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Biya et la vie chère : 15% pour continuer à jouer au golf

Publié le lundi 10 mars 2008 à 11h20min

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C’était il y a une dizaine de jours. Les affrontements entre les forces de l’ordre et les automobilistes, survenus du 25 au 27 février à Douala et dans d’autres cités camerounaises, ont fait 24 morts et 1500 blessés selon le gouvernement.

Faux, rétorque la Maison camerounaise des droits de l’homme, que dirige Madeleine Affité, qui fait état de 100 personnes tuées et d’environ trois milliers de blessés. Et les pillages et autres dégâts matériels enregistrés lors de ces manifestations se chiffrent à plus de 50 milliards de FCFA dans la seule ville de Douala, la capitale économique, a déclaré Christophe Eken, le Président de la Chambre de commerce.

Ces manifestants débrayaient (comme nous l’avons vu chez nous à Bobo, à Banfora, à Ouahigouya et à Ouagadougou), contre le vie chère et en arrière-fond pour s’opposer frontalement au projet de révision constitutionnelle, qui permettrait au Président Biya, au pouvoir depuis 26 ans, de briguer un nouveau mandat en 2011. Et pour une des rares fois, Biya, qui brille par son absence dans les forums qui interpellent le continent et qui est autant absent dans le quotidien des Camerounais, est sorti du bois pour s’adresser à son peuple.

Le ton ferme et quelquefois martial, le successeur d’Amadou Ahidjo a déclaré que sa réaction doit être à la mesure de l’affront causé par "ces apprentis-sorciers". Ce qui est en cause, martelait Biya, "c’est l’exploitation pour ne pas dire l’instrumentalisation qui a été faite de la grève des transporteurs, à des fins politiques". La thèse du Président Biya est donc claire comme de l’eau de roche : ces manifestations ne sont pas spontanées et ne font pas suite à des revendications jusque-là connues. Elles sont la matérialisation d’un complot plus élaboré ayant pour but de s’attaquer aux institutions de la République par des moyens autres que le choix des urnes.

Peut-être bien que certains ont profité de cette violente sortie contre la vie chère pour manifester leur opposition au projet de révision constitutionnelle. Mais pour le Camerounais moyen, la vie chère reste la principale raison de ce mouvement d’humeur. Comment oublier que l’écrasante majorité des compatriotes de Samuel Eto’O, qui trime depuis déjà bien longtemps, à qui on avait promis des lendemains qui chantent, avec la mise en service du pipeline au Cameroun, et le bout du long tunnel au lendemain de l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE, en soit encore à manger de la vache enragée ?

Et pourtant le Cameroun est loin d’être un pays pauvre, il peut être mal géré. Etant donné qu’entre-temps les prix des denrées de première nécessité ont flambé, la majorié de la population était réduite à la clochardisation. Maniant à la perfection la carotte et le bâton, le Président camerounais, qui semble ignorer royalement la misère de son peuple, s’est enfin résolu à cracher au bassinet. A l’issue de ces violentes manifestations contre la vie chère, Paul Biya a donné des instructions "précises" sur les mesures à prendre, surtout fiscales.

Ainsi, les droits de douane sur plusieurs produits de première nécessité sont suspendus et les salaires des fonctionnaires vont être revus à la hausse de 15%, indique un décret présidentiel. Rarement de mémoire de journaliste on aura vécu une telle mesure, tant 15% d’augmentation, ça reste appréciable même pour le plus irrascible des syndicalistes.

Hormis cela, d’autres mesures devraient être prises par les autorités camerounaises, notamment dans les domaine de l’emploi et des tarifs téléphoniques. Mieux : les prix des produits pétroliers devraient aussi être réexaminés. Alors où était caché tout cet argent pour que ce soit maintenant qu’on le sorte ?

Fallait-il vraiment attendre qu’il y ait autant de morts, de blessés, des dizaines de milliards FCFA partis en fumée pour se résoudre à prendre de telles décisions, salutaires pour le commun des Camerounais ? Si vraiment Biya a consenti cette augmentation de 15%, c’est d’abord pour faire passer comme une lettre à la poste son projet de révision constitutionnelle.

Pour pouvoir dormir tranquille et s’adonner à son sport favori, le golf. Ce farnienté vaut tout de même 15% d’augmentation salariale ! Certes le Burkina n’est pas le Cameroun en matière de ressources, mais nous espérons bien que Blaise Compaoré, compte tenu des difficultés des populations à joindre les deux bouts, s’inscrira dans cette démarche d’augmentation salariale.

Boureima Diallo

Note : (1) : Pays pauvre très endetté

L’Observateur

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