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Mesures contre la vie chère : "Un prix suggéré n’oblige personne"

Publié le mercredi 19 mars 2008 à 09h58min

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La flambée des prix est la conséquence de l’insuffisance des actions de défense des consommateurs". C’est la principale leçon que tire l’Organisation des consommateurs du Burkina, dans la déclaration ci-après.

Dans l’objectif de contribuer à la réflexion et en attendant de voir les effets des prix suggérés des produits de grande consommation que le gouvernement a proposés, l’Organisation des consommateurs du Burkina (OCB) pense que la prise des mesures suivantes pourrait contribuer à améliorer le climat de la concurrence au profit des consommateurs au Burkina Faso :

- La création d’une structure de veille sur les produits de grande consommation.

- La mise en place d’un mécanisme de réajustement des salaires en fonction du renchérissement des prix des produits de grande consommation. La détermination et le suivi du panier de la ménagère constituent un instrument indispensable dans la politique de réajustement.

- L’instauration d’un système de péréquation pour les produits de grande consommation par la création d’une caisse de péréquation(CP).

- La prise en compte du prix des hydrocarbures dans les nouvelles mesures du gouvernement au profit de consommateurs. En effet, le carburant est le seul facteur dont l’augmentation de prix a des répercussions sur tous les prix des autres produits et services.

- Le rallongement de la liste des produits de grande consommation et dont les prix doivent être revus à la baisse : carburant, ciment, tôles, fers à béton, etc. ;

- L’institution des journées continues et le renforcement du parc automobile de transport en commun. A cet effet, iI serait souhaitable d’ouvrir le secteur du transport en commun dans nos villes aux sociétés privées. L’exemple nous vient du Mali où le secteur privé possède des sociétés de transport en commun qui desservent les rues de Bamako avec des minibus adaptés aux dimensions des rues.

- Le renforcement de la bonne gouvernance et la réduction du train de vie de l’Etat afin de maintenir les budgets à des niveaux permettant une exécution moins contraignante pour tous les acteurs (opérateurs économiques, Etat, consommateurs).

- L’instauration et le renforcement du contrôle des prix, des poids et des mesures ainsi que du contrôle permanent et rigoureux de la qualité des produits alimentaires et non alimentaires à l’importation comme sur le marché local.

- La promotion de la consommation des produits locaux compétitifs par le prix et la qualité, en particulier celle du riz dont la culture pourrait se développer dans les plaines déjà aménagées (Sourou, Bagré, Kompienga, Banzon, Nionfila, Douna, Vallée du Kou, etc.).

- La suppression pure et simple de toute forme de monopole d’importation (du riz, du tabac, du sucre, du lait, de l’huile , du beurre, etc.).

- La suppression du monopole d’importation des hydrocarbures par la SONABHY et la libéralisation des importations des hydrocarbures.

- La suppression des abus de position dominante de certaines entreprises.

- La lutte contre les ententes ayant pour effet de restreindre la concurrence.

- La lutte contre les cloisonnements de marchés.

- La lutte contre les pratiques de fraudes et de corruption sous toutes leurs formes.

L’OCB sans subvention

Par ailleurs, l’Organisation des consommateurs du Burkina (OCB) tient à porter à la connaissance du public qu’elle n’a pas été associée à la rencontre d’information que le gouvernement a organisée à l’endroit de la société civile en rapport avec la situation née de la cherté de la vie au Burkina suite aux manifestations contre la vie chère dont le top de départ a été donné à Bobo Dioulasso , à Ouahigouya, à Banfora les 20 et 21 février 2008, et à Ouagadougou le 28 février.

La situation actuelle de flambée des prix montre clairement que les consommateurs sont très peu protégés contre les pratiques déloyales et arbitraires du marché faute d’une politique adéquate de soutien à leurs associations. Au lieu de chercher à diversifier et à renforcer les appuis en direction des associations de consommateurs, et relever le niveau de protection des consommateurs, les autorités ont toujours préféré créer une situation de « monopole » en ne soutenant qu’une seule association au détriment des autres. Comment comprendre que c’est depuis 1997, soit depuis onze (11) ans de cela, que le gouvernement a pris le seul décret (Décret n°97 -115/PRES/PM/MATS du 17 mars 1997) reconnaissant d’utilité publique une seule association de consommateurs dans notre pays conformément à la Loi n° 10/92/ADP du 15 décembre 1992 portant liberté d’association ?

Face aux plaintes, on entend des réponses cyniques faisant allusion à l’insuffisance de la dotation budgétaire même pour une seule association. Pour certains, agréer d’autres associations limiterait les activités de l’association subventionnée, et de conseiller d’aller vers une fusion avec l’association subventionnée. Si la fusion est une bonne chose et était la solution indiquée, pourquoi ne l’applique-t-on pas aux partis politiques et aux organes de presse ?

Paradoxalement, à l’égard des acteurs tels que les partis politiques et les organes de presse, ce genre de traitement n’est pas appliqué. Le financement des partis politiques et des organes de presse ne requiert pas une procédure complexe et n’exige aucune étiquette préalable de reconnaissance d’utilité publique. Si les premiers sont financés systématiquement pendant les campagnes électorales, les seconds le sont chaque année selon des critères très simples. Même s’il est vrai que les partis politiques et les organes de presse ne sont pas des associations et, par conséquent, ne sont pas régis par la même loi, mais tout ne dépend-t-il pas de l’importance que le politique accorde à l’action des associations de consommateurs ? Le financement des partis politiques vise leur renforcement en vue d’une meilleure participation au processus démocratique en cours, et, quant aux organes de presse , leur financement obéit à la philosophie de leur donner davantage de moyens de fonctionnement pour préserver leur indépendance dans la promotion de la démocratie par le droit de critique et de l’information. Tout laisse voir que les autorités sont plus attentionnées pour les questions de gouvernance politique que pour celles de la gouvernance économique. Mais n’est-ce pas dans le système démocratique que le droit du consommateur doit être le plus reconnu et défendu ? Avec plus de 13 millions de consommateurs potentiels que compte le pays, il est tout à fait incompréhensible que l’Etat accorde très peu d’importance à leurs intérêts en confiant leur protection rien qu’à une seule association de consommateurs et en bloquant le bénéfice de la subvention aux autres.

Pourquoi, pendant que le Burkina opte pour le libéralisme économique et la suppression des monopoles quelque part, on continue d’inciter au renforcement d’une structure unique de défense de consommateurs au lieu du modèle fédératif ?

Curieusement, n’est-ce pas en régime démocratique, que le pluralisme démocratique doit être sous-tendu par le pluralisme d’actions et d’opinions ? Dans bien des pays, la lutte pour la défense des intérêts des consommateurs se spécialise davantage par secteur d’activité économique. Ainsi, il existe des associations de consommateurs dans le domaine de l’eau, de l’électricité, du bâtiment et des travaux publics, du commerce général, de l’agriculture, des prestations de service, etc. S’il est vrai qu’en économie libérale, le rôle de l’Etat se limite à veiller à ce que les règles établies soient respectées, que la loi de l’offre et de la demande détermine les prix et que l’économie se régule par le jeu de la concurrence, il faut accepter que d’autres acteurs, en particulier les associations de consommateurs, doivent avoir un rôle capital à jouer dans cette régulation afin de combler le vide provoqué par l’absence de l’Etat. Dans ces conditions, les pouvoirs publics se dessaisissent de leurs obligations pour les voir assumer par les associations de consommateurs qui sont en droit de bénéficier de son soutien.

L’OCB avait averti...

En effet, même la plus petite enquête sur un marché nécessite des frais importants, de surcroît inférieurs aux frais d’enquête d’envergure nationale, et que dire des enquêtes sur le contrôle de la qualité des produits.

Aujourd’hui nous semblons être surpris de la réaction des uns et des autres à propos de la flambée des prix, mais l’on pouvait s’y attendre.

Il n’est pas superflu de parapher cette pensée d’un psychanalyste qui dit : « Quand la menace sévit sur l’individu et atteint son paroxysme, il en est de même pour son agressivité. » Les consommateurs ont donné l’alerte sur la cherté de la vie depuis fort longtemps, et les syndicats ont emboîté le pas.

En son temps, I’OCB avait attiré l’attention des pouvoirs publics sur l’érosion du pouvoir d’achat des consommateurs à travers les augmentations successives du prix du carburant qui avaient commencé pratiquement depuis les années 2001. Notre association avait fait des propositions concrètes aux autorités, allant de la libéralisation des importations des hydrocarbures, à l’examen de la structure des prix par la suppression ou la réduction de certains éléments tels la TVA, les marges des acteurs ; nous avons proposé la diversification des sources d’approvisionnement en hydrocarbures, et même nous sommes allés jusqu’à proposer que les Etats membres de la CEDEAO se concertent pour créer une centrale nucléaire

régionale. Les autorités avaient été informées que le Mali est plus enclavé que le Burkina mais parvient à vendre son essence moins cher sur le marché.

Les consommateurs ont remarqué qu’à chacune des augmentations de prix du carburant, presque tous les prix des produits subissaient des flambées de prix sur les marchés. Aujourd’hui, outre le carburant, le virus de la flambée des prix a contaminé presque tous les produits : condiments, céréales, huile, savon, lait en poudre, lait concentré, ciment, viande, pain, beurre , condiments, fers à béton, tôle, etc.

Le gouvernement, par arrêté n°2008-046/MEF/SG-DGD/DGI du 3 mars 2008 portant suspension de la perception du droit de douane sur des produits de grande consommation, a arrêté les taxes cumulées de 2,5% pour le riz importé, à l’exception du riz parfumé, le sel, le lait, et 20,95 % pour les préparations à base de lait, etc

Les prix « suggérés » tels que communiqués par le gouvernement le 9 mars 2008 consacrent, certes, une baisse théorique des prix rendue possible grâce à la perception partielle des droits de douane(DDD) et de la TVA sur certains produits. Mais ces mesures seront-elles suffisantes pour garantir les règles du marché et les consommateurs ? Déjà, certains commerçants se rebellent contre la mesure du gouvernement en refusant de vendre au prix suggéré par le communiqué. Un prix suggéré n’oblige personne, par contre un prix plafond fixé par arrêté ministériel détermine légalement des limites.

Des décisions précipitées

Pour l’OCB, iI ne s’agit pas de renoncer temporairement à des droits de douane ou à la TVA. Il s’agit de trouver des solutions durables contre la flambée des prix et l’érosion du pouvoir d’achat dont sont victimes les consommateurs. Les différentes qualités de riz que nous consommons ne proviennent pas seulement d’Inde, de Chine et du Vietnam, ils sont aussi importés d’ailleurs (Pakistan, Japon, etc.), et quels seront les prix des produits similaires dont l’origine n’est pas la même que celle indiquée dans le communiqué ? Quelle est la structure des prix des produits importés ?

Autrement dit, quels sont les différents éléments qui composent le prix des produits de grande consommation ?

De ces décisions prises précipitamment, l’OCB craint que des produits disparaissent du marché, créant des pénuries préjudiciables aux consommateurs.

Par ailleurs, les consommateurs constatent que beaucoup d’autres produits massivement consommés ne sont pas concernés par la baisse des prix. Il s’agit du carburant, du lait concentré sucré Bonnet rouge, Bonnet bleu 1 kg la boîte, du lait concentré sucré Nestlé de 1 kg la boîte, du ciment, des tôles, le fer à béton, le petit mil, le sorgho, le maïs, le niébé, etc.

Que dire du prix du ciment dont le sac est passé de 4 250 FCFA à 5 500 FCFA pour le CPJ 45 ? Le ciment du Togo étant intouchable. Avant la dévaluation, ce sac de ciment était à 2 000 FCFA, aujourd’hui, ce prix tend vers le triple. Les tôles, quant à elles, subissent une augmentation de prix avec pour prime une diminution de son épaisseur et de sa résistance, de sa qualité au détriment de la sécurité des consommateurs. Le fer à béton est fabriqué et vendu à des diamètres non conformes.

Pendant que tous les acteurs s’efforcent à trouver des solutions à la flambée des prix, certains esprits malveillants trouvent le moyen de continuer à augmenter les prix : le beurre St Avé consommé par la majorité des Burkinabè a enregistré une augmentation de prix pendant la crise, et de 250 F CFA la plaquette , le prix de la plaquette est passé à 375 F CFA, soit 125 F CFA d’augmentation. Ils sont nombreux les Burkinabè qui prennent leur petit déjeuner avec du café au lait et du pain enrobé de beurre St Avé. La boule de savon d’importation de Côte d’Ivoire Fanico (Marseille soap) vendue il y a deux mois de cela à 300 F CFA est vendue actuellement à 500 F CFA.

En ce qui concerne l’augmentation du prix de l’huile de coton, nous disons qu’il était temps que le gouvernement intervienne dans ce secteur, car le prix de la graine de coton avait atteint un niveau incompréhensible : si le prix de la tonne de graine de coton était entre 20 000 et 30 000 F CFA en 2006-2007, il est passé à 80 000 F CFA en HT et à 90 000 CFA en TTC la tonne en 2007/2008, soit une augmentation de 200%. Par ailleurs, sur cette filière l’Etat percevait une double TVA (une taxe TVA sur la vente des graines de coton et une autre TVA sur les ventes de l’huile de coton). Il n’est donc pas étonnant que le prix du litre d’huile de coton subisse une augmentation. Le prix de la tonne de tourteaux de coton vendue l’an passé entre 40 000 et 60 000 F CFA est passé à 110 000 FCFA à l’heure actuelle, soit une augmentation de 175 %, et on risque d’assister à la vente de la tonne de tourteaux de coton à un prix avoisinant 150 000 FCFA d’ici le mois de mai/juin 2008 . Quel est l’éleveur qui pourra se le procurer et quelle sera la conséquence de cette situation sur nos ressources animales ?Et pourtant ni l’augmentation du prix des semences ni celle des intrants ne justifie l’augmentation du prix de la graine de coton.

Une véritable spoliation des consommateurs

En son temps, les syndicalistes ont donné le ton à la lutte contre la vie chère et ont proposé dans leur cahier de doléances adressé au gouvernement la revendication relative à l’augmentation des salaires de 25% afin que les consommateurs salariés puissent supporter la flambée des prix. Leur réaction traduit les plaintes et les souhaits de tous les consommateurs, car, si on ne peut pas intervenir sur les prix à cause de la libéralisation de l’économie, qu’il soit permis le réajustement des salaires pour tenir compte des flambées de prix. Dans le cas contraire, l’une des principales règles des économies libérales qui veut que l’offre suive la demande sera rompue. La gouvernance économique a plus besoin d’être ajustée ou révisée pour répondre aux attentes de la population et aux objectifs de développement. Autrement notre politique économique aurait échoué.

Le Président

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