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Vie chère : Il ne suffit pas de dire

Publié le mercredi 19 mars 2008 à 10h01min

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La vie chère au Faso prend des drôles de tournures. On apprend ainsi qu’il suffit d’une opération du Saint esprit pour que les prix chutent à une vitesse grand « V ». Au risque de décevoir les analystes à la petite semaine, il en faudra de la réflexion pour résorber la crise qui - personne ne l’oublie n’est-ce-pas - est d’abord et avant tout mondiale.

Au Burkina Faso, la culture du « y a qu’à faire » pour reprendre l’expression chère à un célèbre journaliste est si ancrée, au point que tout le monde en oublie d’être lucide. Par une facilité déconcertante - tare devenue congénitale - ils sont nombreux à s’ingénier à laisser croire que tout serait de la faute du gouvernement. Après tout, cela est bien commode. Faire dans la simplicité, quoi de plus aisé ? Or, les mêmes intellectuels bien au fait des mécanismes de l’économie libérale, dominante dans le monde actuel, ont coutume de dire qu’il faut éviter de proposer des solutions simples à des problèmes complexes.

Oui, aujourd’hui le monde est complexe et plus encore, la situation des pays pauvres. Ils subissent dans leur majorité, sans exclusive aucune, les désordres actuels. Maintenant, il est également certain que la logique de l’homme veuille qu’il ne se complaise pas à la fatalité et soutienne qu’il ne reste qu’à s’asseoir et à subir. Face à la mondialisation galopante, au coût du baril de pétrole, mesuré à New-York mardi dernier à hauteur de 108 dollars, non on ne rêve pas, il y aurait à inventer non pas de réduction des prix des produits, mais de nouveaux comportements, de nouvelles façons de vivre. Ce sont à présent nos habitudes qui sont indexées, nos modes de production et de consommation, bref la révolution devient à tout point de vue culturelle. Elle est inévitable au risque d’aller vers une mort lente et certaine.

La leçon Mao

Le grand leader de la Chine populaire a acquis la certitude que « tout est culturel ». Peut-on lui donner tort quand on voit à quel niveau de développement se situe aujourd’hui son pays. On est habitué à force de les voir partout, aux produits made in China devenus aussi prisés que ceux d’un Occident en plein déclin. Comment alors pour cette Europe damée sur son terrain traditionnel du commerce, reprendre la main face au dumping social pratiqué à ciel ouvert par une Chine décomplexée ? Sinon que par laisser courir les cours des produits de grande consommation où elle possède encore une avance certaine, notamment lait, sucre, huile alimentaire, pâte et farine.

Face à cette féroce concurrence dont l’Afrique devient le théâtre, malgré elle, des hostilités, elle doit repenser Mao et savoir que la logique économique commande de remettre en cause cette dépendance. C’est pourquoi aussi, c’est un travail sur le long terme, la Chine y a travaillé depuis la fin des années quarante. Cette inéluctable révolution culturelle suppose se vêtir local, manger local en un mot comme en mille consommer local. Le Premier ministre l’a dit, la foire commerciale de la CEDEAO est l’occasion donnée pour nous retourner vers nous-mêmes. Sinon à persister dans nos habitudes extraverties, le bout du tunnel n’est pas pour demain.

Solutions transitoires

Les mesures préconisées ici ou là dont la fameuse augmentation des salaires de Maître Bénéwendé Sankara ne sont que des palliatifs. Des tentatives pour répondre à une situation qui échappe à la maîtrise de l’homme. Même les meilleurs maîtres de l’économie n’arrivent plus à expliquer pourquoi le baril monte chaque jour, sans que rien, ni personne ne puisse y mettre un holà. Le gouvernement qui est la recherche de l’optimisation des recettes budgétaires pour mieux assurer le financement des secteurs sociaux serait bien en peine d’accroître les salaires à la hauteur souhaitée. Peut-être va-t-il encore consentir entre 5 et 10% mais au-delà, il mettra en péril les finances publiques, déjà consacrées par une large part aux salaires.

C’est pourquoi, son discours s’inscrit dans le rationnel sinon le raisonnable et son engagement prend des allures du « possiblement » réalisable. Il sait par avance que toute tentative de faire dans la démagogie au prétexte d’éteindre un incendie va inéluctablement lui revenir à la figure. Malgré cette réalité des finances incapables de répondre à la demande sociale très forte, il est malgré tout à l’heure des choix. Le dialogue doit être renoué avec les partenaires sociaux, au cours duquel tout doit être mis à plat. Il n’est plus indiqué de réserver la gouvernance à un cercle d’initiés, fussent-ils de l’exécutif.

Sortir des couloirs feutrés de la république est une question de survie afin que les options soient comprises et acceptées de tous. Face à un monde dépourvu de solutions, même les plus vieilles démocraties sont en panne dans la recherche - la France et les 316 propositions du rapport Attali en est toujours au stade du débat - du bout du tunnel, le Burkina n’a qu’une alternative. C’est celle que le monde de la société civile ait une voix aussi prépondérante que celle des pouvoirs exécutif et législatif. A l’heure du libéralisme a tout crin, personne n’a le monopole de la vérité et du savoir que faire. Et lorsque les voix du peuple d’en bas deviennent trop bruyants, quoi de plus normal que de l’associer au premier chef dans les décisions le concernant ? Peut-être que de cette réflexion commune jaillira la lumière, que dis-je la solution. Place aux syndicats et pour de vrai.

Souleymane KONE

L’Hebdo

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