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Manifestations contre la vie chère : Crise structurelle ou fronde conjoncturelle ?

Publié le mercredi 19 mars 2008 à 10h02min

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Le Burkina, un pays en crise ? Oui ! Répondent certains analystes proches des milieux politiques de l’opposition, des syndicats et de la société civile. Pour preuves, ils indexent les violentes manifestations contre la vie chère le mois dernier.

D’autres manifestations sont du reste prévues pour ce 15 mars. On observera attentivement leur déroulement. Si elles dégénèrent comme les précédentes, elles confirmeront l’hypothèse d’un raz-le-bol social qui va au-delà des préoccupations sur le coût de la vie. Si au contraire, elles se déroulent dans le calme, le respect de la loi et des institutions, les tenants d’une crise de confiance entre les citoyens et la IVe République devraient mettre de l’eau dans leur vin. De fait la frontière entre revendications sociales et revendications politiques est toujours très mince. Un glissement du social au politique est rapidement observé si l’Etat se montre incapable de proposer des politiques adéquates pour satisfaire les demandes sociales.

La chute des trois premières Républiques a été consécutive à des mouvements sociaux sur lesquels la contestation politique s’est greffée rendant le pays ingérable. L’opposition politique, même si elle est structurellement faible, ne manque pas de pugnacité et d’opportunisme. Ce n’est pas pour rien qu’elle tente à travers une flopée de déclarations de presse de parler d’une crise structurelle due à une faillite du système de gouvernance. On aboutit ainsi à des schémas réducteurs du genre, la vie coûte cher parce que Blaise Compaoré est au pouvoir depuis 20 ans. Les événements du Cameroun ne sont pas étrangers à cette caricature grotesque. Et pour cause !

A Douala, les émeutes ont commencé par un meeting interdit de l’opposition contre la révision de la constitution. Les manifestations contre la vie chère se sont greffées à cette contestation politique. Le résultat, on le connaît. Le bâton de la répression a fait officiellement 40 morts quand les observateurs indépendants ont dénombré plus de 100 morts et un millier de blessés. La carotte de l’augmentation salariale de 15 % a été tendue pendant que les Camerounais pleuraient leurs morts. Le ressort de la contestation a ainsi été cassé. Partis politiques et syndicats ont alors comme disparus de la circulation. Au Burkina, certains pêcheurs en eaux troubles voudraient un scénario inverse.

Aux manifestations contre la vie chère, ils n’hésitent pas à adjoindre de la contestation politique. C’est dans cette optique qu’il faut lire certains pamphlets à l’argumentaire peu solide sur la faillite d’un homme, de son système, de l’Etat, voire du pays tout entier. Il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir et ce serait peine perdue de chercher à convaincre des opposants purs et durs, dans les milieux sankaristes par exemple, que la longévité de Blaise Compaoré à la tête de l’Etat, plaide plutôt pour la pertinence du système politique dont il est fondateur et métronome. A contrario, l’instabilité qui a caractérisé les régimes politiques au Burkina de 1960 à 1987 traduit bien les tâtonnements, les difficultés des dirigeants de l’époque à trouver des solutions innovantes aux problèmes socioéconomiques des Burkinabè. Faut-il le rappeler ?

Six coups d’Etat militaires, trois Républiques les unes plus brèves que les autres en 27 ans d’indépendance, il n’y a pas de quoi pavoiser pour les nostalgiques d’un certain passé, contempteurs du régime actuel. C’est vrai, le fonctionnement des institutions républicaines reste perfectible, mais la refondation, concept à la mode dans bien d’états-majors de partis politiques a besoin qu’on lui trouve un contenu plus attrayant que les sautes d’humeur du genre « 20 ans cela suffit, qu’il s’en aille ! ». C’est vrai, la bonne gouvernance est un corollaire indispensable d’une bonne démocratie. C’est connu, la corruption, la fraude en tout genre sont une gangrène qui détruit l’esprit civique, lequel délitement a des conséquences préjudiciables sur la pertinence de la démocratie.

Par ailleurs, le libéralisme économique n’est pas synonyme d’absence de l’Etat dans la réglementation du monde des affaires. Les citoyens avertis connaissent et acceptent ces évidences. D’où vient alors qu’il y a ce tollé contestataire au moment où l’exécutif met en œuvre une politique budgétaire qui refuse la fraude et l’évasion fiscale ? Peut-on faire des omelettes sans casser des œufs ? En d’autres termes, peut-on dire oui à la lutte contre la fraude, la corruption mais non aux sacrifices y afférents ? C’est absurde, à l’image de ces sophistes qui voient dans les manifestations contre la vie chère, l’hallali de la IVe République.

Djibril TOURE

L’Hebdo

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