamé Sarkozy en mai 2006 à Cotonou, au Bénin.

Huit mois après sa nomination et ne voyant rien venir, le monsieur « Afrique » du gouvernement s’était montré impatient quant à la mise en œuvre de cette nouvelle politique de rupture. Mi-janvier, à l’occasion de la présentation des vœux à la presse, il s’était confié au journal Le Monde, claironnant : « La rupture tarde à venir. Il y a encore des rentes de situation, trop d’intermédiaires sans utilité claire, trop de réseaux parallèles pour permettre un partenariat assaini, décomplexé, d’égal à égal. La Françafrique est moribonde. Je veux signer son acte de décès ». Dans la même interview, il avait fustigé « la mauvaise gouvernance, le gaspillage des fonds publics, l’incurie de certaines structures administratives ou politiques, la prédation de certains dirigeants » et déploré le fait que les populations ne profitent pas des ressources pétrolières de leur pays.

Ce discours tiers-mondiste qu’on avait plus entendu de la bouche d’un ministre français depuis longtemps, surtout de droite, a été accueilli dans certaines capitales africaines, notamment à Libreville, Brazzaville et Yaoundé, comme une pure provocation. Et la diffusion, quelques semaines plus tard sur la chaîne de télévision publique France2 d’un reportage sur les biens immobiliers d’Omar Bongo Ondimba a achevé de convaincre du côté de Libreville qu’il s’agit d’une cabale contre leur président. Impérativement, cet affront devait donc être lavé.

Certes, rien à priori ne permet de conclure que la mutation du ministre d’ouverture est due à des pressions de ceux qui se sont sentis morveux après ses propos. La simple hypothèse selon laquelle le président français aurait obéi aux injonctions de son homologue gabonais et viré son ministre paraît inimaginable pour la grande majorité des Français. Mais rien non plus n’interdit d’émettre cette hypothèse quand on sait la capacité de nuisance du président gabonais dans la classe politique française, toutes tendances confondues, y compris le Front national !

Sans enthousiasme, Nicolas Sarkozy avait inscrit l’escale de Libreville au dernier moment pour son premier déplacement sur le continent après son élection. Pourquoi, sans enthousiasme, ne virerait-il pas son Secrétaire d’état chargé de la Coopération et la francophonie, manifestement imprévisible, au moment il prépare un « voyage d’affaires » en Angola ? L’éloignement de Jean-Marie Bockel des affaires africaines rappelle étrangement le limogeage de son « vieil ami », Jean-Pierre Cot, éphémère ministre de la Coopération de François Mitterrand en 1992 pour avoir déjà voulu normaliser les relations entre la France et l’Afrique francophone.

Le Secrétariat d’état à la coopération est désormais confié à Alain Joyandet, présenté comme un fidèle du président Sarkozy et au tempérament plus conventionnel.

Joachim Vokouma
Lefaso.net

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